Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 18.06.2020 - abdel-samari - 4 min  - vu 14560 fois

NÎMES Le Chemin-Bas d'Avignon pleure Anis et veut la vérité

Anis, jeune homme tué lundi dans la nuit au Chemin-bas d'Avignon Photo DR

Ce mercredi soir, au club-house de l'équipe de foot du quartier les visages sont fermés, tristes. Comme si le ciel était tombé sur la tête de ces jeunes habitants du Chemin-bas d'Avignon qui viennent de perdre un ami et subissent au surplus les annonces dans la presse sur les premiers éléments de l'enquête après la conférence de presse donnée par le procureur de la République de Nîmes, Éric Maurel.

"C'était un mec bien, tout le monde le connaissait." "Un exemple." "Un sportif qui ne fumait pas, ne buvait pas."  "Réservé, timide, il n'aurait jamais fait de bêtise ni participé à un trafic de quelques manières que ce soit."  Le groupe qui s'exprime ce mercredi soir en est sûr : "Anis n'a rien à voir avec toutes les histoires de trafic que l'on entend."

Pourtant, les premières révélations du procureur de la République face à la presse mardi à la mi-journée semblent indiquer que le jeune garçon, apparemment sans histoire, était ciblé. Difficile pour la presse de contredire les propos du représentant de la justice nîmoise même si à ce stade, l'enquête se poursuit. Et devra aller à son terme pour faire toute la lumière...

Près de la salle du club de football du quartier (Photo : DR)

Car pour le moment, pris par l'émotion, les habitants du Chemin-bas sont en plein chaos. Et surtout sous le choc. Regrettant les sorties médiatiques alors que leur ami n'a même pas été enterré, certains n'hésitent pas à s'exprimer vivement lors de notre rencontre : "Ils veulent le salir mais nous on demande d'attendre la fin de l'enquête avant de porter des accusations aussi graves. C'est un manque de respect."

Les reproches sont vifs mais témoignent aussi d'une colère des habitants qui crient à l'injustice. Leur quartier si accueillant est en proie depuis plusieurs mois à de nombreux trafics de drogue et des violences exacerbés. "Comment expliquer que des individus armés puissent durant quelques heures déambuler un dimanche matin devant tout le monde sans aucune intervention policière ? C'est contradictoire avec les actions répétées de la police pendant le confinement et les procès verbaux dressés à des jeunes qui livraient des courses ou qui participaient à l'effort de solidarité durant cette période particulière...", indiquent plusieurs habitants.

Tous soulignent le manque de considération à leur égard. Comment leur donner tort après les propos de ce père de famille attristé de constater que "personne de la Ville n'est venu nettoyer les traces de sang encore présentes le lundi matin, plusieurs heures après le drame... Ce sont des habitants eux-même qui se sont mobilisés pour éviter que les plus jeunes qui fréquentent l'école n'aient pas à voir ça."

Injustice, manque de considération mais aussi de la peur. Les habitants appellent à l'aide. Comme ce père de famille qui rajoute : "Il y a des caméras de surveillance dans le quartier. Pourquoi les images ne sont-elles pas exploitées pour retrouver les auteurs de ce meurtre ? Pourquoi la police ne reste-t-elle pas sur place jour et nuit pour nous protéger ? Pour des histoires graves, ils ne sont plus là. Moi, je vous le dis : c'est une minorité qui salit tout le Chemin-Bas. Il faut que cela cesse."

Près du centre commercial du Chemin-bas d'Avignon où le drame s'est déroulé Photo DR

Un message un peu entendu ce jeudi avec l'arrivée de CRS dans le quartier pour rassurer la population. Ce ne sera malheureusement pas suffisant. Tout est à refaire. La confiance semble rompue à entendre la population qui ne se berce plus d'illusion. Gauche ou Droite, le personnel politique est lui-aussi démonétisé.

Et l'élection de dimanche prochain en sera peut-être une nouvelle fois l'illustration. Même si quelques personnalités restent confiantes. Vincent Bouget, tête de liste communiste, s'est déplacé rapidement dans le quartier avec Christian Bastid, conseiller départemental. "Les habitants du quartier souffrent et ont peur. Ils sont aussi en colère. C’est le sentiment d’abandon qui domine. Abandon de la part des pouvoirs publics. De l’État. Ils veulent vivre en toute tranquillité. Ils ont le sentiment d’être considérés comme des citoyens de seconde catégorie avec la dénonciation des discriminations racistes et sociales qu’ils subissent et notamment chez les jeunes. Sentiment d’abandon aussi de la part de la Ville quant à l’état de la voirie, la propreté, les encombrants trop rarement enlevés. Ils demandent la justice et l’égalité. Ils demandent la République."

Une marche blanche organisée samedi

De l'espoir, Yvan Lachaud, le candidat centriste aux Municipales, en propose aux habitants de ce quartier populaire qu'il connaît bien. "J'avais initié en 2010 la création de centres fermés pour des jeunes délinquants qui pourrissent la vie des habitants. Depuis, ils ont été fermés. Je pense qu'il faut travailler pour ouvrir rapidement un centre à Nîmes et s'occuper de ces jeunes qui n'ont plus peur de l'autorité. Par ailleurs, présent régulièrement au Chemin-bas d'Avignon et pas seulement durant les élections, j'ai soulevé les très nombreuses difficultés rencontrées et je vais m'atteler dès mon élection à régler les problèmes. Il est hors de question que je les abandonne. Ils peuvent compter sur moi."

De bonnes intentions qui ramèneront malheureusement pas Anis, fauché par la vie à 21 ans. Rozeline dirigeante au club de football JSCBA se rappelle "d'un bon joueur, gardien de but pendant des années. Souriant même s'il était réservé, il était vraiment attachant. C'est très difficile d'imaginer qu'il est parti." Même sentiment chez Stéphane son dernier coach au club : "Il était très respectueux, discret mais bon sportif. Milieu de terrain pendant trois ans, il était toujours au service de l'équipe. C'était un joueur qui ne posait vraiment aucun problème dans le groupe. On peut dire qu'il était bien éduqué."

Au-delà des activités sportives, Anis poursuivait avant tout des études d'architecture en BTS dans un établissement local. "La maman qui élevait seule ses enfants s'assurait qu'ils ne manquaient de rien et préparait leur avenir comme il se doit", indique encore un proche de la famille qui a préféré garder l'anonymat.

Ce mercredi soir au Chemin-Bas, les âmes sont blessés. Comment oublier qu'à quelques encablures de là, un drame s'est noué, en début de nuit et a pris un enfant du quartier sans que personne n'ait pu rien faire. Ni les habitants, ni la police, ni les pouvoirs publics, ni les politiques. Pour cela et tout le reste, la mobilisation s'organise pour une marche blanche samedi après-midi au départ du quartier jusqu'au centre-ville. Pour rappeler à tous les Nîmois que le Chemin-Bas comme Pissevin, Mas-de-Mingue ou Valdegour c'est aussi et avant tout Nîmes.

Abdel Samari

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