FAIT DU SOIR Un plan stratégique pour préparer l’avenir des Côtes du Rhône
Dans le monde viticole en général et les Côtes du Rhône en particulier, les problématiques ne manquent pas : baisse de la consommation, réchauffement climatique ou encore hausse des coûts, autant de contraintes desquelles le Syndicat des vignerons des Côtes du Rhône est parti pour mettre sur pied un plan stratégique présenté vendredi à Avignon.
L’idée est de « préparer l’avenir et anticiper les évolutions », pose le président du syndicat Denis Guthmuller. Pour ce faire, 15 actions, répartis en deux grands objectifs, le développement d’une commercialisation valorisée et pérenne et le fait de devenir une référence environnementale et sociétale, vont être déclinées entre 2023 et 2026.
Le premier axe concerne le vin en lui-même, face à « des consommateurs qui changent, qui sont plus volages et avertis, il faut que nos vins soient dignes des attentes de ces nouveaux consommateurs », explique le secrétaire général du syndicat, Philippe Faure. Alors le syndicat veut faire évoluer les cahier des charges de l’appellation, pour aller vers une meilleure qualité. « C’est une remise en question au fil de l’eau », note Philippe Faure, ce qui signifie aussi faire évoluer certaines pratiques pour rendre la vigne plus résiliente face au changement climatique. Et, nouveauté, le syndicat veut aussi que les critères concernant les attentes sociales, sociétales et environnementales soient prises en compte dans le cahier des charges, pour matcher avec celles des clients.
La confiance n’excluant pas le contrôle, « il y aura des évaluations des opérateurs, et nous irons voir plus ceux qui rencontrent des problèmes, pour les faire progresser », ajoute le secrétaire général du syndicat, qui va aussi professionnaliser ses dégustateurs dès la récolte 2023.
Autre mesure, la mise en place d’une réserve interprofessionnelle, qui permettra de limiter temporairement le volume mis en marché pour adapter l’offre et la demande. Un outil complété par une charte interprofessionnelle sur la loyauté des pratiques, « dans un contexte où la responsabilité sociétale des entreprises est de plus en plus importante », note Denis Guthmuller.
Adapter les rouges, développer les blancs et les rosés
L'une des clés de ce plan stratégique est « la diversification de la production et l’adaptation de nos rouges aux marchés », résume Philippe Faure. Car la tendance est baissière sur le rouge depuis plusieurs années. À titre d’exemple, « il y a dix ans, on écoulait 500 000 hectolitres de vin rouge par an en grande surface, aujourd’hui c’est un peu plus de 300 000 », pose le président. Or, le rouge représente encore aujourd’hui 88 % de la production des Côtes du Rhône, contre à peine 6 % de blanc et autant de rosé.
Le but est donc de développer fortement le blanc et le rosé sur des profils identifiés inscrits dans les tendances des marchés. « L’objectif est de passer de 70 000 hectolitres par an de blanc à 150 000 d’ici 2035, et de 90 000 hectolitres de rosé à 200 000 d’ici 2035 », avance Philippe Faure. Pour ce faire, le syndicat travaille avec l’Institut rhodanien pour accompagner ses adhérents. Quant au rouge, il restera tout de même prépondérant. Alors l’idée est de l’adapter lui aussi aux tendances du marché : « Nous avons toutes les cartes en main pour faire exactement les vins qu’il faut », affirme le directeur général. La teneur en alcool est, dans ce cadre, « un gros sujet de discussion », avance Denis Alary, le co-président de la commission promotion du syndicat.
Côté commercialisation, l’idée est d’aller plus sur l’export en profitant d’une communication collective menée par Inter Rhône, l’interprofession de la vallée du Rhône, et de développer trois marchés en priorité : les États-Unis, le Canada et la Chine, ainsi que de défricher deux autres marchés que sont Singapour et la Corée-du-Sud. Une communication spécifique est prévue pour les États-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique, le Canada, la Japon, la Chine, la Suède et le Danemark. Le but est de passer de 34 % de part de l’export à 50 % dans les années à venir.
Sans négliger la France pour autant. « Les cavistes et tout le réseau traditionnel fonctionnent très bien, on veut s’appuyer dessus », explique Denis Alary. Et sur le marché domestique plus qu’ailleurs, la labellisation des vins est importante, les vignerons sont donc incités à s’inscrire dans ces démarches. Et les vignerons comptent également capitaliser plus sur la marque « Avignon, capitale des Côtes du Rhône ».
« Devenir une référence dans la préservation et le développement de la biodiversité »
Concernant l’environnement, le but est de « favoriser la biodiversité au vignoble en devenant une référence dans la préservation et le développement de la biodiversité », explique Denis Guthmuller. Le syndicat travaille avec l’Observatoire agricole de la biodiversité en ce sens. Car « il nous faut sortir du modèle ‘la vigne et rien d’autre’ », estime le président en présentant l’action visant à favoriser le vivant animal et végétal dans les vignes. Un guide des recommandations environnementales est proposé par le syndicat, comme l’enherbement entre les rangs, la plantation d’arbres et d’arbustes, l’agro-pastoralisme ou encore la mise en place d’un repos des sols avant plantation, voire carrément la diversification des cultures.
Le syndicat veut aussi « accompagner vers les certifications environnementales, en continuant à développer la démarche Haute valeur environnementale, explique Denis Guthmuller. Demain, ce sera un pré-requis pour le consommateur, en France mais aussi à l’export. »
Par ailleurs, une action autour de la gestion durable et du recyclage des ressources est lancée, « au-delà des problèmes d’approvisionnement avec la crise en Ukraine », précise le président, le prix du verre notamment ayant explosé. Alors il s’agit de réfléchir à de nouveaux contenants, comme les canettes en acier par exemple, ou encore de réfléchir au réemploi des bouteilles, sans toutefois aller jusqu’à la consigne. « Le réemploi serait un acte volontaire de remettre la bouteille dans la chaîne de production », précise le président.
Enfin, pour communiquer sur toutes ces bonnes pratiques, le syndicat va mettre en place une plateforme de partage des expériences et des pratiques vertueuses destinée aux vignerons, et va créer une fondation des la biodiversité des Côtes du Rhône. « Il s’agira d’une structure indépendante pour mesurer les bonnes pratiques », note le président, qui espère que cet ensemble de mesures permettra à la profession de « relever le challenge qui s’offre à (elle). »