ARLES EN FERIA Clemente et Adriano font chavirer les arènes devant les Victorino
Corrida de Victorino Martin pour Jose Garrido (silence et oreille), Clemente (salut et deux oreilles) et Adrien Salenc (silence et deux oreilles).
Heureux de revoir les Victorino, comme toujours. La famille est une de celles qui marquent plusieurs générations. Ses toros aussi. Des plus jeunes aux vieux sages, de nombreux aficionados se souviennent, avec une belle nostalgie, d’un toro de Victorino. D’un duel. D’un intense moment.
Jose Garrido est déjà chef de lidia d’une telle corrida, lui qui n’a pris son doctorat à Séville qu’en 2015 avec un toro de Juan Pedro… Clemente ? Lui aussi, sur le papier, est inexpérimenté pour cette course. Pour Adrien Salenc, c’est encore autre chose car il n’était même pas prévu au programme ! Cette corrida promettait de belles choses, des moments uniques.
Jose Garrido entame et lance les festivités. Malheureusement il tombe sur un Victorino impossible. Ça arrive parfois. Sans trop essayer de tenter l’impossible, l’Espagnol se résout à lâcher l’affaire et jure de revenir pour un second duel plus d’attaque en espérant avoir la main plus chanceuse.
Né en 1993 à Badajoz, Garrido est un peu heureux lors de ce fameux second combat. Là, il n’abandonne pas et trace quelques belles courbes sur le sable arlésien. Son adversaire coopère largement et donne même du relief à cette opposition. C’est ce que sont venus voir les tendidos qui restent un poil tendus mais qui sont séduits par les efforts consentis par le maestro qui parvient à faire tomber un mouchoir blanc du palco. Mérité.
Le lando-girondin qui a pris son alternative en 2016 à Zamora (Espagne), Clément Dubesq dit Clemente, est né à Bordeaux en 1995. Il a connu une carrière compliquée et revient peu à peu après une traversée, classique, du désert. Pour lui, les Victorino seront un défi à ne pas rater et d’emblée il marque les esprits en dominant son opposant tout en laissant la place à l’émotion et au doute. Il aurait dû, pu, couper une grosse oreille s’il n’avait pas explosé aux aciers. Lui aussi promet de revenir plus fort mais son investissement est indéniable. Du capote en passant par de sublimes et lentes séries de naturelles jusqu’à sa dernière passe, Clemente a fait vibrer l’amphithéâtre. L’amphithéâtre s’en souviendra longtemps.
Ultime chance pour le Français de briller. Pas plus tard que lors de son second duel Clemente poursuit son œuvre. Là encore il trouve l’alchimie nécessaire. Il ne déplace pas son Victorino, il l’écoute, le comprend, l’embarque pour trois séries de folies à gauche. Il le fait revenir puis redémarre pour une série de mieux. Une série de trop qui estompe les belles choses que les gradins ont pu voir de lui mais qui ne lui coûtera rien. Le public a envie de le faire sortir en triomphe, le palco hésite un temps mais sort, logiquement, les deux mouchoirs blancs nécessaires. Clemente comprend qu’il a réussi son pari, Jean-Baptiste Jalabert, l’empresa, sourit et Victorino Martin, présent en tribune, se frotte les mains. Les deux oreilles du panache, de l’envie, de la ténacité, de l’aficion.
Né à Aguascalientes en 1997, Leo Valadez (quelques doigts cassés) est remplacé par Adrien Salenc, Nîmois qui apprécie fortement les arènes d’Arles. Lui aussi jeune en alternative on peut l’imaginer encore un peu vert pour intégrer à la volée ce cartel. Que nenni ! Même s’il écoutera le silence à l’issue de sa première prestation, Adrien dit au public que lui aussi il reviendra encore plus fort sur son second. Pourtant, ce coup d’essai s’est plus que bien passé mais c’est aux aciers que le drame s’est joué. Il faut dire que son Victorino était compliqué à décrypter mais bravito au cheval et avec un fond de noblesse à la muleta. Il ne fallait pas regarder les gabians passer car le cornu demandait les papiers !
Dernier toro de feria et Adriano, comme il faut l’appeler à présent, est donc plus déterminé que jamais. Comme son compagnon de cartel français, il coupera les deux oreilles de ce toro, magnifique, de Victorino. Le Nîmois fera son petit festival en public, notamment à la muleta où, durant sa faena, il envoûtera les étagères. L’architecture, la construction qu’il a donné à son duel ne laisse personne indifférent. Très intelligent dans sa manière de montrer son travail, Adriano ne triche pas et se relâche pour s’assurer l’adhésion d’un public qui, parfois, peut le prendre en grippe. À Arles devant ses deux Victorino, aucun doute, il était l’homme, le torero, de la situation.
Notons les excellentes prestations des subalternes Mehdi Savalli et Tomas Ubeda, sérieux, appliqués et emplis de sérénité. Une course pleine, comme on les aime. Un final satisfaisant et l’envie d’y retourner rapidement évidemment !