FAIT DU JOUR À L'Estréchure, le boulanger attend de voir combien coûtera l'électricité pour s'adapter
Boulanger dans le village de la vallée Borgne depuis douze ans, Nathanaël Martin a subi une hausse de 15 % de ses tarifs électriques, qui s'ajoute à celles des matières premières et du gazole, indispensable à ses livraisons. Au 1er mars, il sera soumis à un nouveau tarif électrique qu'il ignore encore. Au point d'envisager d'installer un groupe électrogène à l'arrière de sa boutique pour en demander moins à son fournisseur d'électricité.
Nathanaël Martin s'est installé il y a douze ans à L'Estréchure, après cinq années passées à Sainte-Croix-Vallée-Française. Et mise à part la crue de septembre 2020, où son atelier avait pris l'eau, l'histoire s'était déroulée, jusqu'ici, sans grosses péripéties. Elle se complique, en ce début d'année 2023, après des mois d'inflation et face à l'incertitude qui s'annonce.
"Jusqu'à fin février, je suis sous bouclier tarifaire qui bloque la hausse à 15 %, parce que je suis resté dans le tarif réglementé", explique Nathanaël Martin. Mais pour le 1er mars, c'est la grande inconnue : impossible, pour cet artisan, de savoir à quel tarif il paiera le kilowattheure. "On ne peut rien prévoir en amont. Quand on les appelle, EDF ne sait pas. Ils attendent d'avoir les consignes gouvernementales." Un gouvernement qui a semblé s'agiter ces derniers jours sur la question, mais en limitant celle-ci aux artisans qui ont subi des hausses démesurées.
"On réfléchira à mettre un groupe électrogène au mazout"
En fonction de la hausse, Nathanaël Martin a déjà pensé à une solution. "On réfléchit à mettre un groupe électrogène au mazout, ce sera sans doute moins cher : il me faut environ trente litres de mazout par jour pour la cuisson." Et l'économie réalisée n'aura rien d'un luxe. Car l'électricité est loin d'être la seule chose qui ait flambé. "Il y a le lait ; les emballages ; le sucre, qui a pris 60 % sur le mois de décembre ; les amandes ; les oeufs, qui n'arrêtent pas d'augmenter, il m'en faut environ 1 000 par semaine..." Nathanaël Martin tente tout de même de relativiser en précisant que l'immobilier est sans doute moins cher dans les locaux municipaux qu'il occupe plutôt qu'en ville.
Mais travailler à la campagne exige d'autres sacrifices financiers. Comme de supporter une hausse de 40 % du gazole, ce qui représente des sommes importantes quand on va vendre sur les marchés de Saint-Jean-du-Gard, Saint-Hippolyte-du-Fort ou Quissac, ou qu'on doit livrer les écoles primaires et collèges d'Anduze et Saint-Jean-du-Gard, une épicerie en Vallée Française et une autre à Barre-des-Cévennes. Travaillant en fermentation longue, Nathanaël Martin ne subit que très modérément l'augmentation importante des prix de la levure. Enfin, il se félicite que le Raspaillou, pain qu'il produit majoritairement, soit produit avec des farines bio, qui ont finalement moins augmenté que celles qui dépendent des produits phyto-sanitaires. Mais les frais annexes, comme l'ensachage, ont bien augmenté, eux.
"On ne peut pas rogner sur la marge indéfiniment"
Et la diminution du bénéfice reste bien présente. "On est obligé de répercuter", s'excuse presque Nathanaël, qui n'a pour l'instant augmenté aucun prix. Il envisage tout de même de faire passer le prix de baguette de 95 centimes à un euro, "parce qu'on ne peut pas rogner sur le marge indéfiniment". Mais il sait déjà que cette hausse "ne couvrira même pas la hausse du coût de l'électricité". Cinq personnes s'activent en hiver, onze en été. Et s'il n'a pas, pour l'instant, d'inquiétude pour ces emplois, Nathanaël Martin n'oublie pas qu'il connaît deux boulangeries qui ont fermé en Lozère, quand les propriétaires, vieillissants, n'anticipent pas la retraite, sans transmission, face à la poursuite de la hausse des coûts. "Le Gouvernement parle de report des impôts et cotisations, mais il faudra bien les payer un jour, résume Nathanaël Martin. On doit déjà payer, jusqu'en 2025, ce qui avait été échelonné lors du Covid..."