FAIT DU JOUR Des étoiles soviétiques aux Frères Jacquard, le Cratère a 50 ans d'histoire
Ce vendredi 18 novembre, la direction du Cratère, théâtre labellisé scène nationale depuis 1991, célèbre comme il se doit les 50 ans de ce phare culturel de la ville d'Alès au rayonnement régional. Retour, grâce à la contribution des archives municipales, sur cinq décennies d'histoire.
Le lycée polyvalent Jean-Baptiste Dumas tel qu'on le connaît aujourd'hui n'a pas toujours été figé près des berges du Gardon, place de Belgique. Jusqu'en 1960, première année de sa longue démolition, il s'imposait en cœur de ville d'Alès, à côté de l'actuel tribunal. Avant de céder sa place à un nouvel édifice d'envergure : le Cratère théâtre. Le 6 décembre 1968, le conseil municipal de la ville d'Alès désireux de se doter d'un outil culturel d'envergure adopte l'avant projet dressé par l'architecte Pierre Raoux, cévenol d'origine.
Le projet définitif ne sera approuvé qu'un an plus tard, au terme de fastidieuses études urbanistiques et de l'obtention de subventions. Parmi elles, celle du ministère des Affaires Culturelles de l'époque qui abondera à hauteur de deux millions de francs. Le 24 novembre 1970, le conseil municipal approuve le projet d'exécution d'une valeur de 5,5 millions de francs et lance un appel d'offres pour l'attribution des 16 lots.
Neuf mois plus tard, le 6 septembre 1971, le premier coup de pelle est donné sous les yeux des principaux membres de l'équipe municipale. Il ne faut pas plus de treize mois aux ouvriers pour achever ce chantier colossal, sous l'égide de Pierre Raoux, assisté du scénographe Claude Perset et de l'artiste décoratrice Maria Kandreviotis.
Nino Ferrer en concert à Alès
Vient alors l'heure de l'inauguration en grande pompe le samedi 18 novembre 1972, à 11 heures tapantes, en présence du sous-préfet de l'arrondissement, Albert Carré, du député-maire Roger Roucaute, et du tout premier directeur de l'établissement, François Gaudrie. Terrine de canard, langouste à l'armoricaine, perdreau au nid, champignons persillés du Ventoux, vins Côtes de Provence et champagne (voir photo ci-dessous), on ne se refuse rien pour ce gueuleton inaugural.
La panse bien arrondie, élus, entrepreneurs et autres invités prestigieux assistent au gala d'inauguration. Au programme, les Étoiles soviétiques de la danse associées à l'orchestre symphonique de la Garde républicaine. Durant ses premières années, le Cratère abrite trois espaces dédiés à l'accueil de manifestations culturelles : la salle de spectacles, la salle Jean-Vilar, située côté rue Edgard-Quinet, et le hall d'entrée qui fait parfois office de galerie d'exposition, tandis que l'architecte n'a pas manqué d'intégrer un bar, toujours en activité aujourd'hui.
Pour 12 francs à peine, on assiste à un spectacle. Pour 30 francs à un concert. En 1985, un centre de développement culturel voit le jour et la programmation du théâtre s'en trouve enrichie. Le célèbre jazzman français Michel Petrucciani, l'orchestre philarmonique de Montpellier, ou encore le grand Nino Ferrer se produisent à Alès ! En 1991, le Cratère est labellisé scène nationale, la première de l'ex-région Languedoc-Roussillon.
Olivier Lataste à la relance
La même année, Denis Lafaurie se voit confier la présidence du Cratère qu'il ne lâchera que 30 ans plus tard, le 1er octobre 2021, à l'issue d'une émouvante soirée d'adieu (relire ici). Quelques mois plus tôt, au sortir de l'hiver, le Cratère devient le théâtre d'expression d'un mouvement revendicatif initié par un collectif d'intermittents en lutte contre la réforme de l'assurance chômage.
Le Covid, et avec lui les confinements, sont passés par là. Les ventes d'abonnements sont en chute libre, les salles de spectacles désertées. La culture en prend un sacré coup. L'horizon s'éclaircit lorsque débarque Olivier Lataste, tout droit venu d'Annecy où il occupait un poste similaire de directeur (relire ici).
Le quinquagénaire a de l'énergie et des idées. La mayonnaise prend. Tout en conservant sa dimension pluridisciplinaire, le Cratère se distingue par une grande ouverture au cirque et aux arts de la rue. Plusieurs rendez-vous s'ajoutent à la programmation régulière et contribuent à la cohérence d'un projet artistique qui vise, entre autres, à rendre l'art accessible au plus grand nombre.
Une grande rénovation dès l'an prochain
Un an après un concert privé de l'Alésien Julien Doré à guichets fermés (relire ici), la scène nationale retrouve des couleurs, la barre des 3 000 abonnés est même franchie. Après avoir abrité la lune (revoir ici), la grande salle du Cratère s'ouvre aux cultures urbaines en accueillant l'équivalent de la finale des championnats du monde de breakdance. Aux manettes de l'évènement avec Jawad Frikah, président de l'association All'Style avec lequel il multiplie les collaborations, Olivier Lataste est conquis (relire ici). Ce vendredi 18 novembre, en guise de bouquet final, le dernier nommé fait confiance aux Frères Jacquard, des habitués des lieux.
Plus que jamais, la scène nationale alésienne joue son rôle d'étendard dans le cadre de la candidature d'Alès Agglo au label "Capitale française de la culture 2024" dont l'obtention coïnciderait à merveille avec la rénovation que devrait connaître le théâtre dès l'an prochain. Une rénovation dont le montant total pourrait dépasser les 10 millions d'euros, alors que le dernier "lifting" date de 2005. Il s'agirait, en plus d'une mise aux normes avec un passage en éco-responsabilité pour minorer les dépenses d'énergies, de retravailler l'accès pour la réception des décors, de refaire sono et lumière, de réagencer la grande salle, entre autres. Et de repartir pour 50 ans ?
50 ans, ça se fête
Ce vendredi 18 novembre 2022, 50 ans tout pile après son inauguration officielle, le Cratère est en fête. Dès 17h, l'Académie cévenole assurera la lecture d'extraits de l'Épervier de Maheux de Jean Carrière, lequel vient aussi de célébrer le 50e anniversaire de l'obtention du Prix Goncourt. À 17h30, dans le hall du Cratère, il sera possible d'assister au vernissage de l'exposition États de lueurs d'Alexandre Poulichot. À partir de 18h, seront prononcés les discours et sera projetée la rétrospective "Le théatre d'Alès, de 1972 à nos jours". S'ensuivra un cocktail dinatoire avant la prestation des Frères Jacquard (20h30).