NÎMES EN FERIA Padilla, coeur à l'ouvrage et merci en partage
Certains, dont moi, ont eu les poils qui se sont dressés... Padilla est quand même un torero à part. Dans les arènes de Nîmes, on l'a vu faire tout mais jamais rien. Certes il n'a peut-être pas la classe d'un Ponce, le placement d'un Jose Tomas ou la dextérité d'un Juli mais ce qu'il a, il l'a. Cette aficion, cette gouaille et ce petit supplément d'âme, il les avait déjà avant son terrible accident de Saragosse où il a perdu un œil. Depuis, les corridas sont moins dures pour lui mais la troisième dimension lui manquant, il a décidé d'aller chercher directement la quatrième. Et dans les toros comme partout ailleurs, la quatrième, c'est le temps.
Premier toro et première faena pour le pirate, le cyclone, bref, l'homme au cœur immense et débordant. Première pour lui et surtout avant-dernière à Nîmes en tant que matador de toros puisque Juan Jose Padilla a décidé de faire une tournée d'adieu. Il coupe une petite oreille devant le Nuñez qui répond bien aux sollicitations.
C'est juste après que les choses sont parties en vrille. Comme lui seul sait les faire partir en vrille d'ailleurs ! Padilla, alors que tout se déroulait tranquillement, a décidé de se jouer la vie comme il y a 20 ans, comme à ses débuts. De la fougue, de l'impatience mais du raisonnement, c'est peut-être ce qui a changé depuis. On a retrouvé celui qu'on avait perdu il y a 5 ans.
Padilla des grands soirs, Padilla des tardes historiques, Padilla comme aime le voir le public de Nîmes qui était venu lui dire au revoir. Brindé à Simon Casas, ce toro de Nuñez a fortement participé à la fête et Padilla lui a tout fait. Les genoux en terre, le verbe haut et le corps dans les cornes, Padilla a revécu ses débuts novillerils. Il a même engueulé gentiment sa cuadrilla qui voulait prendre soin du monsieur qui part à la retraite... Non mais sans rire, vous êtes sérieux là ? C'est Padilla ! Deux oreilles de cœur.
Chose incroyable après les nombreux succès qu'il a connu dans le Gard, c'était la première (et donc la dernière) fois que Juan Jose Padilla sortait par la fameuse Porte des Consuls, olé maestro et encore merci pour tout !
Pour Jose Maria Manzanares, la fête n'aura pas été aussi belle, loin de là. Face à son premier, il entamera fort bien mais ne parviendra pas à réveiller son adversaire qui décroit avec le temps. Rien à y faire, le toro se referme et Manzanares ne trouve pas la clé. Silence.
Pas grand chose à dire sur son second. Si, le maestro exécutera une magnifique faena, rien que ça. Les passes sont splendides, les attitudes remarquables et les minutes passées sont précieuses mais le toro ne transmet pas suffisamment. Manzanares a pourtant arrêté le temps mais les gradins ne sortent pas le mouchoir synonyme de trophée à la mort du toro... Pétition minoritaire, le président Julien Plantier ne bronche pas et écoute une petite bronca. Manzanares fera une belle vuelta en guise de récompense.
Enfin, le Péruvien Andrés Roca Rey fermait ce cartel qui a rassemblé plus de 12 000 personnes dans les arènes. Une belle surprise bien que l'affiche fut alléchante dès l'annonce de la feria. Le jeune qui a pris son alternative à Nîmes et il doit y revenir pour un solo (non, on n'oublie pas). Il est aussi et surtout un des seuls à remplir les gradins sur son nom, sur son toreo, grâce à un concept qui l'expose et le fait grandir de course en course. Comme il ne triche jamais, il coupe souvent des oreilles. Lors de son premier, il fera tomber un pavillon blanc du palco.
Par contre, il ne coupera rien sur son dernier, l'ultime de la corrida. Faiblard, il se la jouera comme Manzanares, en moins impressionnant mais un peu plus dans les cornes. Roca Rey tirera les passes comme on tire du bon vin, délicatement et avec envie.