Publié il y a 6 mois - Mise à jour le 06.05.2024 - Thierry Allard - 4 min  - vu 1036 fois

FAIT DU JOUR En pleine crise viticole majeure, les Côtes du Rhône veulent « résister »

De nombreux maires et élus du territoire de l'appellation des Côtes du Rhône dans le Gard ont répondu à l'invitation

- Photo : Thierry Allard

La traditionnelle sortie du nouveau millésime de la Compagnie de la Côte du Rhône gardoise se tenait vendredi soir à Orsan. L’occasion de faire le point sur la crise viticole que traverse l’appellation.

Une bonne partie des maires et élus des 54 communes concernées dans le Gard par l’appellation Côtes du Rhône, ainsi que le sénateur Laurent Burgoa et la députée Pascale Bordes, ont répondu à l’invitation du président de la Compagnie de la Côte du Rhône gardoise Géry Delbecque, association qui vise à « défendre la cause du vin et à le promouvoir », rappelle-t-il. Elle se donne aussi pour mission de « tenir informés les élus des problématiques », et sur ce plan, c’est peu dire qu’elle a fait le job vendredi soir.

Car la situation dans le vignoble français et donc dans les Côtes du Rhône, et le Gard ne fait pas exception, est préoccupante. « En 2023, nous avons rencontré une grave crise de la surproduction, rappelle Géry Delbecque. Pendant que les Bordelais ont opté pour un arrachage massif du vignoble, les Côtes du Rhône ont opté pour réduire le rendement de la récolte de 2023 de 20 %, pour adapter l’offre à la demande. » De quoi faire passer la production totale des Côtes du Rhône à 2,4 millions d’hectolitres, « une récolte historiquement basse », place le responsable du service économie de l’interprofession Inter Rhône, Sébastien Lacroix.

« 70 % de baisse de revenu »

Mais cela n’a pas suffi, et les prix de vente ne sont pas repartis à la hausse, bien au contraire, surtout dans la grande distribution. « Cette crise n’est pas sans rappeler celle allant de 2002 à 2010 », souffle Géry Delbecque alors que cette crise, la dernière d’ampleur dans les Côtes du Rhône, avait laissé un certain nombre de caves coopératives sur le carreau. À l’époque, « le revenu brut par hectare, ce que gagne le vigneron, était tombé de 5 000 euros à 2 000 euros au plus fort de la crise, soit une baisse de 60 % », rappelle le président.

Le président de la Compagnie de la Côte du Rhône Gardoise Géry Delbacque, vendredi soir à Orsan • Photo : Thierry Allard

Aujourd’hui, ces chiffres sont passés de 5 500 euros bruts par hectare à 1 600 euros, « soit 70 % de baisse de revenu et ce avant d’avoir commencé à travailler le premier hectare de vigne et payé tous les frais », commente Géry Delbecque. Et ce alors que l’enchaînement des crises, covid, guerre en Ukraine, taxe Trump, inflation, avait déjà laissé des traces. Et se rajoute donc à ces données chiffrées le fond de la crise : la déconsommation de vin. « Le drame aujourd’hui, c’est que contrairement à 2002-2010, même si on accepte de vendre à vil prix, on n’est même pas sûr de trouver preneur », prévient le président de la Compagnie.

Bref, ça va mal. Que faire ? Arracher pour planter autre chose ? « S’il y a cinquante ans j’ai planté des vignes, c’est que je n’avais pas assez d’eau pour faire du fruitier, et je n’ai toujours pas d’eau pour irriguer », pose Géry Delbecque, par ailleurs vigneron. Alors les projets d’irrigation des terres agricoles, un projet de ce type est porté du côté de Laudun, deviennent « une exigence si on ne veut pas que les terres retournent à l’état sauvage », affirme-t-il. L’autre solution, faute de diversifier les cultures, est de diversifier le métier de vigneron, en lui rajoutant la casquette commerciale. « Ceux qui s’en sortent le mieux, mais ils sont peu nombreux, sont ceux qui vendent eux-mêmes leur vin », reconnaît le président.

« L’appellation socle Côtes du Rhône malgré tout résiste »

Reste que « sur la commercialisation, le contexte est très tendu, et nous sommes frappés comme l’ensemble des vignobles français et mondiaux », pose Sébastien Lacroix. Même si « l’appellation socle Côtes du Rhône malgré tout résiste », affirme-t-il, et s’en sortent mieux que d’autres appellations, et ce « grâce au vrac », précise-t-il. Un peu moins grâce à l’export, qui représente un tiers de ventes et qui a bien souffert en 2023. Si les clientèles belges, anglaises et américaines, les trois premiers marchés en valeur, sont toujours là, « le marché est mal orienté en grand export comme sur les pays proches », expose Sébastien Lacroix. En d’autres termes : la tendance est mauvaise, et les chiffres baissent, que ce soit en volumes ou en valeur. Et, sur un marché comme le Canada, qui résiste en volumes, la valeur est en baisse quand même. Dans l’ensemble, l’export recule de 10 % en volumes comme en valeur en 2023. Une année à oublier donc.

En France, le recul se constate aussi dans les grandes surfaces. Mais « nous avons des éléments de résistance », souligne le responsable du service économie d’Inter Rhône. Le premier est une très bonne diffusion chez les cavistes et les restaurants, le second est « une bonne notoriété accompagnée d’une bonne image » des Côtes du Rhône, explique-t-il, chiffres à l’appui. « Il y a des motifs d’espoir », embrayera le Spiripontain Damien Gilles, nouveau président du Syndicat des Côtes du Rhône, qui a récemment présenté son plan stratégique pour sortir la tête de l’eau.

Une des pistes les plus sérieuses, outre l’arrachage d’une part significative du vignoble, concerne « la blanchification, car le blanc a de l’avenir, affirme-t-il. Et nous allons aussi travailler sur le vin sans alcool, il ne faut rien s’interdire. »

|Lire aussi : CÔTES DU RHÔNE Face à une crise « inédite et brutale », le Syndicat des vignerons est « dans l’action »

Quelques repères

Les Côtes du Rhône représentent 1% de la production mondiale de vins. La vallée du Rhône est le 2e vignoble AOC tranquille de France, derrière Bordeaux. 74 % des vins produits dans la vallée du Rhône sont en rouge, 14 % en rosé et 12 % en blanc. Le Gard représente 30 % de la production de Côtes du Rhône, 25 % de la production globale en vallée du Rhône.

Pascale Bordes compagnon d’honneur

La députée de la 3e circonscription du Gard Pascale Bordes a été intronisée compagnon d’honneur de la Compagnie de la Côte du Rhône gardoise vendredi soir, au coure du 507e chapitre de la Compagnie. Elle devient la 2 408e compagnon.

Thierry Allard

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