FERIA D’ARLES Daniel Luque seul triomphateur de la goyesque
Corrida goyesque de Jandilla pour José Maria Manzanares (oreille, silence), Alejandro Talavante (silence, vuelta) et Daniel Luque (deux oreilles, oreille).
La piste et l’amphithéâtre rendaient hommage à l’œuvre de Pablo Picasso, décédé en 1973. Une célébration de la mort de l’artiste qui est venu ici-même pour y passer de bons moments en assistant aux corridas arlésiennes. 1200m2 de fresque peinte à l’aide de quelque 30 pots de 15kg chacun de peinture ! Les areneros ont assuré la totalité des travaux.
Au paseo, trois figuras. José Maria Manzanares, grand habitué de la volupté des goyesques, Alejandro Talavante qui avait choisi Arles pour faire son retour sur le sable des arènes, et Daniel Luque, salement blessé, qui s’était donné comme objectif un retour pour cette course après avoir gracié l’année dernière le toro Aldeano de Victoriano del Rio.
Après un paseo qui a écouté une minute d’applaudissements en hommage à Claude Picasso, fils de Pablo et ami d’Arles décédé le mois dernier, et une grande Marseillaise entonnée par la totalité du public.
Manzanares s’élance en premier. D’emblée, on sent que les tendidos sont là et le soutiennent. Il faut dire que son toreo de soie fonctionne particulièrement bien avec ce premier exemplaire. À droite les passes sont furtives mais à gauche la lenteur est de mise. L’excellente musique de l’orchestre Chicuelo II se met à jouer, accompagnée par le pianiste Juan Antonio Sanchez. Le public entre dans la danse et suit les maestros en demandant la première oreille, accordée.
Sur son second, un toro clair à la musculature développée mais sans surcharge pondérale, l’Alcantino s’amuse au capote. Avec la muleta les choses commenceront très bien à droite, contrairement au premier duel, mais à gauche le toro ne passe que rarement. Comme lors de son premier passage en piste, « Manza » fait aussi passer le bicho dans son dos pour que le public comprenne que son toreo n’est pas aussi monotone qu’on peut le dire. Le maestro fait des efforts, il est conscient que le triomphe lui tend les bras mais il perd son pari aux aciers.
Au tour d’Alejandro Talavante qui touche un toro qui ne semble pas lui convenir. Si le paseo a pris une dizaine de minutes de retard, les pressés lui sauront gré de ce gain de temps. Dix minutes montre en main et Talavante retourne dans le callejon pour attendre son second qui lui conviendra sans doute plus. Bon, il a quand même tiré une paire de belles courbes, notamment sur des naturelles templées, mais rien de fou. Silence.
Talavante reprend les outils et revient en piste pour son second duel devant un toro sculpté dans le marbre noir. Une petite beauté ! Il ne se passe presque rien dans les deux premiers tercios mais quand le natif de Badajoz prend la muleta et plante ses genoux en terre on se dit que les arènes vont exploser. Bingo, une longue, très longue série dans cette position et le bateau de pierres chavire. Talavante sait y faire, ses regards cherchent l’aficionado qui lui renvoie de bonnes vibrations. Se rapprochant toujours plus, l’Espagnol poursuit son effort mais connaît une déroute à l’épée, vuelta.
Le public est fort reconnaissant et célèbre Daniel Luque pour sa remise en forme ultra rapide. Le torero de Gerena n’est pas venu conter fleurette mais il fait ce que le public lui demande, sortir de son burladero et accueillir la pluie d’applaudissements qui lui va droit au cœur. Le toro sort du toril, il est logiquement dans le type de la maison. L’ancien maestro Ivan Garcia magnifie la pose des banderilles et Luque attaque à la muleta après avoir brindé son duel aux gradins. Malgré sa blessure, aucune séquelle ne se fait jour. Luque est là, il est à 100 %, il n’a pas triché, il n’a pas menti. Quel surhomme. Et quel torero ! Cela nous avait manqué de voir ce genre de choses sur le sable… En trois séries il a conquis tout le monde et s’est assuré deux oreilles (un poil généreuses).
Une dernière fois Daniel Luque attend son adversaire derrière son burladero, l’œil sérieux, l’air concentré. Voilà pour finir un autre toro sculpté de chez Jandilla et Daniel Luque voit la possibilité de sortir par la grande porte. Il a testé le public, il est avec lui donc, vamos ! Avec le pouvoir qu’il met dans chacun de ses muletazos, le toro s’arrondit, se contorsionne et va dans les terrains que le piéton lui impose savamment. Luque est d’une intelligencde rare devant un toro. Une oreille viendra clore tous les débats et offrira au maestro une sortie, seul, en triomphe de cette première corrida de la feria.