GARD Les magistrats vent debout contre une tribune d'avocats
On peut dire que trois avocats parisiens sont parvenus dans une tribune sur le blog de Médiapart à se mettre tous les magistrats à dos. Dans cette missive intitulée "La justice a disparu car il n'y a plus de juge pour la rendre", les avocats écrivent notamment : "les magistrats ne nous ont jamais habitué à un courage excessif dans les périodes noires"... Une référence outrancière qui a suscité à elle seul un réel malaise chez les magistrats et des répliques en cascade.
Les deux plus hauts magistrats de France, Chantal Arens, Première présidente de la Cour de cassation
et François Molins autrefois Procureur de Paris et aujourd'hui patron des procureurs de France ont immédiatement pris la plume ce jeudi et répondent aux propos des trois avocats...
"Trois avocats ont affirmé, en faisant référence, de façon inacceptable, aux périodes les plus sombres de notre histoire, que les magistrats, en cette période d’état d’urgence sanitaire qu’ils n’ont pas – s’il est besoin de le rappeler – décidé, ont « déserté » et « qu’au lieu de sauver des familles et protéger des enfants battus, se terrent ». Outre le fait que de tels propos sont particulièrement insultants, ils sont inexacts. Aujourd’hui, et dans les circonstances exceptionnelles d’état d’urgence sanitaire que nous connaissons, le service public de la justice ne s’est pas arrêté, et les cours et tribunaux, grâce au dévouement des magistrats et des fonctionnaires continuent d’assurer les missions essentielles de la justice en temps de crise et de protéger les libertés individuelles', indiquent la présidente et le procureur de la Cour de Cassation.
"La Cour de cassation elle-même a maintenu les audiences traitant de pourvois urgents touchant aux libertés individuelles en associant pleinement les avocats aux Conseils à la détermination des missions à maintenir pendant la période de confinement. Dans cette période difficile, nous ne pouvons que regretter que par de vaines polémiques, des auxiliaires de justice cherchent ainsi à décrédibiliser notre institution dans une période qui exige, au contraire, qu’autour des valeurs qui nous sont communes, magistrats, fonctionnaires et auxiliaires de justice, nous mobilisions nos énergies dans l’exercice optimal de nos missions", complètent les deux plus hautes autorités de la Justice en France dans un communiqué.
Un magistrat nîmois, membre de la CFDT réplique
Un magistrat nîmois, Patrick Bottero, responsable syndical à la CFDT Interco, a lui aussi dénoncé les propos du trio d'avocats parisien sur le site national de son unité : " L’article paru ce jour sur le site MEDIAPART concentre tous les poncifs du populisme et est un véritable appel à la haine contre les femmes et les hommes qui chaque jour œuvrent pour l’intérêt général et continuent de rendre la justice au nom du peuple français.
Comment accepter que ceux qui se revendiquent “auxiliaires de justice” viennent faire allusion de manière grossière à l’attitude qu’a pu avoir une partie de la magistrature sous le régime de VICHY. Convoquer l’Histoire ne donne aucune légitimité quand il est patent que ceux qui ont déserté les prétoires sont les auteurs de ce texte infâme.
Avant de prendre votre plume très chers maîtres, il aurait été opportun que vous vous rendiez dans les palais de justice comme le font de très nombreux avocats chaque jour.
Vous auriez constaté que les plans de continuation d’activité signifient réellement que l’activité judiciaire se poursuit", affirme le syndicat CFDT Interco sous la plume de Patrick Bottero avant d'ajouter dans ce même communiqué :
"Très chers maîtres, non la justice n’a pas disparu, non les magistrats n’ont pas déserté.
Chaque jour ces femmes et ces hommes travaillent dans des conditions sanitaires incertaines. Les premiers masques et le gel hydroalcoolique ne sont arrivés que trois semaines après la déclaration de l’état d’urgence sanitaire.
Depuis des semaines, les dossiers circulent notamment aux audiences de comparutions immédiates de mains en mains sans que la moindre mesure sanitaire ne soit possible.
Pour chaque décision, pour chaque acte, pour chaque audience, sont mobilisés dans des conditions sanitaires aussi précaires les greffiers et fonctionnaires, les personnels pénitentiaires mais aussi policiers et gendarmes et bien entendus vos confrères qui sont présents chaque jour et qui constatent que même les weekends et les jours fériés, les magistrats sont là et la justice est rendue.
Au lendemain de l’annonce du premier décès en raison du COVID19 d’un personnel d’une juridiction, nous aurions espérés un peu plus de décence.
Face à ces attaques et propos inacceptables et déplacés, face aux conditions de travail particulièrement dégradées, nous sollicitons à nouveau l’engagement effectif de notre ministère au soutien de ses personnels", conclut le syndicat CFDT.
Boris De la Cruz