Publié il y a 1 an - Mise à jour le 24.08.2023 - Boris de la Cruz - 5 min  - vu 3245 fois

LES HISTOIRES DE L'ÉTÉ "J’ai travaillé des années avec un tueur en série", retour sur la vie du Grêlé

Le portrait robot du Grêlé 

 

- Photo via MaxPPP - PHOTOPQR/LE PARISIEN

Chaque jeudi, cet été, Objectif Gard vous propose de vous plonger dans un fait-divers récent. Lorsqu’on tape le nom de François Vérove sur Internet, les mots clés résumant le personnage apparaissent : tueur en série, gendarme, policier, violeur. Un parcours glaçant, un personnage troublant. Cette histoire est issue du numéro 50 d'Objectif Gard le Magazine paru en septembre 2022. 

Derrière l’uniforme de gendarme et de policier se cachait pendant plus de trois décennies le Grêlé, ce surnom donné au tueur en série à la peau du visage vérolée. Un homme qui a fait faire des cauchemars aux policiers du 36 quai des Orfèvres à Paris, siège historique de la brigade criminelle, qui n’ont jamais pu l’arrêter après les six viols et quatre meurtres particulièrement sadiques qui lui sont reprochés entre 1986 et 1994. Un homme qui a décidé d’en finir avec la vie il y a un an à peine, en septembre 2021, dans un petit appartement du Grau-du-Roi.

En septembre 2021, la juge d’instruction parisienne en charge des crimes attribués au Grêlé, a décidé de faire prélever l’ADN de 750 anciens gendarmes en activité en région Île-de-France à la fin des années 80 pour tenter de débusquer le tueur. La magistrate avait en effet acquis la certitude que le tueur en série, insaisissable, était un membre des forces de l’ordre et même un gendarme en exercice à cette époque-là.

L’uniforme de la police cachait un tueur en série

Un test que François Vérove, retraité de la police à Montpellier, et habitant de La Grande-Motte depuis peu, a senti comme un piège qui se refermait sur lui, sur ses mensonges, sur son passé. Alors qu’il venait d’être convoqué, il a pris son vélo et a quitté sa maison pour en finir avec la vie et emporter ses terribles secrets. Dans une lettre posthume adressé à ses proches, il avoue ses démons criminels. « Il me fallait détruire, salir, tuer », indiquera dans sa dernière lettre le Grêlé, selon des informations de nos confrères de RTL. Derrière le mari, le père de famille, le grand-père attentionné se cachait un autre homme.

Nous avons retrouvé des personnes, des policiers qui l’ont connu et qui ont travaillé avec lui notamment lorsqu’il était le redouté brigadier-chef Vérove à Port-Saint-Louis-du-Rhône, au nord d’Arles. Un policier « qui ne laissait rien passer, notamment lors des contrôles routiers  », se souvient un gardien de la paix qui a œuvré des années à ses côtés. « Je suis allé chez lui. J’ai rencontré sa femme, très discrète, effacée presque, poursuit son ex-camarade de travail. J'ai mangé un gâteau chez lui. On a fêté des Noël alors que nous étions de garde au commissariat, mais je ne connaissais rien de sa vie. Je ne savais même pas qu’il avait été membre des motards de la Garde républicaine dans les années 80 à Paris. Pourtant il aurait dû en être fier, c’est un service d’élite. Mais il cloisonnait tout. »

Le Grêlé avait un tatouage "mort aux vaches"

« Ce qui m’a le plus marqué chez lui c’est d’abord un détail sur sa peau. Un petit tatouage qu’il avait incrusté sur la main... "Mort aux vaches", mort aux flics, quoi... Pour un policier, c’est bien étrange quand même », souligne le même fonctionnaire. À Port-Saint-Louis-du-Rhône, 8 500 habitants, petite ville des Bouches-du-Rhône où tout le monde se connaît, le seul nom de Vérove ravive le souvenir d’un flic qui « lorsqu’il prenait l’arme et mettait l’uniforme, il était totalement transformé », témoigne Dimitri (*), un des ses anciens subalternes. « Depuis un an et sa mort tout le monde parle du Grêlé, de son parcours, de sa vie, par contre je n’entends jamais parler de son passage ici à Port-Saint-Louis-du-Rhône, une petite ville ou tout le monde se connaît et où il n’a pas laissé que des bons souvenirs », témoigne son ancien collègue.

« C’est facile de dire après coup que son comportement étonnait, mais moi il m’inquiétait. Il était pris de coups de sang, de colère, pour rien. Un jour sur une simple discussion où il nous demandait de dresser plus de PV de circulation, il est devenu fou. Il conduisait et, dans une rage folle, il a cassé le tableau de bord de la voiture. Puis quelques secondes après il s’est calmé, avant de sourire en ne disant plus rien, sans s’excuser », complète cet homme en indiquant que le brigadier-chef « aimait pousser les gens à bout ».

"Il allait trop souvent à la confrontation"

« Un autre jour il s’est battu pour rien avec une personne qu’il venait d’arrêter. Il roulait par terre dans le camion police et ensuite il a déposé plainte pour outrage et rébellion », complète le gardien de la paix qui ensuite a essayé de ne plus faire partie de l’équipe de celui qui n’était pas encore devenu le Grêlé. « Il ne laissait rien passer et ne faisait jamais aucun cadeau à un automobiliste qu’il contrôlait. Il verbalisait tout. On peut dire qu’il était le plus rigoureux du commissariat et même le plus sévère que j’ai croisé dans ma carrière », ajoute Dimitri. 

« En patrouille, il allait trop souvent à la confrontation. On essayait de le contourner, de ne pas travailler avec lui, mais dans un tout petit commissariat c’est difficile car il n’y a pas beaucoup de personnel. À l’époque, nous étions une quarantaine à tout casser avec les administratifs, mais on regardait les jours où il travaillait pour essayer de ne pas tomber avec lui », complète un autre fonctionnaire qui garde en lui le souvenir d’un sourire…

« Un sourire un peu forcé et pas naturel. Il était toujours dans une certaine retenue et il ne parlait jamais de son passé. J’ai effectué pendant plusieurs années des centaines de patrouille Police secours et pour moi il reste un inconnu comme une personne que j’aurais croisé cinq minutes dans ma vie, ajoute un autre ancien de la police de Port-Saint-Louis-du-Rhône. Par exemple, j’ai appris qu’il avait été gendarme après sa mort lorsque les médias ont fait le lien entre François et le Grêlé. Vous imaginez, j’ai travaillé pendant des années avec un tueur en série et il portait l’uniforme de policier, comme moi. »

Le parcours criminel du grêlé

Quel a été le périple criminel, la vie, les victimes réelles du Grêlé ? Alors qu’il s’est suicidé il y a un an au Grau-du-Roi, François Vérove, ancien gendarme et ancien policier, n’a jamais autant fait parler de lui et les questions sont nombreuses autour de sa personnalité. Depuis quelques semaines le nouveau pôle cold cases (spécialisé dans les affaires non élucidées, NDLR) de Nanterre s’active pour essayer de remonter le fil du temps et peut-être déterrer les cadavres éparpillés sur le chemin sinueux du Grêlé. Un chemin qui commence avec le premier crime connu en 1986 d'une fillette de onze ans à Paris et qui se termine avec son ADN retrouvé en 1994 sur une autre scène de crime. Mais dans sa lettre confession posthume, François Vérove affirme avoir stoppé son parcours criminel en 1997. Quels sont les crimes, les actes que le Grêlé a pu commettre entre 1994 et 1997 et que l’on ne connaît pas encore ? C’est à cette question que doit répondre la juge d’instruction qui épluche les moindres détails de la vie du tueur en série.

* Le prénom a été modifié

Boris de la Cruz

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