Publié il y a 2 mois - Mise à jour le 13.09.2024 - Propos recueillis par Anthony Maurin - 7 min  - vu 1220 fois

L'INTERVIEW Le torero Lalo de Maria : "Quand tu torées, tu es dénudé, tu t’exposes et tu exposes ta vie"

Lalo de Maria, Lalo Lambert dans la vie civile, va prendre son alternative des mains de Sébastien Castella et sous les yeux de Jose Maria Manzanares II ce vendredi 13 septembre dans les arènes de Nîmes. Interview.

Objectif Gard : Votre mère, Marie Sara était était torera à cheval et vous avez grandi dans cet environnement. Vie taurine et vie familiale sont-elles toujours liées ?

Lalo de Maria : Ma vie était une vie familiale autour du toro et j’ai pris mon chemin indépendant dans les toros il y a sept ou huit ans quand j’ai commencé à m’entraîner tout seul. Cela s’est accentué il y a trois ou quatre ans quand j’ai réellement commencé.

Votre nom a-t-il accéléré les choses ou non ?

Je suis arrivé en novillada piquée en 2022 avec très peu de bagage, peu d’expérience et beaucoup de culot mais pas grand-chose d’autre ! Cette première année était une année d’apprentissage où j’ai découvert ce que c’était que de revêtir le costume, d’arriver aux arènes, de se placer, de connaître le toro tout cela dans neuf arènes de première catégorie avec la présentation du novillo qui va avec… C’était peut-être brûler les étapes.

Lalo de Maria (Photo Archives Lalo de Maria)
Lalo de Maria sur la gauche avec son père, Christophe Lambert et sa mère, Marie Sara (Photo Archives Lalo de Maria)

Un regret ?

Stratégiquement on n’a peut-être pas bien fait les choses mais nous n’avions pas d’autres choix car seules les arènes de première me laissaient entrer aux cartels. C’était soit ça soit rester à la maison ! Il me fallait aller dans ces arènes pour espérer triompher et espérer avoir la possibilité d’entrer dans des arènes de deuxième ou troisième catégorie. C’était un coup de poker, je suis toujours vivant alors c’est bien !

2023, que d’émotions…

2023 a été une année un peu plus décisive encore. J’ai fait 15 ou 16 contrats. Dans les villages les toros avaient quasi un an de plus et étaient bien présentés et dans les arènes de première je devais confirmer… Je sais, par exemple, qu’à Madrid, j’ai été miraculé avec cette cornada dans le nez ! C’était un chapitre important dans la mini carrière que j’entreprenais. Après, il y a eu Bilbao. J’ai clairement senti un avant et un après. Bilbao m’a forgé et m’a affirmé en tant que torero. J’ai senti que je n’étais plus en train de me noyer, j’avais maintenant l’eau au-dessus des chevilles, plus au cou.

Lalo de Maria (Photo Archives Anthony Maurin)
Lalo de Maria (Photo Archives Anthony Maurin)

Il fallait une pause pour se recentrer et rattaquer !

Oui, l’hiver a été très productif, très bien pour que l’homme prenne en maturité et apporte au torero plus d’épaules, plus de coffre, plus de fond, plus d’étoffe. Cette année j’ai beaucoup moins toréé parce que mon ambition était de faire trois années en novilladas avec picadors, de triompher dans les arènes de première, avoir une ambiance derrière moi, avoir un rythme et les gradins chauds pour prendre l’alternative avec ce vroum-vroum dans les arènes ! J’espérais y arriver en force mais je n’ai pas réussi…

Une désillusion qui vous a sans doute permis de comprendre des choses ?

Je me suis perdu l’année dernière mais je préfère m’être perdu de novillero plutôt que de matador. 

Lalo de Maria Novillada de Chamaco pour Yon Lamothe, Solalito et Lalo de Maria (Photo Anthony Maurin)
Lalo de Maria lors de la novillada de Chamaco pour Yon Lamothe, Solalito et Lalo de Maria (Photo Anthony Maurin)

2024, l’aboutissement d’un chemin ?

Ces trois années se sont faites en trois étapes. Apprentissage, confirmation et se faire en tant que matador de toros. Toutes les novilladas auxquelles j’ai participé cette année, je m’y suis préparé comme pour une corrida, j’y ai pensé comme un matador, comme si c’était mon alternative. Ces novilladas ont été de vraies opportunités pour me préparer à prendre l’alternative. Je vais finir avec une dizaine de contrats avant l’alternative. J’ai commencé dans des villages, puis j’ai enchaîné Nîmes et Madrid. L’été a été plus calme jusqu’à Tarascon puis il y a eu Tudela, Béziers puis Bayonne pour les deux dernières courses importantes. Juste avant l’alternative, en septembre, j’aurais deux villages de ferias de novilladas, très regardées par l’aficion.

Vous serez à Calasparra quelques jours avant votre alternative ?

J’ai triomphé à Calasparra en 2023, ils m’ont rappelé et j’avais envie d’y aller même si c’est deux jours avant l’alternative ! À Calasparra je vais toréer du Paco Galache, un encaste que je ne connais pas, que je n’ai jamais toréé mais qui m’intéresse beaucoup car ça fait partie de ma tauromachie et pour la recherche de ma profondeur, mon temple. Je sais que ça va être une dernière épreuve géniale pour arriver en jambes pour l’alternative.

Lalo Lambert arrive-t-il à vivre avec Lalo de Maria ?

Dans toutes les carrières artistes, partout même, il y a toujours la personne et le personnage. Le personnage a vraiment besoin de la personne ne doit pas se perdre dans le personnage. Lalo Lambert vit énormément de choses, il ressent des choses pour s’étoffer, se polir et pour que Lalo de Maria arrive dans l’arène pour laisser son âme s’exprimer grâce à toutes des choses déjà vécues. Un artiste doit explorer sa vie et pour les toreros comme pour les autres un artiste doit explorer l’ailleurs, l’altérité. 

Lalo de Maria (Photo Archives Lalo de Maria)
Lalo de Maria, ennfant mais en apprentissage chez Juan Pedro et Avec Juan Pedro Domecq (Photo Archives Lalo de Maria)

Être torero c’est aussi être artiste ?

C’est paradoxal de se remplir de tout cela pour se vider ensuite en partageant l’expérience avec 10 000 personnes. Dans les toros c’est aussi ce qu’il y a de beau. Quelqu’un qui ne te connaît pas mais qui est assis dans les gradins peut savoir qui tu es au bout de dix minutes en piste. Quand tu torées tu es dénudé, tu t’exposes et tu exposes ta vie, tes sentiments, ta manière de penser, ton vécu… et ça j’adore ! Sans dire un mot je peux montrer qui je suis sans chercher à le faire réellement.

Et pour les proches, être torero ça fait quoi ?

Pour les proches, c’est dur. C’est comme escalader une montagne très haute ! Le chemin est long et on vit des choses mais ton entourage les vit autant que toi si ce n’est plus ! Je sais que j’ai comme fidèles Lauri Monzon, Simon (Casas) et ma mère qui m’aident depuis le début. Ils vivent tout comme moi. La première année a été très dure, nous avions des ambitions, elles se sont éteintes puis rallumées, c’est un chemin, il faut savoir se perdre pour mieux se retrouver ! Mes pinchazos empêchent parfois ma mère de dormir… Ça me blesse de voir ça mais c’est comme ça, elle vit tout cela corps et âme ! 

Lalo de Maria (Photo Archives Anthony Maurin)
Lalo de Maria (Photo Archives Anthony Maurin)

Vous entretenez une rare relation avec votre mère. Ça doit être quelque chose cette famille !

Il y a eu des moments très compliqués l’un ou l’autre disparaissait pendant quelques mois, puis on se retrouvait en fin de saison pour se reconnecter. On a une relation tellement passionnelle, basée sur la tauromachie. Même mes sœurs ou mon frère savent que c’est une relation intouchable et que même si on s’aime tous autant et que nous sommes tous unis, il y a quand même deux sphères différentes. Côté de mon père, c’est le cinéma pour mes sœurs et mon frère qui ont choisi cette voie, côté de ma mère c’est les toros et il n’y a que moi. Je suis fier de porter son nom et de lui faire vivre et revivre encore une fois cette aventure taurine qui est l’une des plus belles des aventures. 

Avez-vous des amis sur qui vous pouvez compter ?

Déjà, l’âge dans les toros, ça ne veut pas dire grand-chose ! Je ne crois pas trop en cette notion. J’ai des amis d’une cinquantaine d’années, d’une quarantaine, d’une trentaine… Mais j’ai aussi des amis de mon âge même si j’en ai naturellement moins. Dans les toros, ce qui compte avant toute autre chose ce sont les valeurs de l’homme. J’ai eu une adolescence normale, le souhait de mes parents était que je passe le Bac pour après que j’entreprenne ma passion. Mes amis, je me les suis fait au collège et au lycée quand j’ai vécu à Paris, je suis aussi allé aux Saintes et au lycée à la Grande-Motte. Les amis que je me suis fait je les garderai à vie parce qu’ils sont encore là. C’est la sélection naturelle, c’est le tri des toros car tu voyages tout le temps. À toi, passionné, cela ne te coûte pas mais à tes amis…

Lalo de Maria Novillada de Chamaco pour Yon Lamothe, Solalito et Lalo de Maria (Photo Anthony Maurin)
Lors de la ovillada de Chamaco pour Yon Lamothe, Solalito et Lalo de Maria (Photo AAnthony Maurin)

Des amis de votre âge ?

Bien sûr ! J’en ai quelques-uns qui ont mon âge et qui ont choisi une autre voie et qui sont à Paris ou à Madrid. Ils vivent leur jeunesse comme ils l’entendent. Il y a des tronches dans le lot et je sais très bien que si j’arrive à gagner un peu ma vie dans les toros je pourrais investir !

Que peut-on vous souhaiter ?

Le triomphe pour commencer l’aventure de la plus belle des manières mais ça fera cinq fois que je torée à Nîmes, cinq. Mais cette fois-là est très spéciale, ce sera ma première l’après-midi, dans l’ombre des pierres et la lumière des projecteurs. J’en ai toujours rêvé. En septembre, le sixième toro qui sera le mien, mon deuxième, la nuit, les lumières… C’est quand même des souvenirs d’enfants, d’aficionados, ça me touche. De plus, le cartel est prestigieux, il y aura du monde, tout le scénario sera différent et je n’ai pas envie de l’imaginer ! J’ai tellement rêvé ce moment que là j’ai juste envie de le vivre.

Lalo de Maria Novillada de Chamaco pour Yon Lamothe, Solalito et Lalo de Maria (Photo Anthony Maurin)CV4P0748
Lalo de Maria va sourire à la vie (Photo Archives Anthony Maurin)

Un vendredi 13, date très importante pour vous.

Cette journée sera pleine de significations, de symboles. Au cartel, il y a les deux seuls maestros qui m’ont reçu chez eux quand j’étais gamin et j’y suis resté une semaine ! Mon père a disparu un vendredi 13 mai 2016 et je m’étais promis de passer mon alternative le prochain vendredi 13 mai. Je n’étais pas prêt et en 2023 la feria de Pentecôte tombait une semaine après ! Quand Simon Casas m’a annoncé le vendredi 13 septembre c’était logique, ça ne pouvait tomber que sur moi, ça me réjouit, ça va être un jour important et comme je suis très superstitieux c’est vraiment logique.

Avec un costume chargé de symboles n’est-ce-pas ?

Il sera fait par mon grand ami Jonathan Veyrunes. Cette idée a complètement été improvisé, nous étions à Gerena cet hiver à l’entraînement, nous parlions de ses projets et quand il m’a dit qu’il en avait fini avec les croix et qu’il était en train d’étudier les étoiles maures dans les mosquées. Il m’en a montré et je lui ai dit que j’avais envie qu’il me fasse mon costume d’alternative. Il fêtera ses 20 ans d’alternative cette année, nous sommes Nîmois, il y a une histoire derrière ça et je préfère que mon costume d’alternative soit chargé de symbolisme.

Novillada de la Cape d'Or de Roland Durand pour Solalito, Alvaro Burdiel et la présentation de Lalo de Maria (Photo Anthony Maurin).CV4P6667
Novillada de la Cape d'Or de Roland Durand pour Solalito, Alvaro Burdiel et la présentation de Lalo de Maria. Ce vendredi 13 Lalo se présentera tête nue dans les arènes pour y prendre l'alternative (Photo Archives Anthony Maurin).

Tout ira bien non ?

Je sais déjà que tout va bien se passer tant il y a de signes. Tu sens les après-midis comme ça, quand tout n’est qu’un moment de bonheur. Ça sera un moment de consécration, mais je veux vivre le moment, le croquer à pleines dents, choper chaque seconde. Je veux me donner à 200 %, donner mon maximum et prendre du plaisir avec les aficionados.

Avez-vous vu vos parrain ou témoin d’alternative ?

J’ai voulu voir Sébastien car cela faisait longtemps que je ne lui avais pas parlé et j’avais envie de voir mon parrain un mois avant l’alternative et je lui ai dit que tous les deux, à notre manière, on allait s’arrimer, on va profiter mais ça sera très émouvant pour tout le monde, pour lui comme pour moi. J’ai hâte de vivre ça et ça ne pouvait être qu’à Nîmes !

Lalo de Maria Novillada de Fernay pour Lalo de Maria, Diego Bastos et Nino Julian (Photo Anthony Maurin)
Lalo de Maria Novillada de Fernay pour Lalo de Maria, Diego Bastos et Nino Julian (Photo Archives Anthony Maurin)

Propos recueillis par Anthony Maurin

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