FAIT DU JOUR Un plan séquence qui s'éternise pour le Sémaphore...
Pour la culture ce deuxième coup d'arrêt qu'est le reconfinement pourrait bien sonner le glas. Pas encore enterrés, certains espèrent et croient en des jours meilleurs. D'autres, sombrent peu à peu dans la désespérance et la crainte de voir leur aventure prendre fin. Le Sémaphore, cinéma d'art, d'essai et de recherche à Nîmes, attend la suite des événements...
Au cinéma, on critique souvent la manière dont est tourné un plan séquence. Après le confinement, voilà le reconfinement. Un nouveau plan séquence long de quelques semaines. Des semaines de trop. " Si on doit rouvrir en décembre, on sera prêt mais on doit surtout nous prévenir un peu plus tôt car nous avons une programmation à établir !, avance Jean-Sylvain Minssen, programmateur et directeur du cinéma nîmois. J'espère que nous serons inclus dans les concertations et que tout sera anticipé... Notre but est de rester ouvert, notre métier est de recevoir le public, tous les publics. "
Mais les cinémas sont fermés. Pourtant, jeudi soir, la dernière séance avait attiré la foule. " C'est justement ce qui fout les boules. On a tellement galéré pour faire redémarrer la machine ! Depuis le mois d'octobre, c'était la première fois où nous étions obligés de passer en salle pour vérifier les espacements entre les groupes. Nous n'étions pas encore revenus à la fréquentation habituelle mais la courbe était bien meilleure. "
Plus qu'un lieu de vie
Le 26 août dernier avait lieu l'avant-première d'Antoinette dans les Cévennes et la sortie de Tenet, le 16 septembre coïncidait avec la sortie d'Antoinette dans les Cévennes qui a très bien fonctionné, et, début octobre, la reprise des séances destinées au public scolaire faisaient que les chiffres lassaient présager un retour à la normale. " Le Sémaphore est comme une horlogerie, chaque petite partie est importante. Nous sommes dans un engrenage que nous avions réussi à faire repartir. Là, quand j'arrive le matin et que je suis tout seul, c'est franchement déprimant. "
La culture, à Nîmes, c'est quelque chose de compliqué. Le Sémaphore, OVNI en centre-ville, a cependant un réel rôle à jouer. " Nous sommes un lieu, un lieu d'échange et de partage. Nous avons six salles de projection mais notre septième salle, c'est la cafétéria ! Nous sommes ouverts aux mondes culturel et associatif pour des partenariats autour de films. Nous faisons vivre le centre-ville et nous animons la vie culturelle locale. "
Ici, les consignes sanitaires ont toujours été respectées. Difficile de comprendre cette nouvelle fermeture. Même si le public majoritaire est considéré comme étant à risque. " Les gens se sentaient bien, en confiance. Nous avions gagné le retour du public et aussi sa confiance. Nous savons comment gérer tout cela maintenant. L'équipe reste motivée et s'est même amusée à changer de poste en passant de la cafétéria à la caisse par exemple. C'était un moment sympa. "
Inquiétude financière et public rassurant
La situation financière du Sémaphore inquiétait avant cette crise sanitaire. L'équipe garde le moral. " On s'attendait à perdre 50 % de notre chiffre d'affaires par rapport à celui de 2019, explique Jean-Sylvain Minssen. Mais quand on sait que les trois derniers mois de l'année sont quasi les plus importants pour nous on imagine qu'on perdra entre 70 et 75 % de notre chiffre d'affaires. Habituellement nous avons 200 000 entrées par an. Cette année nous tablions sur 100 000 et nous risquons de n'en avoir que 75 000. Nous n'avons toujours rien reçu des aides de l'État mais je ne m'inquiète pas, elles vont arriver et on pourra payer les fournisseurs. Par contre, elles ne seront pas suffisantes. "
Imaginez-vous que, pour réaliser les travaux qu'il devait accomplir afin de continuer sa vie en centre-ville, le cinéma est arrivé à lever - en prêts et en dons - l'équivalent de 250 000 euros soit 1/8e du prix des travaux ! Autant dire que les Nîmois soutiennent ce lieu de vie culturel. " Nous avons deux leviers économiques. Le premier est institutionnel, le second est très local. Le 2 novembre nous devions organiser une grande soirée de soutien en proposant une campagne d'abonnement un peu plus onéreux pour celles et ceux qui veulent nous aider. Pour ceux qui n'aiment pas les abonnements, nous proposons la place à un euro de plus (directement en caisse, NDLR). Enfin, nous acceptons évidemment les dons mais même sans tout cela, tous les spectateurs sont évidemment les bienvenus ! "
La plus belle surprise est peut-être venue d'un couple qui a fait son petit calcul... Pour eux, pas de cinéma pendant 100 jours équivalait à une coquette somme qu'ils ont donné au Sémaphore sous la forme d'un chèque. Une personne âgée, peu fortunée, a quant à elle tenu à faire un don à la hauteur de ses faibles moyens. " Nous avons la chance d'avoir le soutien de notre public ! Je sens naître un élan de solidarité. Je n'ai pas d'amertume. On suit les règles mais nous étions en train de gagner la première bataille. Maintiendra-t-on les projets, les soirées ? et les scolaires vont-ils revenir ? "
Si vous voulez faire un don, c'est ici.