NÎMES Escroqueries aux forfaits d'hospitalisation évaluées à 1,4 million d'euros : elle est relaxée... et remboursée
Elle a multilplié les contrats privés d'assurance hospitalisation. Avec la relaxe, elle récupère 946 000 euros saisis sur ses comptes lorsque l'affaire a fait l'objet d'une enquête pénale.
Lorsqu'elle arrive à la barre du tribunal correctionnel de Nîmes, ce vendredi 4 octobre 2024, cette femme de 55 ans marche péniblement et avec une canne. Elle a un appareil respiratoire branché et souffre depuis de longues années "d'asthme chronique", indique le président du tribunal correctionnel de Nîmes, Jean-Michel Pérez.
Depuis 2010, cette dame connaît de longues périodes d'hospitalisation pour soulager sa pathologie qui est évidente selon les experts médicaux mandatés dans ce dossier. Chaque année, de 2010 à 2022, elle a connu plusieurs semaines d'hospitalisation qu'elle est parvenue à se faire rembourser par plusieurs compagnies d'assurance en même temps. Par exemple de 2015 à 2022 date de la prévention, la malade a connu de 17 semaines d'hospitalisation à 21 semaines par an. Si elle se fait rembourser par plusieurs compagnies d'assurance pour une même prestation le montant de "l'arnaque" peut rapidement gonfler, c'est le cas dans ce dossier où la somme évoquée pour l'escroquerie est évaluée par les enquêteurs à 1,4 million d'euros. Une "arnaque" qui a valu à cette dame de connaître la garde à vue il y a un an dans les locaux du commissariat de Nîmes.
Mais le problème c'est que multiplier les "forfaits de prévoyance hospitalisation n'est pas interdit", selon toutes les parties présentes à l'audience. D'ailleurs la prévenue l'avoue d'emblée : "Si j'ai souscrit de nombreux contrats c'est qu'ils m'ont permis de le faire, ce n'est pas interdit par la loi. Je n'ai jamais caché mon état de malade et je n'ai jamais rien modifié et surtout pas les bulletins d'hospitalisation." Elle a totalisé jusqu'à 26 contrats similaires et parfois plusieurs avec la même compagnie d'assurance. Des prestations qui lui coûtaient près de 900 euros par mois, mais qui lui ont rapporté gros si l'on en croit le parquet de Nîmes qui demande une sanction contre la prévenue.
Hospitalisée un mois, elle gagne 15 000 euros !
"Elle était hospitalisée et pouvait gagner 15 000 euros par mois par le biais des contrats", précise la procureure Nathalie Welte qui sollicite un an de prison avec sursis et la saisie définitive de l'argent réupéré sur les comptes du couple... à savoir 946 000 euros. "Madame a fraudé en utilisant son nom de jeune fille, mais aussi son nom d'épouse pour souscrire les contrats. Il y a des inexactitudes manifestes et volontaires sur les bulletins d'hospitalisation en vue de toucher les prestations", dénonce la représentante du parquet de Nîmes. "Les bulletins édités par les établissements hospitaliers sont différents de ceux donnés aux assureurs", poursuit la procureure.
"Les sommes ont été remises car les bulletins d'hospitalisation de situation étaient frauduleux", tonne l'avocate d'une compagnie d'assurance. "Il y a des bulletins trafiqués avec plusieurs dates de sorties, il s'agit de faux bien sûr", certifie le conseil d'une autre assurance.
Relaxée, elle récupère 946 000 euros saisis
Mais cette prévenue est parvenue, ce vendredi, a faire chuter des empires de l'assurance, "des multinationales" et "des sociétés du CAC 40", selon les propos de son avocat, maître Ludovic Para. Cette assistante maternelle comparaissait pour "escroquerie" et "faux". Elle a été mise en cause pour avoir "maquillé", "falsifié" des bulletins d'hospitalisation dans le but de se faire rembourser ses séjours en clinique par les compagnies d'asssurance auprès desquels elle avait souscrit, c'est en tout cas la version de l'accusation et des assurances.
"On parle de fraude comme d'une évidence. Une fraude rendue possible car elle a aurait falsifié ses bulletins d'hospitalisation. Mais alors pourquoi ne pas avoir mandaté un expert, comme cela se fait toujours, pour savoir si les bulletins avaient été vraiment falisifiés", dénonce Me Para qui demonte un à un les arguments de ses adversaires. "Elle aurait pu souscrire 100 contrats sans qu'il y ait une faute pénale. Ce dossier ne tient pas, elle a fait une chose... Elle a profité d'un vide, d'une faille et tant pis pour les assurances qui vendent ses contrats comme des pains au chocolat. J'ai presque envie de dire bien fait pour les assurances", poursuit l'avocat nîmois qui défend la mise en cause avec un spécialiste du droit des assurances, maître Marc Bruschi. Ce dernier accable : "On pourrait limiter le cumul de souscription, mais le droit français ne le prévoit pas (...) s'il y a eu un enrichissement je suis désolé de le dire mais il est légal et il ne peut pas y avoir de condamnation."
Les arguments de la défense ont fait mouche car le tribunal a prononcé une relaxe ce vendredi après cinq heure de débats. La juridiction estime qu'il n'est pas établi par la procédure qu'il y ait eu des faux. Et s'il n'y a pas de faux dans ce dossier, l'escroquerie ne peut pas tenir. Une décision que la prévenue accueille en pleurant et en s'effondrant sur le banc. Car, pour elle, la relaxe signifie aussi qu'elle récupère les 946 000 euros qui avaient été saisis de façon conservatoire sur ses comptes bancaires.