NÎMES EN FERIA Indulto et volupté dans les arènes
Toñete est un señorito torero comme on aime les chambrer quand ils se lancent dans la tauromachie. Cette corrida d'alternative était aussi le moyen de célébrer deux autres maestros, l'infirmier et immortel charmeur danseur Enrique Ponce et l'enfant de Nîmes qui y a pris son alternative il y a 20 ans, Julian Lopez El Juli.
Une fois n'est pas forcément coutume, parlons en premier du jeune Toñete pour le premier jour du reste de sa vie. Prise d'alternative, solennité et responsabilité pour le matador qui entame l'origine de sa carrière formelle. Il attaque fort puisqu'il coupe les deux oreilles de son premier toro marqué du fer de Victoriano del Rio (qui fera, contre toute attente, une vuelta posthume). Auteur d'une faena simple mais efficace, mettant de la volonté, de l'envie et de la classe par moment, Toñete s'est plié avec force au rituel de passage et coupe donc deux appendices, même si un seul aurait été suffisant pour débuter cette corrida.
Seconde opposition, nouvelle oreille. Porte des Consuls donc, pas mal pour un jeune qui n'a jamais toréé à Nîmes et qui y prend l'alternative. Cette fois face à un bicho raccourci de Domingo Hernandez brave comme la quasi totalité de la course mais sans grand intérêt à la muleta, Toñete travaillera très honnêtement mais sans plus. Une vraie oreille.
Le maître Ponce a une nouvelle fois fait des siennes. On l'attendait, il l'a fait. Énième indulto pour le maestro de Chiva. Le toro marqué du fer de Cortés se nomme Devoto, loin d'être un ex, c'est un exemplaire tout simplement exemplaire. Brave au cheval, poussant longuement et fortement la cavalerie, noble, mettant la tête sans vice lors de l'ultime tercio, rien à redire pour lui. La grâce est méritée sauf qu'on aurait aimé voir Devoto au centre de la piste et non coincé sous l'ombre (à l'abri des petites rafales de vent) et la querencia du toril. Pour Enrique Ponce, par contre, la queue sont de trop. Couper un rabo est une chose exceptionnelle, surtout que le palco avait sorti deux mouchoirs mais quand quatre spectateurs se sont aperçus que le roi Enrique n'avait pas droit à l'oreille... le troisième mouchoir est tombé. Oui, Ponce est grand, immense même. Oui, Ponce fait des merveilles mais hormis trois ou quatre séries parfaites, le reste de la lidia ne l'était pas. Allez, on ne boude pas son plaisir et acquiesce sans mot dire.
Seconde opposition et simple salut pour Enrique Ponce. Un toro de Domingo Hernandez un poil rustre, un chouïa brutal, un soupçon dangereux. Pas facile à recadrer, surtout quand on est déjà assuré de sortir par la grande porte.
Enfin, El Juli célébrait ses 20 ans d'alternative. Il est loin le temps béni où le minot n'avait qu'à sourire, poser des banderilles et exécuter parfaitement ses Lopezinas (Zapopinas) pour sortir en triomphe de son amphithéâtre. Dans une mauvaise période, le madrilène s'est pourtant contraint à faire l'effort mais le sorteo ne l'a pas gâté. Salut après une fort belle faena, manquant de transmission mais offrant une sacrée technicité pour les yeux avertis.
Hélas, pas de porte des Consuls pour le Juli. Il aurait pu espérer mais le Domingo Hernandez ne lui a pas permis. Salut, encore. Mais cette fois, après une merveille de faena. On voulait revoir le Juli, on l'a revu. Enfin il a tenter quelque chose, enfin il est redevenu le Juli bagarreur qu'on aime. C'est la mort, en plus d'un toro engoncé, qui le prive de trophée.