Publié il y a 17 h - Mise à jour le 08.01.2025 - François Desmeures - 4 min  - vu 401 fois

VALLÉE BORGNE Zéro chômeur de longue durée : quatre ans de travail pour rien

Pierre Aiguillon, maire de Saint-Jean-du-Gard

- François Desmeures

Le choix du Département de limiter aux bénéficiaires du RSA le dispositif Territoire zéro chômeur de longue durée, pour ne pas se substituer à l'État, a eu raison d'un projet qui concernait 15 communes et deux communautés de communes autour de la Vallée Borgne. Après quatre ans de travail, le projet de premier Territoire zéro chômeur de longue durée du Gard a été enterré. Explications.

Pierre Aiguillon, maire de Saint-Jean-du-Gard • François Desmeures

Le sujet n'était pas à l'ordre du jour mais c'était, pour le maire de Saint-Jean-du-Gard, une façon de mettre les pieds dans le plat : le 15 novembre, alors que s'installait le comité local pour l'emploi du nord-ouest du Gard (relire ici), Pierre Aiguillon prenait la parole pour regretter que le projet de Territoire zéro chômeur de longue durée, qui concernait quinze communes autour de la vallée Borgne, ait capoté alors qu'il semblait proche du but. Effaçant ainsi, d'après Pierre Aiguillon, quatre années de travail de l'État, du Département, et de deux communautés de communes, en l'occurrence Alès Agglo et Causse-Aigoual-Cévennes (*). 

"On s'est fait prendre par le temps", s'est entendu répondre Pierre Aiguillon par une représentante du Département. "Tout était prêt, on avait une feuille de route, ainsi que des thématiques prioritaires, et le lancement des groupes de travail devait avoir lieu en janvier 2025", a tenté de relancer Pierre Aiguillon. Mais le débat était déjà reparti sur le comité local pour l'emploi, auquel la sous-préfète du Vigan, Anne Levasseur, demandait un calendrier concret...

"Soixante territoires expérimentaux existent en France, on aurait été le premier dans le Gard"

Pierre Aiguillon, maire de Saint-Jean-du-Gard

Pour Objectif Gard, Pierre Aiguillon revient sur cette déception. "Le Territoire zéro chômeur donne des règles à suivre, au niveau national, explique le maire de Saint-Jean-du-Gard, commune qui a assuré le port du dossier, pour les quatorze autres. Chaque année, le gouvernement vote un pourcentage du SMIC, qu'il donne aux personnes qui s'inscrivent dans le processus. Ce peut être 105% la première année, 90% la deuxième, etc. Le taux est variable. Et le Département est obligé de donner 15% de ce que donne l'État." Le dispositif est, normalement, mis en place pour cinq ans. 

La vallée Borgne vue du col de Salidès • François Desmeures

Sauf que la doctrine, entre État et Département, varie. "Au niveau national, poursuit Pierre Aiguillon, il est dit que le dispositif concerne tous les chômeurs de plus d'un an. Et le Département dit : "Je ne suis pas d'accord, je paie pour ceux qui touchent le RSA. Mais pour les autres, non." Le mois de mai a fini par enterrer le projet. "Soixante territoires expérimentaux existent en France, on aurait été le premier dans le Gard, regrette le maire de Saint-Jean-du-Gard. Ce n'était pas une question politique, mais une volonté pour le territoire." 7 500 personnes pouvaient être englobées dans le dispositif, "dont un tiers pour Saint-Jean-du-Gard, précise Pierre Aiguillon. On prévoyait un projet de ressourcerie, une consolidation de l'épicerie solidiare, etc." Finalement, de tout ceci, il n'y aura rien. 

"Nous étions donc d'accord pour participer, mais que pour les allocataires du RSA"

Isabelle Fardoux-Jouve, conseillère départementale du canton

Aux yeux des maires concernés et rencontrés, c'est bien le Département qui a mis un coup d'arrêt au projet. Même s'ils reconnaissent une situation financière compliquée. Mais selon la conseillère départementale du canton, Isabelle Fardoux-Jouve, la règle était pourtant claire. "Dès le départ, le maire de Saint-Jean-du-Gard avait rencontré la présidente du Département qui lui avait précisé que, dans le cadre du projet, le Département n'irait que dans son domaine de compétences. Nous étions donc d'accord pour participer, mais que pour les allocataires du RSA. Même si les maires souhaitaient que le Département aille au-delà, nous menons déjà notre propre politique d'insertion. Et la présidente était intransigeante, pour ne pas créer un précédent." 

Projet Territoire zéro chômeur de longue durée, qu'est-ce que c'est ?

Le projet Territoire zéro chômeur de longue durée TZCLD a pour but de rendre effectif le droit d’obtenir un emploi énoncé par la Constitution française, rappelle le site internet de l'association (à retrouver ici).

"Le projet TZCLD se fonde sur trois convictions qui permettent de penser qu’il est humainement et économiquement possible de mettre fin à la privation durable d’emploi à l’échelle de territoires : 

Personne n’est inemployable, lorsque l’emploi est adapté aux capacités et aux compétences des personnes. 

Ce n’est pas le travail qui manque : un grand nombre de travaux utiles, d’une grande diversité, restent à réaliser – lorsque le critère de la rentabilité marchande n’est pas le seul déterminant dans le choix des activités.

Ce n’est pas l’argent qui manque. La privation durable d’emploi coûte plus cher à la collectivité que la création des emplois nécessaires pour faire de l’emploi un droit."

"On a été obligé de subir la situation, constate Henri De Latour, le maire de Lasalle. C'est dommage de gaspiller de bonnes occasions. Moi, je n'étais pas en rapport direct avec le Département, mais on a simplement été mis au courant que le projet s'arrêtait." Côté cabinet du vice-président à l'insertion, le maire de Marguerittes, Rémi Nicolas, on regrette la situation en prenant acte de la doctrine départementale. Mais en soulignant, au passage, que le dispositif Territoire zéro chômeur est une usine à gaz, difficile à mettre en place et à animer. 

Thoiras • François Desmeures

Au conseil départemental, on fait savoir que le Département ne souhaite pas s'imposer des dépenses qui relèvent, pour lui, de l'État, ce qui était déjà contenu dans la délibération de soutien à la candidature du Territoire zéro chômeur, votée le 30 juin 2023 au conseil départemental. Un discours raisonnable, sur les compétences de chacun, que comprend et auquel souscrit le maire de Saint-Jean-du-Gard. Pour le Département, participer au niveau de ce qui est réclamé par l'État risquait de mettre en péril son propre équilibre budgétaire. Un argument renforcé par l'air du temps, et la volonté, depuis le gouvernement Barnier, de mettre les collectivités locales à contribution pour boucler le budget 2025. 

Ainsi, dans le cadre de la doctrine départementale, l'expérimentation serait revenue à 300 000 € sur cinq ans. Elle aurait atteint les 4 millions d'euros si la doctrine d'État avait été appliquée. Un calcul que conteste le maire de Saint-Jean-du-Gard. Et ceci pour les seules quinze premières communes à tenter l'expérimentation. Le Département n'a donc pas, non plus, souhaité encourager d'autres territoires à venir frapper à sa porte...

(*) Sur les quinze communes, huit proviennent d'Alès Agglo et sept de Causse-Aigoual-Cévennes : Saint-Jean-du-Gard, Thoiras, Corbès, Mialet, Générargues, Saint-Bonnet-de-Salindrenque, Vabres, Sainte-Croix-de-Caderle, Saint-André-de-Valborgne, Les Plantiers, Saumane, L'Estréchure, Peyrolles, Soudorgues et Lasalle. 

François Desmeures

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