Œil, nez, bouche, robe, reflet, intensité, limpidité, nuances odorantes, première impression, équilibre, notes dominantes ou encore longueur en bouche : tel est le vocable des gens du vin. Curiosité ? Que nenni ! Simplicité et véracité sont les maîtres mots du Guide Hachette des Vins.

On pourrait prendre la chose à la légère et se dire qu'une dégustation est plus subjective qu'autre chose. Cependant, quand le panel est suffisamment étoffé, éclectique et renseigné, la dégustation peut rapidement prendre forme et se muer en rails sur lesquels les consommateurs peuvent rouler sans roulis.

Le sang de la terre est le nectar de nos vignes. Nos vignes sont l'écho d'une économie territoriale et influent sur notre terroir. Chaque année depuis 30 ans, le Guide Hachette des Vins propose une sélection des meilleurs vins et domaines viticoles français. Devenu un rendez-vous incontournable pour les amateurs du genre (et ils sont nombreux), le guide s’est imposé comme une référence en matière d'achat de vins.

" Mais c'est la première fois que le Gard reçoit cette série de dégustations. Le Guide est très important pour le consommateur. Ça l'éclaire et le conseille dans ses choix et tous les prix sont représentés alors on le prend très au sérieux et il faut que le travail soit bien fait ! ", lance en préambule à la première dégustation Denis Verdier, président des vins IGP du Gard.

Et le même de reprendre "dans le Gard, on croit beaucoup au territoire. Des Cévennes au Pont du Gard, nous avons de très belles choses dont une certaine proximité avec le produit et ses producteurs. Nous faisons des efforts sur la qualité et la promotion si bien que le 6 avril prochain à l'hôtel Mouret, ce sont tous les vins IGP de France qui seront mis à l'honneur avec un grand concours national."

Magali, mandatée depuis plusieurs années pour organiser les sélections annuelles du Guide Hachette pour le Gard, l'Hérault et l'Aude, était sur le pied de guerre. " L'an passé, sur 40 000 vins dégustés, 10 000 sont parus dans le Guide. Nous avions également sorti une édition spéciale sur les vins rosés ." Mais comme toute bonne chose doit évoluer, cette année ce petit opuscule très estival sera consultable sur Internet quelques semaines (cet été) avant la parution du vrai grand guide, prévue traditionnellement pour le mois de septembre.

Alors comment figure-t-on dans ces pages quasi bibliques ? " Les dégustateurs présents ne savent pas ce qu'ils sont en train de déguster et ne le sauront pas avant la fin des notations. Il est interdit d'ôter la chaussette de la bouteille. Chacun remplit une fiche par vin en tâchant d'être le plus précis, le plus détaillé car nos commentaires se baseront sur leurs remarques ", assure Magali. Notés de 0 à 5, les vins qui sont entre 0 et 1 sont éliminés. Pour les notations 3,4 et 5, ils sont très réussis voire exceptionnels. À cela s'ajouteront deux ou trois coups de cœur plébiscités par un super jury.

Dans la salle nîmoise et pour les deux sessions de dégustation, une quinzaine de jurys et dans chaque petit groupe, environ trois personnes. " Nous avons entre 15 et 20 échantillons à déguster, après, il faut vraiment de l'entraînement ", explique un dégustateur. Avant de poursuivre "par exemple, les deux ou trois premiers vins dégustés, nous serons obligés de revenir dessus en fin de séance car c'est toujours difficile de juger au début. Il faut chauffer la machine. "

Chaque échantillon, caché dans une bouteille lambda elle-même recouverte d'une chaussette opaque, est analysé, regardé, senti, goûté, décrypté... Les bouteilles sont ouvertes depuis plus de deux heures mais les vins sont encore un peu fermés. Alors on fait tourner le verre en lieu et place des serviettes, on aère le nectar pour le révéler. Et soudain, les lumières s'allument. " Ah, ça change tout ! On y voit mieux ! ", assure un dégustateur.

Autour des tables, des vignerons, des œnologues, des sommeliers, des amateurs éclairés qui opinent du chef, remuent des lèvres, font des annotations et prennent leur rôle très au sérieux. Là encore, belle surprise avec la présence d'un bon tiers de femmes dans cette assemblée vraiment pas comme les autres. Une couleur d'un département, voilà ce que déguste chaque petit groupe.

" Nous voyons des choses très différentes et les verres sont parfaits pour ce genre de dégustation ", suggère un autre dégustateur. Car oui, le verre, c'est important. " Pour nos vins, il faut des verres évasés à leur base et resserrés au sommet afin de concentrer les arômes avant la mise en bouche ", poursuit son voisin. Et quand on parle de mise en bouche évidemment, on se demande si la qualité était au rendez-vous.

Dans une ambiance très studieuse voire solennelle, les dégustateurs avancent peu à peu. " Au bout du sixième, on commence à voir des différence, des préférences." Il faudra deux bonnes heures pour venir à bout de ces valeureux combattants. 361 échantillons (pour les deux jours), 12 jurys et environ un vin sur cinq présentés qui sera finalement adoubé par le grand guide. Sélection drastique pour qualité optimale. " Ce n'est pas un concours où tout le monde a une médaille", rappelle Magali.

Disons que cette excellente austérité peut rapporter gros aux sélectionnés. Pour Danny Peregine, directeur de la Fédération des Vins IGP du Gard, "un coup de cœur peut augmenter les ventes de 30 ou 40%. Sans parler de ça, les producteurs peuvent mettre en valeur le fait qu'ils sont inscrits dans le guide. C'est gage de qualité. Cela rassure les gens. Mais ici, nous sommes très libres. Nous faisons des vins différents et on ne goûte plus de grosses déceptions. Nos vins sont chouettes et innovants.  Bref, on s'éclate et c'est génial. "