JUSTICE L’accusée veut donner des cours de droit à la juge !
Pour sa première devant la justice, une habitante de Saint-Jean-du-Gard âgée de 44 ans n’a pas vraiment eu l’air impressionnée. Bien au contraire…
Le dernier dossier examiné par la juge Mathilde Pages, ce mardi matin devant le tribunal correctionnel d’Alès, semblait plutôt classique. La justice reproche à la prévenue d’avoir conduit sans assurance, une rébellion, et un refus de se soumettre aux dépistages de drogue et d’alcool. Mais la personnalité de l’accusée va colorer cette audience. La quadragénaire arrive à la barre avec un dessin aux couleurs de l’arc-en-ciel, un petit morceau de bois et une plume qui semblent attachés et qu’elle ne cesse de remuer comme pour conjurer un potentiel mauvais sort. Quelques minutes plus tôt, dans la salle des pas perdus, elle faisait déjà de grands gestes provoquant l’étonnement des personnes présentes.
La présidente, imperturbable, lui rappelle les faits et son refus de se soumettre au contrôle d’alcoolémie ainsi qu’au dépistage de drogue, mais aussi sa rébellion contre les deux gendarmes qui l’ont interpellée le 22 août dernier à Saint-Jean-du-Gard. Elle aurait refusé de sortir de son véhicule et, « hystérique », comme la décriront les deux militaires, elle portera un coup de pied dans les parties intimes du premier et blessera la seconde au bras.
La prévenue, bandeau rouge sur ses cheveux courts et emmitouflée sous un épais gilet bariolé avec un sac rouge en bandoulière, livre sa version des faits posément. Si elle concède ne pas avoir mis sa ceinture de sécurité, elle réfute tout le reste. Et inverse même les rôles : elle serait la victime de violences de la part des gendarmes. « Je précise que j’ai déposé plainte pour des violences physiques et sexuelles », avertit-elle en remuant sa plume de sa main droite. Pour le refus d’être dépisté ? « C’est à cause du Covid. Je suis méfiante de leurs kits qui se baladent de mains en mains », lance-t-elle. Et la rébellion ? « J’ai fait de la résistance passive et peut-être qu’involontairement mon pied a donné un petit coup », déclare-t-elle. Quant au contrôle technique de la voiture qui n’était pas à jour ? « Ce n’est pas obligatoire ! », décrète l’accusée. Même si la juge signale qu’elle a quand même plusieurs années de droit derrière elle, l’accusée pense mieux savoir : « J’ai connaissance de par une association que le contrôle technique est réglementé par un décret et non par la loi, mais il faut encore que je fasse des recherches. » La présidente ironise : « Vous me les enverrez pour éclairer ma lanterne. » Du tac au tac, la prévenue lance : « Mais est-ce que je peux terminer mon récit madame la juge ? Ça ne vous intéresse pas ? » Une remarque plutôt malvenue après 40 minutes d’audience durant laquelle l’accusée a eu toute la liberté d’exprimer son point de vue, lancer des accusations, et de remettre en cause - comme lors des faits qui lui sont reprochés - les dires de ses interlocuteurs.
La substitut du procureur, Sandrine Fabre, n’en revient pas : « On marche sur la tête au cours de cette audience. Et en plus, elle s’autorise à vous faire des cours de droit, madame la présidente. Quand on n’est pas respecté nous-mêmes, on comprend pourquoi cette scène est arrivée. » Mettant les « maladresses » de l’accusée sur le dos de la « première fois devant la justice », elle requiert à son encontre 4 mois de prison avec sursis. La juge prononcera 3 mois avec sursis et une amende de 100 € pour le défaut d’assurance. Celui de la voiture. Car il est clair que l’accusée, elle, n’en manque pas.