ALÈS L’IVG dans la Constitution : des Alésiennes témoignent à l'unisson
La date du lundi 4 mars est désormais ancrée dans l’Histoire comme le jour où les parlementaires ont adopté - par 780 voix pour contre 72 - la révision constitutionnelle visant à protéger la liberté d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. Pour sceller la loi, une cérémonie ouverte au public se tiendra à Paris ce vendredi 8 mars, dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes.
C'est un moment historique qui célèbre la voix et la liberté des femmes. Ce lundi, les parlementaires se sont unis en Congrès à Versailles pour inscrire l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution française de 1958. La majorité requise de trois cinquièmes des suffrages exprimés pour modifier ce texte a été aisément obtenue. Par conséquent, la mention stipulant que "la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse" sera officiellement ajoutée à l'article 34 de la Constitution ce vendredi 8 mars 2024.
La France est le premier pays à ancrer cette loi sur l'avortement dans sa Constitution, tandis que de plus en plus d'États américains interdisent l'IVG et que vingt et un autres pays, tels que l'Égypte, l'Irak, le Sénégal et les Philippines, interdisent toujours strictement toute forme d'interruption de grossesse, comme l'ont rapporté récemment nos confrères du journal Le Monde. Originaires d'Alès ou de ses alentours, des femmes soulagées et fières ont partagé leurs sentiments à la suite de cette victoire significative sur l'autonomie corporelle et le respect des choix personnels. Leurs témoignages, recueillis par Objectif Gard, révèlent à la fois l'importance profonde de cette avancée pour les droits et la dignité des femmes, mais aussi leur volonté de poursuivre d'autres combats qui leur tiennent à cœur.
Les témoignages des Alésiennes :
Coralie Gay, avocate alésienne : « Je trouve remarquable que la loi sur l'IVG ait été constitutionnalisée. Mais en même temps, je trouve regrettable que cela ait été nécessaire pour garantir ce droit et cette liberté sans possibilité de remise en cause. C'est un combat mené il y a plus de 50 ans par l'avocate Gisèle Halimi lors du procès de Marie-Claire Chevalier en 1972. En tant que juriste, je pense qu'il est malheureux que nous ayons dû en arriver là pour assurer cette liberté aux femmes. Désormais, c'est un acquis, le combat semble être terminé sur ce point. Cependant, il reste d'autres défis à relever, comme l'accès à la pilule du lendemain et à d'autres moyens de prévention pour les femmes. Mais c'est tout de même rassurant de savoir que chaque femme aura désormais le choix de recourir à l'IVG ou non. Dans l'ensemble, je considère cela comme une grande réussite, une victoire majeure. »
Laurence Baldit, maire de La Grand’Combe : « La loi Veil (La loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse, dite loi Veil, est une loi encadrant la dépénalisation de l'avortement en France, NDLR) a permis à de nombreuses femmes de sortir de la clandestinité, d'être prises en charge en termes de santé, mais cette loi aurait pu être abrogée. Or, cette inscription dans la Constitution est historique et quelque chose de très important ; c'est un texte fondateur que l'on ne peut désormais pas modifier. Néanmoins, la liberté ne garantit pas les moyens. Le recours à l'interruption volontaire de grossesse reste inégal, selon les contraintes financières et géographiques. Certaines femmes doivent parcourir plus de cinquante kilomètres pour accéder à un avortement, soit parce qu'il n'y a pas de médecin dans leur région, soit parce que ceux-ci refusent de pratiquer l'IVG. Aussi, en 15 ans, 130 centres IVG ont été fermés (des chiffres rapportés par le Planning familial, NDLR) et il y a encore des attaques récurrentes, de la moralisation qui est faite. Enfin, la question de l’IVG doit être davantage accompagnée d’une éducation à la prévention, de manière à ce que ces femmes n'aient pas à subir cette intervention difficile à vivre pour elles. »
Léa Boyer, conseillère départementale du canton Alès 1 : « Il s'agit d'une liberté fondamentale qui a toute sa place dans notre norme suprême. Il y a 50 ans, Simone Veil montait à la tribune et Jacques Chirac choisissait de soutenir son combat pour le progrès et la protection de toutes les femmes. Cette inscription dans la Constitution vient alors parachever le combat de Simone Veil. En étant le premier pays à inscrire cette liberté dans sa Constitution, nous envoyons également collectivement un message fort à toutes les femmes qui continuent en Europe et ailleurs dans le monde à se battre pour faire de ce droit une réalité ! »
Marie-Jeanne André, présidente de Model's : « En tant que femme senior, je suis ravie de l'adoption de cette loi. Les dissensions exprimées sont pour le moins étranges, le fait qu'il y ait encore plus de soixante-dix opposants, y compris des femmes, me laisse perplexe. Néanmoins, je suis satisfaite que cette mesure soit désormais inscrite dans la Constitution, une première historique. Au-delà de son aspect politique, je vois en cela une protection renforcée pour les droits des femmes en matière d'IVG. Je préfère regarder ce changement du point de vue féminin plutôt que politique, d'autant que c’est un joli pied de nez à certaines personnes… »
Gwladys Rath, cogérante du restaurant gastronomique Le Saint-Hilaire : « Je suis fière de cette inscription de l'IVG dans la Constitution, c’est un moment important pour la démocratie. D'autant plus que j'ai une fille qui a 18 ans, et c’est important pour son avenir. Savoir qu’elle aura le choix et que toutes les femmes auront le choix entre devenir mère ou non, cela me rend fière. C'est encore nous, les femmes, qui avons dû nous battre pour obtenir cette liberté, car il est toujours délicat de constater que ce sont généralement des hommes ou des personnes non directement concernées qui décident à notre place. Mais grâce à ces combats menés, ce n'est plus du tout ce que j'ai connu il y a vingt ans en arrière, et c'est positif pour l'avenir. »
Meryl Debierre, conseillère municipale d'Alès, en charge du Pôle éducation enfance et jeunesse : « Sur le principe, symboliquement c'est magnifique, cela vient acter un droit fondamental dans le texte suprême, c'est beau, c'est grand. La France est la première à le faire. Toutefois, si on va un plus loin, il y a deux sujets fondamentaux qui passent outre. D'une part, sur l'inscription dans la Constitution telle qu'elle. On vient inscrire une liberté garantie et non pas garantir un droit fondamental. C'est un petit peu léger si je peux me permettre. Nous savons très bien que lorsque une liberté est inscrite dans la Constitution, il faut une loi derrière pour la mettre en oeuvre. Il suffit qu'un législateur - il faudrait qu'il soit néanmoins suicidaire (rires) - vienne mettre en place des textes plus restrictifs et l'IVG aura beau être inscrit dans la Constitution, dans les faits s'il est restreint cela peut être compliqué. Juridiquement je suis sceptique sur la signification réelle de l'inscription de l'IVG dans la Constitution. D'autre part, on en parle pas du tout et c'est d'autant plus grave, c'est le droit des femmes à disposer de leur propre corps. Je m'explique. L'IVG aujourd'hui c'est 14 semaines. Passé ces semaines, la femme ne peut plus faire ce qu'elle veut du tout, c'est illégal. Si on va un peu plus loin, si demain on a un accident de la route, et là je veux volontairement faire écho à l'affaire Palmade, si votre enfant n'est pas né vivant et viable, il n'a pas la personnalité juridique. Partant de là, l'homicide involontaire ne sera pas reconnu. Elles n'ont pas le droit de dépasser 14 semaines, mais quelqu'un derrière peut détruire leurs embrayons et arriver à s'en sortir. Je trouve cela assez fou ! Mais en soit l'inscription de l'IVG dans la Constitution est quelque chose de magnifique. »
Muriel Scherrer, agent AXA Prévoyance et Patrimoine : « Pour moi, le fait qu'il n'y ait plus de remise en cause possible de ce sujet semble être un pas très important. Penser qu'une femme ne puisse pas avoir le choix d'être mère, cela paraissait et paraît toujours impensable. Mais il ne faut pas que ce soit l'arbre qui cache la forêt ! Il y a encore bien d'autres combats à mener, pour l'égalité salariale notamment. Cela dit, l'inscription de l'IVG dans la Constitution représente un pas décisif vers la liberté des femmes. »
Lysa Blanc-Nalle, Miss Alès 2023 : « L’entrée dans la Constitution du droit à l’avortement, marque une avancée importante parce que cela signifie que les jeunes femmes de ma génération, notamment, disposeront désormais d’un soutien juridique plus fort pour prendre des décisions concernant leur santé reproductive et leur avenir. Ça contribue également à réduire les trop nombreux préjugés qui persistent, en France et ailleurs, concernant l'Interruption volontaire de grossesse. Je trouve ça très bien, cela renforce les droits et l’autonomie des femmes de ma génération et des générations à venir. »
Célya L., étudiante sur Alès : « Selon moi, le fait que l’Intervention volontaire de grossesse soit rentrée dans la Constitution est une avancée plus que fondamentale pour nos droits, les droits de la femme. En sachant que les luttes pour les droits reproductifs des femmes, y compris le droit à l'avortement, remontent à plusieurs siècles, on peut alors parler d’un espoir d’une grande valeur pour toutes les femmes. »
Laure* : « Aujourd'hui, je suis tellement fière d'être une femme, et d'être française, dans une société, ou du moins un pays, qui s’engage à protéger nos droits. Les femmes ont le droit de décider de leur propre avenir, de leur propre santé et de leur propre famille pour l'avenir, et ce droit ne devrait jamais être contesté ni remis en question, par qui que ce soit. Les États-Unis devraient tellement prendre exemple sur nous ! »
Le Club des Soroptimist d'Alès : « En cette Journée Internationale des Droits des Femmes, le Soroptimist International France et le SI d'Alès saluent la volonté des deux chambres réunies en congrès qui ont permis l’inscription dans la Constitution de la liberté des femmes à disposer de leur corps. Plus précisément, l'article 34 modifié précise : "La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse." Il est de notre responsabilité à toutes et à tous d’œuvrer pour ce que le droit à l'IVG ne soit à jamais remis en question. »
*Le prénom a été modifié.