Publié il y a 8 ans - Mise à jour le 04.06.2016 - abdel-samari - 3 min  - vu 230 fois

LES SPÉCIALISTES Nicolas Cadène : "Les collectivités doivent permettre à leurs administrés de pratiquer leur culte"

Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la Laïcité. Photo : Coralie Mollaret / Objectif Gard.

Tous les samedis, à 7h, ne manquez pas le décryptage des spécialistes d'Objectif Gard sur un événement, un fait d'actualité, une polémique... Cette semaine, entretien avec Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité auprès du Premier ministre, membre du Parti Socialiste dans le Gard et auteur du livre « La laïcité pour les Nuls » (First, 2016).

ObjectifGard : Suite à la polémique de cette semaine autour de la mosquée du centre-ville de Nîmes, pouvez-vous nous rappeler les obligations de l’Etat en matière de préservation des cultes ?

Nicolas Cadène : L’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 rappelle que « La République garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public ». Les collectivités doivent permettre à leurs administrés qui le souhaitent de pouvoir pratiquer leur culte, mais dès lors qu’il n’y a pas d’atteinte à l’ordre public. Pour cela, elles peuvent contracter avec des cultes des « baux emphytéotiques administratifs » (BEA). Cela permet aux cultes qui se sont développés dans l’hexagone après la loi de 1905 (et qui n’y disposaient donc pas de lieux de culte) d’obtenir des locaux en contrepartie de loyers modiques. Cela concerne notamment le culte musulman, certaines églises protestantes évangéliques, et le culte bouddhiste. Le manque de lieux de culte est à l’origine, pour le culte musulman, de ce que l’on appelait jusqu’au début des années 2000 « l’islam des caves ». Faute de place ou de moyens financiers permettant de construire des salles de prière, des Français de confession musulmane étaient contraints d’utiliser comme lieux de culte des caves d’immeubles, des garages ou des préfabriqués le plus souvent vétustes et totalement inadaptés. La situation s’est depuis nettement améliorée.

En l’espèce, est-ce que la mairie a l’opportunité de s’entendre avec une association cultuelle et mettre à disposition des locaux gratuitement ?

Mettre à disposition des locaux gratuitement pour la pratique d’une religion est interdit, car ce serait une subvention directe à un culte. En l’espèce, c’est différent, il s’agit de mettre en urgence en sécurité des associations et des fidèles pendant une courte période et à l’occasion d’une fête spécifique. Par ailleurs, la mairie et les associations concernées doivent discuter du futur prix de vente de « la mosquée de la gare », qui doit être évalué à son juste prix sachant qu’il est très endommagé. Je note aussi que les associations qui gèrent la « mosquée de la gare » peuvent constituer une association cultuelle. Ce statut, prévu par la loi de 1905, est contraignant mais leur permettrait d’être exemptés de différentes taxes et de recevoir des legs et dons déductibles des impôts. Surtout, une fois que cette association cultuelle sera propriétaire du lieu de culte, la collectivité pourra, si elle le souhaite, participer aux dépenses de réparations nécessaires à sa conservation.

De façon plus générale, les questions autour de la laïcité sont au cœur de votre travail. Comment une collectivité locale ou territoriale doit répondre aux attentes de ses administrés de différentes confessions ?

Ce sont les fidèles de chaque religion qui doivent s’organiser pour pratiquer leur culte. Cependant, les collectivités territoriales doivent, comme l’Etat mais à leur niveau, garantir la liberté de culte. C’est-à-dire la possibilité de pratiquer son culte si l’on en a un, dès lors qu’on ne perturbe pas l’ordre public. Plus largement, les collectivités doivent traiter tous leurs administrés, qu’ils soient croyants ou non, à égalité. Elles doivent assurer à tous un égal accès aux services publics. Par ailleurs, sur des questions plus concrètes, comme la gestion des cimetières, l’encadrement de fêtes religieuses pour des raisons de sécurité ou de santé publique, ou les aumôneries, les collectivités doivent dialoguer avec les cultes et leur rappeler leurs droits et leurs devoirs. La difficulté est que, en matière de laïcité et de gestion du fait religieux, le droit reste trop peu connu. C’est pourquoi l’Observatoire de la laïcité a publié un guide sur « la laïcité et les collectivités locales » (accessible en ligne sur www.laicite.gouv.fr) et que le ministère de l’Intérieur va en publier un autre spécifiquement sur la gestion des lieux de culte.

Abdel Samari

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