AU PALAIS Victime de violences conjugales à 84 ans, il fait condamner son épouse
Il avance péniblement à la place dédiée aux victimes. Petit, frêle, voûté, il porte des lunettes et se présente seul à 84 ans, à l’audience du tribunal correctionnel de Nîmes. Son épouse, avec qui il est en instance de divorce, arrive beaucoup plus énergiquement. Brushing impeccable, petites boucles d’oreilles, Bernadette*, 75 ans, n’a pas un mot de regret, pas un regard pour celui qui est encore son mari et dont elle est séparée depuis le 27 juillet dernier. Ce jour-là, il est 14h, lorsque la colère gronde dans un appartement de Bagnols-sur-Cèze. Les deux époux se fâchent pour une raison futile : papy aurait mangé "des petits poissons grillés" que mamie destinait au mari de son aide ménagère ! Mais après les mots, les coups auraient plu selon la plainte déposée au commissariat par monsieur. "Il est venu se réfugier à l’hôtel de Police de la furie de sa femme », affirme l’avocate de la victime.
Interrogée par la présidente Florence Sylvestre, Bernadette parle d’elle, de sa vie pourrie avec son mari. Elle s’érige en victime. « Mais madame c’est vous qui êtes prévenue de violences sur votre mari », doit l’interrompre la juge. « Je n’ai rien fait, je ne l’ai jamais touché, il est tombé tout seul, j’ai entendu le bruit de sa chute dans le couloir », coupe la septuagénaire qui se défend énergiquement. « Mais les blessures qui ont été constatées, au visage, au bras, à la jambe, elles ne proviennent pas d’une chute », poursuit le magistrat. « Il est parti en se dépêchant, il est tombé, il tombe souvent. Vous savez, d’ailleurs, il le dit lui-même qu’il tombe souvent », reprend sans démordre la prévenue.
Lorsque le mari prend la parole il avoue presque timidement : « C’est vrai, je disais souvent que je tombais, mais je ne pouvais pas dire que ma femme me frappait régulièrement, » dénonce l’octogénaire qui a fui sa maison de Bagnols-sur-Cèze, il y a 6 mois, pour se réfugier dans un autre logement au Grau-du-Roi.
« Je n’en peux plus de lui. Oh oui que je veux divorcer. Nous sommes partis en croisière, il me laissait toute la journée toute seule, je sature et si je l’ai traité de « sale con », c’est qu’il m’avait insultée en me disant que j’étais une « pute vierge ». S’il m’accuse aujourd’hui c’est pour ne pas payer une pension alimentaire après le divorce, il n’y a que l’argent qui compte pour lui », poursuit la dame qui se veut étrangère à toute violence sur celui qu’elle a épousé en août 2012 !
L’argent justement toujours et encore qui va être mis en avant par Me Florence Espinousse, avocat de la victime. « Madame a joué la grande amoureuse jusqu’au 9 août 2012 date où ils se sont mariés. Dès le lendemain du mariage, elle a montré un autre visage. La tendre fiancée amoureuse est devenue une fois mariée tyrannique et odieuse. Mon client a été frappé plusieurs fois. Elle a profité des largesses de ce monsieur, elle lui a subtilisé 160 000 euros d’épargne », déclare l’avocate nîmoise.
« C’est un dossier peu commun de violences conjugales, d’abord parce qu’une dame est prévenue et ensuite par l’âge des prévenus, poursuit le vice-procureur Patrick Bottero. Ce qui est troublant dans ce dossier c’est le torrent de haine y compris ici à l’audience que madame déverse sur monsieur. Il n’y a pas un seul mot d’empathie, il n’y a dans les propos de madame que de la haine et du mépris », estime le représentant du Parquet de Nîmes.
L’avocat de Bernadette, remet lui en question la version de l’agression et des violences de juillet dernier…. « Comment une dame de 74 ans, malade, atteinte d’une leucémie, peut-elle faire exploser l’arcade sourcilière de son mari et lui faire un cocard », s’interroge Maître Bonijol.
Le tribunal correctionnel a déclaré Bernadette coupable et l’a condamnée à 4 mois de prison avec sursis et 1 000 euros de dommages et intérêts à celui qui est encore son époux. Juste après sa sanction, la mamie a enfin regardé son mari. Un regard noir, plein de haine.
Boris De la Cruz