FAIT DU SOIR Gendarmerie, finances, collège : la mairie de Pont-Saint-Esprit tire la sonnette d’alarme
La salle des fêtes de la Cazerne, à Pont-Saint-Esprit, était bien garnie ce mercredi soir pour assister à la réunion publique proposée par la majorité municipale. Il faut dire que des annonces fracassantes, sur des dossiers importants, étaient au menu.
Le premier d’entre eux, le plus chaud sans aucun doute, était présenté par le maire Valère Segal en personne. Il s’agit de celui de la nouvelle gendarmerie, inaugurée en 2023, « initiée par Roger Castillon puis continuée par Claire Lapeyronie », rappelle en préambule le maire en citant ses prédécesseurs. Cette nouvelle gendarmerie serait dangereuse, explique Valère Segal. « Une semaine avant la pose de la première pierre, le terrain prévu pour la construction de la gendarmerie s’avère être dangereux, et il n’est pas possible d’y construire une gendarmerie », explique le maire, qui s’appuie sur un rapport de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), qui « indique un fort risque de ruissellement. » La conséquence potentielle pouvant être un blocage des accès et une impossibilité de l’intervention des militaires.
Le chantier continuera et la gendarmerie sera mise en fonction en 2023, « les gendarmes ont intégré les nouveaux locaux et rien n’a été fait pour leur sécurité », s’étrangle Valère Segal, avant de citer des extraits de documents confidentiels pour affirmer qu’aucun dossier de loi sur l’eau n’a été déposé concernant le projet, et que l’étude sur le ruissellement « n’a pas été finalisée ». Dans une note adressée par la préfecture à Claire Lapeyronie en novembre 2022 citée par le maire, la préfecture estime qu’une « occupation des locaux se fera sans garantie de préservation des phénomènes de ruissellement intenses sur ce bassin versant. » Une autre note citée par le maire fait état du « risque pénal » encouru.
« En clair, on s’assoit sur la sécurité, ce qui compte c’est de ne pas être poursuivi en cas de drame », commente Valère Segal, qui accuse Claire Lapeyronie d’avoir passé sous silence la question des bassins qu’il faudrait réaliser pour la nouvelle gendarmerie, chiffrés « entre 8 et 10 millions d’euros au bas mot » dit-il, « car cela aurait conduit en plus du risque qui demeure sur la gendarmerie, à l’abandon de projets comme le futur collège, l’éclairage public et vraisemblablement de se voir demandé le remboursement de la subvention de 770 000 euros », affirme le maire. Valère Segal a ensuite, dans un silence de plomb, affirmé avoir averti le secrétaire général de la préfecture, ainsi que la procureure de la République de Nîmes, « comme la loi nous y oblige », précise-t-il. Le maire estimera que « ce fiasco découle d’ambitions personnelles et de volontés politiques qui n’ont à aucun instant pris en compte le drame auquel nous pourrions être confrontés à tout moment. »
« Des manipulations comptables »
Une décision « très lourde qui va impacter négativement la commune », reprend-il, avant de laisser la parole à son adjointe Karine Bommenel sur les finances. L’adjointe dénoncera les « manipulations comptables » de l’équipe municipale précédente, notamment « la stratégie cachée de reporter d’année en année les projets prévus et annoncés. » D’après la nouvelle équipe, poursuivre les projets annoncés ferait passer l’encours de la dette « de 10 millions d’euros en 2024 à 20,6 millions d’euros en 2028 », soit plus que sur la fin de l’ère Gilbert Baumet, puisque « l’endettement de la ville en 2011 était de 18 millions d’euros », souligne l’élue.
Alors « nous avons fait le choix d’abandonner quelques investissements », reprend-elle, comme les travaux de la piscine municipale. Il reste « des investissements imposés comme l’Hôtel-Dieu et le terrain du collège », poursuit Karine Bommenel, et la commune devra emprunter dans les prochaines années au point de flirter avec la zone rouge. Et encore, « c’est sans inclure le dossier gendarmerie » et ses 8 à 10 millions, dont « le montage financier serait impossible. » En bref, « dès 2018, des choix d’abandons de projets auraient dû être faits », estime Karine Bommenel. L’élue annoncera toutefois quelques projets à venir, dont le lancement de l’étude hydraulique globale, l’aménagement de logements dans la Cazerne pour y accueillir des médecins, un plan pour la voirie ou encore la mise en accessibilité de la salle des mariages de la mairie.
Dernier sujet, le terrain du collège, acheté pour 3,1 millions d’euros par la mairie pour que le Conseil départemental y bâtisse le futur établissement. « Claire Lapeyronie a décidé de le faire payer aux Spiripontains sans informer la population », dénonce l’adjoint Hervé Rouquette. Sur ce dossier, rien de neuf n’a été dit par rapport aux précédentes prises de parole (lire ici).
« L’achat du terrain du collège, vu les comptes, ce n’est pas possible »
La parole a ensuite été donnée à la salle. Premier à intervenir, l’ancien adjoint de Claire Lapeyronie Vincent Rousselot, qui a fait partie des élus s’étant ensuite retournés contre l’ancienne maire. « Qui a signé le permis de construire de la gendarmerie, deux fois ? », demandera-t-il, le maire lui répondant que la mairie avait instruit le permis, ensuite validé par les services de l’État. L’ancien élu affirmera ensuite que le projet de gendarmerie n’était « concerné par aucun cours d’eau, ni zone inondable », ce à quoi Valère Segal répondra que c’était « contredit par beaucoup d’écrits, de rapports », et que désormais « les bassins seront inévitables » et vont « plomber complètement le budget » de la commune.
Hervé Rouquette reprendra en affirmant que l’absence d’une étude sur le ruissellement à l’échelle de la commune fait que « tous les permis de construire déposés sont bloqués. » Le sujet reviendra à la faveur d’une question de l’élue d’opposition Aurélie Delwarte sur la prise en compte de l’évolution démographique dans la dette : « Les permis de construire sont bloqués, et quand on présente une dette comme celle-là, il n’est pas sûr que ça motive beaucoup de gens à venir à Pont-Saint-Esprit », lâchera le maire.
À une autre question sur les investissements à venir, le maire affirmera que « l’achat du terrain du collège, vu les comptes, ce n’est pas possible », et dira se retourner vers l’État et le Département, dont le vice-président Christophe Serre était dans la salle, affirmant que si le nouveau collège n’était pas bâti à Pont, « il ira certainement ailleurs. » Christophe Serre appellera à « se mettre autour d’une table pour discuter » et trouver une solution. Le maire réaffirmera qu’il ne s’agissait pas « d’une question de mauvaise volonté, mais d’impossibilité », tout en estimant que le terrain fléché « n’était pas le bon. »
Claire Lapeyronie réagit
Actuellement loin de Pont, l’ancienne maire était absente hier soir. « Je vais donc m’abstenir de commentaire point par point », dit-elle. Sur la question de la gendarmerie, l’élue se borne à dire qu’il est « essentiel d’investir sur la problématique du danger du ruissellement, nous avions mis au budget 2024 une étude hydraulique sur l’ensemble de la commune à lancer dès cette année. » Et sur les questions budgétaires, « si la situation est si critique que ça, pourquoi aller recruter 8 policiers municipaux supplémentaires qui vont couvrir de minuit à 3 heures ? » Pour elle, la réunion d’hier soir était « un état des lieux pour dire : on ne peut rien faire. »
La réaction d’Esprit citoyen
L’association Esprit citoyen, montée par d’anciens colistiers de Claire Lapeyronie entrés en dissidence, réagit par voie de communiqué. Sur le budget, « la situation financière de la commune n’a jamais été aussi bonne depuis 2011 (L’endettement est passé de 18 millions d’euros en 2011 à 10 millions d’euros en 2023). Pour le reste, c’est uniquement de la prospective financière avec les chiffres prévisionnels qu’on veut bien y mettre sans tenir compte de la temporalité réelle des projets et les subventions des partenaires. »
Sur la gendarmerie, « pour rappel, le terrain a été choisi en concertation avec la gendarmerie nationale et les services de l’État qui ont participé à toutes les réunions. Les permis de construire de la gendarmerie ont été validés directement par l’État via la préfecture. Les normes évoluent et d’importants bassins de rétention devront être réalisés. L’État doit prendre ses responsabilités et accompagner financièrement la commune. »
Sur le collège, Esprit citoyen rappelle, entre autres, que « le maire actuel a décidé en septembre 2024 d’emprunter 900 000 euros auprès de la banque des territoires pour acquérir le foncier du collège (décision municipale 028/2024). »
L’association conclut en estimant qu’« il est fort regrettable d’utiliser les chiffres pour faire peur à la population et justifier son inaction plutôt que d’assumer ses choix. Cette réunion a été désastreuse pour l’image de Pont-Saint-Esprit, les habitants sont venus pour avoir des perspectives et aucun point positif n’a été évoqué : tout était triste et morose. Quelle est l’ambition de cette équipe pour Pont-Saint-Esprit, chef-lieu du canton qui doit rayonner et être attractive ? »