FAIT DU JOUR À Alès, Clémentine Autain et Sandrine Rousseau portent la Nupes contre la réforme des retraites
Débutée par Michel Sala et Clémentine Autain à la cantine solidaire de Rochebelle, poursuivie dans les champs en agriculture biologique de Louis Julian à Ribaute-les-Tavernes, la journée de la Nupes dans le Gard s'est achevée dans une salle Cazot comble, colorée, totalement hostile au projet de réforme des retraites, et surtout convaincue d'aller vers la victoire : le retrait du texte.
Peuplé d'entre 500 et 600 personnes, le meeting des différents partis de la Nupes - à portée nationale, étant donné ses têtes d'affiche - a permis aux différents partis de Gauche de répéter les raisons du refus du projet de réforme des retraites, devant une salle conquise. Même distribués entre les intervenants, les arguments ont été nombreux et ont permis aux six orateurs de tenir la scène pendant plus d'une heure et demie.
En hôte de ses collègues, le député de la 5e circonscription, Michel Sala, a lancé les hostilités, au sens premier du terme. S'appuyant sur l'article 24 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (*), il en a déduit que "le système de retraites est une évidence, le travail n'est plus l'alpha et l'omega de la vie. C'est durant cette période de la vie où le bohneur serait le plus élevé." Une période dédiée "au temps libre, à l'émancipation individuelle et collective".
"Depuis 2020, deux tiers des richesses mondiales produites ont été captées par les 1% les plus riches"
Michel Sala, député de la 5e circonscription du Gard
"Depuis 2020, a poursuivi Michel Sala, deux tiers des richesses mondiales produites ont été captées par les 1 % les plus riches (...) Repousser l'âge, c'est faire des économies sur la mort des plus précaires." Le député gardois a comparé les 12 milliards d'euros nécessaires chaque année pour équilibrer le régime des retraites avec les "vannes ouvertes des banques, en 2008, quand il a fallu trouver des centaines de milliards".
Invitée à la tribune comme responsable locale de la CGT, Martin Sagit a appelé à la résistance, avant que la députée Europe écologie les Verts, Sandrine Rousseau, ne s'applique à faire le spectacle, en mode stand-up, pour déligitimer "cette réforme, qui était indispensable, mais dont les arguments sont tombés les uns après les autres". Puis, elle a longuement insisté sur les femmes, "grandes perdantes du système de retraite actuel. Dire le contraire, c'est se foutre de la gueule du monde. Hier, Borne a dit que c'était un problème de recettes. Élisabeth, si tu nous entends, c'est toi qui gères les recettes !" Elle s'est ensuite offusquée du "logiciel de Macron" qui verrait le repos comme "le moment où notre corps n'en peut plus".
"Macron, ce n'est pas un réformateur mais le liquidateur de la politique sociale, a enchaîné Hervé Solignac, député socialiste de l'Ardèche qui remplaçait le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. Il fait les poches des plus modestes pour continuer à faire des cadeaux aux plus aisés." Pour l'élu ardéchois, le Président est "coupé des réalités sociales des gens qu'il gouverne. De mon côté, je n'avais pas compris que le "quoi qu'il en coûte" consistait à présenter la facture à ceux que nous avons applaudis à 20 heures pendant le confinement".
"Le projet va transformer les meilleures années de la retraite en pires années de travail"
Clémentine Autain, députée France insoumise de Seine-Saint-Denis
Entre Sandrine Rousseau et Clémentine Autain, têtes d'affiche de la soirée, Hervé Solignac, mais aussi le communiste Yannick Monnet, député de l'Allier, et le député Génération.s des Yvelines, Benjamin Lucas, ont su se faire un nom devant une salle conquise par les arguments. Yannick Monnet a souligné qu'une "taxe sur le capital", une "hausse des salaires", la mise en place de "l'égalité salariale hommes/femmes" ou encore "la lutte contre l'évasion fiscale" feraient entrer "des milliards dans les caisses". Quand Benjamin Lucas s'est arrêté sur l'expression "paresse", reprochée par Gérald Darmanin à la Gauche, en inversant la vision : "Qui a le droit à la paresse actuellement, si ce n'est les milliardaires ?", accusés d'accumuler les dividendes sans travailler.
Largement devant à l'applaudimètre, et clou de la soirée, Clémentine Autain a offert la conclusion, alors que les arguments contre le projet avaient été énoncés. Elle a dénoncé la méthode orwellienne du Gouvernement, "qui utilise des mots qui veulent dire le contraire : la guerre, c'est la paix ; la contrainte, c'est la liberté". EIle s'est employée à dénoncer "l'injustice" que porterait le projet, "parce qu'il va s'abattre d'abord sur ceux qui ont commencé à travailler le plus tôt, il va creuser les inégalités entre les hommes et les femmes (...) Et transformer les plus belles années de la retraite en pires années de travail". Elle a dénoncé une paupérisation "hallucinante", en Suède, à la suite d'une réforme de même type, il y a 20 ans. "Comme pour France Telecom, EDF, la SNCF, ils veulent sauver le régime par répartition, donc ils le cassent. Ils ont toujours fait ça", a-t-elle insisté, tandis que quelqu'un dans le public ajoutait "les autoroutes" au bilan dressé.
La députée de Seine-Saint-Denis a fini en saluant "le front politique constitué avec la Nupes. Réussissons à gagner cette bataille et elle nous ouvrira la voie pour la suite." Optimistes, les orateurs ont dit leur conviction de voir le texte tomber face à la mobilisation. Ils semblaient surtout conscients que leur unité, qui pouvait apparaître de circonstance lors des Législatives, s'est fortement renforcée avec cette lutte commune. Si Emmanuel Macron a d'ores et déjà échoué à faire accepter son projet, il a soudé la Gauche comme elle ne l'avait sans doute pas été depuis longtemps. C'est peut-être ce que rapportera à sa présidente, Jean-Luc Gibelin, élu salindrois et régional, proche de Carole Delga, aperçu dans la salle en début de meeting.
(*) "Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques"
Clémentine Autain face aux champs de Louis Julian
Avant le meeting du soir, Michel Sala avait convié son invité du jour, Clémentin Autain, à une rencontre avec l'agriculteur retraité (mais toujours très actif), Louis Julian. Avec ses deux fils, qui ont repris l'activité, Louis Julian a fait visiter sa ferme de Ribaute et détaillé ses productions. Le viticulteur a plaidé pour que les retraites agricoles reposent sur "les 25 années les meilleures", car "on a des années bonnes et des moins bonnes, mais dans les moins bonnes, vous travaillez comme dans les autres". Il a aussi souligné qu'en matière agricole, "la baisse des coûts de production bénéficie toujours à l'aval, il vaudrait mieux acheter les produits plus chers" pour assurer un revenu correct aux agriculteurs. Il a expliqué le travail fourni pour enrichir et assouplir des terres "où on ne pouvait pas rentrer dedans pour les retourner. On parle de construire des bassines. mais on les a sur place : le sol est une éponge quand il y a encore de l'humus." Louis Julian a aussi fait découvrir à la députée de Seine-Saint-denis les "prestations viniques", soit les 10% que les vignerons doivent "à l'État" et qui sont envoyés à la distillerie. Enfin, il est revenu sur son combat permanent, l'urgence du foncier agricole alors que "dans les dix ans, 50% des agriculteurs seront partis sans successeur". Il a plaidé pour la création d'une foncière agricole de toute urgence, au niveau national, alors qu'elle est encore en gestation à l'échelle régionale.