Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 12.09.2020 - abdel-samari - 6 min  - vu 3087 fois

FAIT DU JOUR EXCLUSIF Nîmes métropole : les bonnes feuilles du rapport de la Chambre régionale des comptes

Alors qu'il ne sera présenté que le 21 septembre prochain lors du conseil communautaire de l'Agglo de Nîmes, Objectif Gard a pu consulter le rapport tant attendu de la Chambre régionale des comptes concernant la gestion Lachaud.
Yvan Lachaud, l'ancien président de Nîmes métropole (Photo d'archives : Coralie Mollaret)

Bien avant la campagne des municipales à Nîmes, la rumeur était incessante sur un rapport explosif de la Chambre régionale des comptes sur le mandat d'Yvan Lachaud. Finalement, l'appréciation sur la période 2014-2018 par les magistrats régionaux n'est pas si catastrophique que cela. Il est dans la même veine des recommandations habituelles d'un rapport d'observation sur cinq ans sur une collectivité. Objectif Gard a pu le consulter en exclusivité. Revue de détails.

Une dette qui a explosé, des embauches à tour de bras, des fonds de concours comme une campagne clientéliste pour acheter des maires des villages... Pendant des mois et des mois, et bien avant le lancement de la campagne des Municipales à Nîmes, on en a entendu des vertes et des pas mûres sur la gestion Lachaud à l'Agglomération de Nîmes. Le rapport de la Chambre régionale des comptes auquel notre rédaction a eu accès vient un peu tordre le cou aux mauvaises rumeurs, sans pour autant exempter les erreurs manifestes de gestion et d'administration de la collectivité. En tout cas, sur la période concernée qui courre de 2014 à 2018.

La guerre Fournier-Lachaud qui fait perdre entre 5 à 7 M€ par an

Jean-Paul Fournier, le maire de Nîmes (©PHOTOPQR/MaxPPP) • PHOTOPQR/LE MIDI LIBRE/MAXPPP

Et c'est finalement la guerre entre Jean-Paul Fournier et Yvan Lachaud qui s'illustre parfaitement dans ce rapport au fil des pages. La Chambre régionale des comptes est très claire : la performance de Nîmes métropole "est pénalisée par la dégradation des relations avec la commune centre" ;à savoir Nîmes. Elle est "amoindrie par la dégradation des relations. Les désaccords politiques privent le territoire d'une plus grande intégration des services publics rendus à la population", soulignent les magistrats qui complètent : "La rupture du dialogue prive agilement la communication d'une réflexion sur le passage en communauté urbaine, et ainsi de ressources institutionnelles nouvelles et récurrentes, et ce malgré le besoin de cohérence des politiques publiques sur un territoire en cours de métropolisation." 

La chambre recommande donc de délibérer en conseil communautaire le plus rapidement possible sur le passage de l'Agglomération en communauté urbaine qui rapporterait, selon les estimations, entre 5 à 7 M€ par an. "Le territoire se prive ainsi de la bonification de dotations financières de l'État, et assume une perte potentielle de revenu."

Autre sujet de préoccupation lié aux tensions entre les deux exécutifs nîmois : la démutualisation. Entamée à la fin de l'année 2014, elle a pris effet le 1er septembre 2015 pour les finances et le 1er janvier 2016 pour les ressources humaines. "L'importance du mouvement de démutualisation et son impact ont été déstabilisant pour des fonctions supports de la communauté d'agglomération."

Transfert partiel des compétences

Au 1er juillet 2018, l'intercommunalité exerçait 29 compétences sur les 96 identifiés par l'État. Les magistrats observent un défaut important : l'intégration partielle des communes et des compétences au sein de Nîmes métropole. Un transfert de compétences permettant de mutualiser les coûts et faciliter le développement territorial. Or, la CRC souligne que "plusieurs compétences demeurent gérées au niveau de la ville centre, notamment en matière de tourisme et de gestion du cycle de l'eau." Pire ! l'évaluation des charges transférées fait l'objet de contestations, pour un montant estimé de 9,5 M€. On peut dire que les dissensions politiques ont joué contre la marche de l'histoire...

Sans compter les compétences facultatives qui auraient pu être des opportunités financières intéressantes pour toutes les communes. Mais même celles obligatoires ont souffert d'artifices juridiques pour éviter un transfert total. On se rappelle de la Loi Montagne qui avait permis à la ville de Nîmes de conserver sa compétence tourisme. Aujourd'hui, la compétence est assurée par Nîmes métropole pour 38 communes. Sauf Nîmes. La ville la plus importante ! Une aberration qui a des conséquences financières...

L'un des aspects qui revient régulièrement dans le rapport de la chambre concerne également "la solidarité communautaire". En la matière, "elles sont limitées à une dotation de solidarité communautaire qui bénéficie prioritairement à la ville de Nîmes au détriment du territoire, et à des fonds de concours qui ne prennent pas en considération - sauf exception - les investissements véritablement d'intérêt communautaire." En effet, sur les 2,6 M€ consacrés à la dotation de solidarité communautaire, la ville de Nîmes a empoché 1,5 M€.

Une qualité de l'information budgétaire et financière perfectible

La Chambre régionale des comptes réclame que l'Agglomération se dote d'une vision pluriannuelle formalisée de ses investissements et qu'elle en assure un suivi rigoureux. Des bizarreries sont observées notamment au cours des exercices 2015 à 2017 avec 21 M€ d'emprunts en moyenne par exercice inscrits puis annulés au budget principal.

Par ailleurs, au 31 décembre 2018, Nîmes métropole dispose de neuf budgets : le principal et huit budgets annexes dont celui lié au Haut Débit, à Gemapi ou encore à l'aéroport. Sur le plan de la trésorerie, sans une vision consolidée, il est difficile "de mettre en évidence les flux"La CRC souligne également que l'Agglo a fait appel à un cabinet comptable pour remettre à plat les dépenses et diminuer le besoin en fonds de roulement.

En tout état de cause, elle constate que la trésorerie a fluctué en 2018 avec des points hauts supérieurs à 20 M€ (et jusqu'à 35 M€) et deux points bas inférieurs à 2 M€. Elle relève également que l'encours fournisseurs a progressé, tous budgets confondus de 4,5 M€ en 2014 à... 36 M€ en 2018. "Les factures non parvenues ne pouvant seules expliquer cette progression", relèvent avec acuité les magistrats.

Ce qui pose également un problème, c'est le fonds de roulement du budget principal, insuffisant. Et donc, "anormalement compensé par les budgets annexes" comme le souligne les rapporteurs. Notamment celui des ordures ménagères qui bénéficie d'une réserve de plus de 8,5 millions d'euros. Idem pour le budget assainissement à hauteur de 7 millions d'euros. Sans oublier l'eau pour 6,65 millions d'euros. Sur la période 2014-2018, "la trésorerie du budget principal est abondamment alimentée par la trésorerie de plusieurs budgets annexes."

Au 31 décembre 2018, cet apport est de 20,8 M€ en provenance principalement des budgets "ordures ménagères" (12,8 M€) et eau (4,5 M€). Sur ce dernier budget, la chambre indique qu'il est abondé par des emprunts "alors que ces derniers auraient dû être assumé à due proportion par le budget principal."

Par ailleurs, la Chambre régionale regrette que l'Agglo n'ait pas adopté un pacte financier et fiscal. "Une obligation permettant une approche globale en matière de fonds de concours, de dotation de solidarité, de services mutualistes, de coordination des programmes d'investissement et de coordination fiscale."

La question centrale autour de la dette

D'abord, tous budgets confondus, les recettes ont progressé plus que les dépenses : soit 252,4 M€ contre 229,9 M€ en 2018. Pour autant, l'endettement a progressé de 126 M€ sur la période, soit 70% et s'établit à 305 M€ en 2018. La capacité de désendettement se maintient et est estimée à sept ans. L'Agglomération, selon les magistrats, a fortement augmenté notamment sa dette revolving sur la période 2014-2018 (+31,1 M€), qui s'établit à 54 M€ en 2018. Nîmes métropole s'est pour autant engagée dans une stratégie de redressement de l'épargne brute pour rester sous la barre théorique des dix années de désendettement.

À titre d'exemple, au 31 décembre 2018, si la capacité de désendettement consolidée (tous budgets confondus) n'est que de sept années, elle est de 20 ans lorsque la dette consolidée est ramenée au seul autofinancement dégagé par le budget principal. Toutefois pour le budget principal, la CRC observe une capacité de financement propre à hauteur de 49,7 M€ en cumulé sur la période qui permet à l'agglomération de financer ses dépenses d'équipement (43 M€).

Cela étant, cette dette est liée en grande partie aux importants investissements en particulier pour les transports, l'eau et l'assainissement, et les ordures ménagères. Des dépenses réalisées au budget principal à hauteur de 115,3 M€ de 2014 à 2018. En l'état, comme le dit la chambre, Nîmes métropole "est mobilisée par le financement d'un plan d'investissement ambitieux. Elle a redressé son autofinancement pour permettre la réalisation de ce programme."

Sur le seul budget principal, la chambre souligne donc une capacité de financement propre, de 49,7 M€ en cumulé sur la période, qui permet à l'Agglomération de financer ses dépenses d'équipement (43 M€) indépendamment des affectations budgétaires. Et elle observe que la progression de la dette de 29 M€ (+50%) n'empêche pas une capacité de désendettement inférieure à six ans.

Abdel Samari

Et aussi : 

  • Les effectifs, après un recul lié à la démutualisation, ont augmenté sur la période 2014-2018 de 45 postes soit 10% et s'établissent à 479 équivalents temps plein (ETP). L'Agglomération a par ailleurs recours à de nombreux contractuels pour des contrats courts (moins d'un an) justifié par l'ajustement des ressources en personnel, selon Nîmes métropole.
  • La communauté d'Agglomération compte un taux de ménages imposés inférieur à la moyenne nationale (46,9% contre 58% en moyenne en France)
  • Le nombre d'entreprises et d'emplois implantés sur le territoire intercommunal est en augmentation : 25 513 entreprises sont recensées au 31 décembre 2018 (soit +10,9%) et 72 745 emplois (+6% depuis 2014).

Abdel Samari

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