"Après avoir obtenu un bac technologique, si on souhaite une carrière politique de président, ministre, député, c’est possible ?", a-t-on demandé aujourd'hui au sous-préfet, Émile Soumbo. Ils sont en première et terminale, majoritairement boursiers, proviennent de quartiers défavorisés et aspirent à de grandes études : droit, médecine, grandes écoles d’ingénieurs, Science Po… Nourris d’ambitions et de rêves, la trentaine d’élèves présents au lycée Jean-Baptiste Dumas cette après-midi demeuraient pendus aux lèvres d'Émile Soumbo. Enfant de la Martinique, loin des beaux quartiers et des grandes écoles lui aussi, le sous-préfet de l'arrondissement d'Alès, est pourtant aujourd'hui à un poste clé qu'il n'avait jamais imaginé gamin. Il l'affirmait lui-même, il arrive parfois qu'on lui répète : "Monsieur Soumbo, vous avez réussi là où normalement vous deviez échouer" en raison de son parcours académique atypique - il n'est pas passé par l'ENA -, mais en raison aussi de sa couleur de peau, de son accent, de son origine, comme il le précise lui-même. Bien qu'il n'ait heureusement pas connu quelconque forme de racisme depuis sa prise de fonction, il était bien placé pour évoquer avec les élèves présents la question de la différence. "Il ne faut pas être envieux des autres ni de ce que la vie nous a pas donné, il ne faut rien, rien, rien lâcher," a souligné le sous-préfet Émile Soumbo, avant de répéter une phrase qui lui est chère : "C’est la diversité des parcours qui font la richesse de ce que vous êtes."

Un accompagnement sur la durée

L'association Réussir Aujourd'hui, fondée en septembre 2004, a pour but d'aider les lycéens issus de milieux socialement défavorisés, à affirmer leur projet d'orientation en vue d'accéder à des études supérieures à la hauteur de leurs ambitions. Elle entend lutter contre les exclusions et renforcer l’égalité des chances. Depuis sa création, l'association a accompagné plus de 1 500 lycéens. Leur action s'exerce dans des ateliers hebdomadaires d'une durée de deux à trois heures, mettant l'accent sur des points d'actualité et la discussion de faits contemporains, avec la réalisation, par les élèves, d'exposés, suivis de débats animés par un tuteur. Des experts invités participent également, apportant leur expertise ou partageant leur expérience personnelle, comme ce fut le cas ce mercredi après-midi avec le sous-préfet de l'arrondissement d'Alès, Émile Soumbo. Derrière ces ateliers, l'envie de consolider, d'aprofondir et d'enrichir leurs connaissances des enjeux majeurs du monde du travail et plus généralement, du monde qui les entoure, tout en favorisant l'esprit critique et la prise de parole en public.

Le volet culturel est enrichi également, par des sorties régulières, comprenant des spectacles théâtraux, musicaux ou opératiques ainsi que des visites de musées, comme la semaine passée où les lycéens alésiens de l'association ont visité le Fabre de Montpellier où, selon la Conseillère principal d'éducation du JBD, Nadia Delphino, certains élèves ont découvert ce qu'était une toile... Mais organisé en collaboration avec plusieurs acteurs, l'association propose aussi des rencontres avec des institutions telles que l'Assemblée nationale, le palais de justice, le Conseil constitutionnel et le Parlement européen. Enfin, un voyage pédagogique, d'une durée de 2 à 3 jours, offre également aux élèves de l'association Réussir Aujourd'hui l'opportunité de renforcer leur cohésion de groupe, de découvrir le patrimoine de capitales régionales, et de rencontrer des responsables locaux. L'association, notamment sa branche à Alès, travaille avec les élèves sur l'élaboration de leurs voeux, lettres de motivation et CV destinés à la plateforme ParcourSup afin de "leur donner envie de faire des études supérieures correspondants à leurs résultats souvent excellents", note François Coppola. Enfin, sont mis à leur disposition les écuries d'été, qui définissent comme un stage post-bac visant à faciliter la transition entre l'enseignement secondaire et supérieur.

Au terme d'un discours d'une heure prononcé par Émile Soumbo, portant sur son parcours essentiellement et sur les ingrédients à mettre pour réussir en "partant d'en bas", la CPE Nadia Delphino a pris la parole. Travaillant avec deux classes, une de terminale technologique et une première bac pro chimie, et dont les profils sont issus des quartiers populaires, la conseillère principale d'éducation a rappelé l'importance de l'école. "Malgré la couleur de peau, le quartier d'où vous venez, il faut s’appuyer sur l’école de la République, c’est une chance, accrochez-vous à cette école, souligne-t-elle. Cet ascenseur que propose l’école, il faut le saisir." C'est d'ailleurs à son initiative, connaissant son parcours mais aussi les valeurs républicaines qu'il incarne, qu'Émile Soumbo s'est présenté. "Ils ont été jeunes, un jour, comme eux, ils ont pu traverser des moments compliqués, ce qui compte c'est la flamme intérieur."

Des discours, que ce soit celui du sous-préfet ou celui de la CPE, qui résonnent parmi ces jeunes provenant de quartiers populaires, aux origines diverses, aux couleurs de peau variées et aux revenus plus modestes. Animés manifestement par l'envie de vivre leur vie, leur carrière comme bon leur semble, de suivre leurs ambitions. Avec l'aide apportée par l'association, les sorties, les rencontres, les élèves parviendront sûrement à briser les nombreuses barrières que peuvent leur imposer la société, grâce au courage et à l'abnégation dont ils feront preuve.