L’INTERVIEW Christophe Joussot-Dubien, sur le forum FEET : « Permettre une plus grande diffusion des connaissances »
La troisième édition du forum FEET, pour Forum des énergies de transition, se tiendra du mardi 28 au jeudi 30 mai dans les locaux de Montpellier Management. Organisé par l’Institut des sciences et technologies pour une économie circulaire des énergies bas carbone (ISEC) du CEA Marcoule, il évoquera les questions de la transition énergétique et écologique ainsi que de l’économie circulaire, dans le nucléaire mais pas seulement.
Le directeur de l’ISEC Christophe Joussot-Dubien en dit plus sur cet événement ouvert au public, présenté comme « un lieu d’échanges » où seront notamment présentées les dernières innovations et pistes de recherche, notamment une qui implique… des coquilles d’huîtres. Interview.
Objectif Gard : un programme varié, sur trois jours, avec près de 70 intervenants, 5 conférences, un marathon des sciences et 12 tables-rondes : quel est le but de ce forum, qui est grand public on le rappelle ?
Christophe Joussot-Dubien : C’est ça qui est intéressant. C’est un accès gratuit, à tout le monde, pour permettre une plus grande diffusion des connaissances sur les enjeux de la transition énergétique et écologique et bien sûr sur l’économie circulaire. Au travers de ce forum ouvert à tous, c’est essayer d’ouvrir aux jeunes générations, nous sommes convaincus que ce sont des thématiques qui touchent les jeunes et qu’il faut les associer au débat, à un débat citoyen, ouvrir aux jeunes, aux étudiants, à toute la société civile. C’est un lieu d’échanges puisque participeront notamment nos chercheurs, de l’université de Montpellier et du CEA Marcoule, pour dans un même endroit pouvoir présenter les avancées que nous avons et les confronter aux besoins sociétaux et aux attentes des citoyens. Grâce à ces échanges transversaux, nous allons pouvoir éclairer des sujets comme les besoins énergétiques mais pas seulement... Quand on parle de transition énergétique, il y a un sujet autour des technologies qui fournissent de l’énergie bas carbone, et c’est en cela que le CEA se positionne, on est pour un mix énergétique, bien sûr avec le nucléaire mais pas que, nous sommes aussi favorables à apporter des solutions sur les batteries, sur le photovoltaïque, sur les aimants, des moteurs voire les pales des éoliennes, toutes nos technologies bas carbone, sont mises à disposition, pour recycler le plus possible de matière. Et il y a aussi les énergies humaines, toutes ces possibilités sur les énergies bas carbone ne marcheront que si on arrive à avoir des énergies humaines qui convergent ensemble pour apporter des solutions crédibles.
On parle d’économie circulaire, comment ça se matérialise ?
Ça fait 50 ans qu’on recycle du combustible nucléaire, c’est la spécificité de l’institut à Marcoule, sur comment recycler au mieux l’uranium et le plutonium qui ont été irradiés dans les réacteurs EDF. Donc finalement, sans le savoir, on a depuis très longtemps porté cette démarche d’économie circulaire : avoir le moins de déchets possibles, des procédés où on recycle au mieux tout ce qui est valorisable, et avoir un usage le plus adapté possible. Ces éléments, on va aussi les remontrer dans certaines des tables-rondes, on en a une sur la relance du nucléaire, pour montrer comment le nucléaire est vertueux vis-à-vis de l’économie circulaire, et de la transition énergie-climat, et que ça peut s’appliquer à d’autres modes de fourniture d’énergie. Le sujet de l’économie circulaire dans l’éolien en ce moment c’est les aimants avec des terres rares et les pales des éoliennes. Tout le monde entend parler de ces pales en matériaux composites, au début elles étaient enterrées, maintenant on cherche à les recycler. C’est ce qu’on va essayer de montrer, c’est qu’on s’intéresse à ces éléments, et que dans la transition énergétique le CEA est pleinement partie prenante pour apporter les nouvelles solutions au mix énergétique français pour préserver notre écosystème tout en ayant la possibilité de recycler en local, s’approcher des problématiques particulièrement rencontrées en Occitanie.
Et sur les panneaux photovoltaïques ? Au sein de l’ISEC, vous travaillez sur leur recyclage.
Tout à fait. Au-delà du procédé innovant, on a montré que ça marchait bien, avec du CO2 supercritique, de pouvoir séparer les éléments du sandwich qu’est un panneau photovoltaïque. Mais à côté de ça il y a aussi beaucoup de verre, 70 % de la masse du panneau photovoltaïque. Et là on travaille sur comment on pourrait le recycler, le réutiliser, potentiellement avec d’autres additifs, des intrants issus de la région : on est en train de regarder avec l’Agglomération de Sète comment on pourrait utiliser des coquilles d’huîtres. Ces coquilles pourraient être des composants utiles dans le verre si on les refondait pour pourquoi pas faire des nouveaux verres et trouver une filière industrielle. C’est vraiment ça l’économie circulaire quand on a un regard systémique, et en prenant du recul. Quelque part un forum comme FEET nous permet de rencontrer des acteurs avec des problématiques ou des solutions différentes, quand on met tout le monde ensemble, on peut proposer des idées en rupture pour pouvoir répondre à ces attentes sociétales.
C’est donc une marque d’ouverture du monde du nucléaire vers le non-nucléaire, et une manière de dire que dans le nucléaire il y a des technologies maîtrisées qui pourraient être utilisées dans d’autres secteurs.
On essaie maintenant d’arrêter ce découpage nucléaire/non nucléaire. Surtout qu’au CEA on est fournisseurs de concepts, de solutions technologiques, d’idées, pour éclairer des industriels de la filière du nucléaire, mais on veut s’ouvrir en disant que nos technologies peuvent s’appliquer toujours aussi efficacement pour préparer le nucléaire de demain, mais aussi pour recycler les panneaux photovoltaïques ou les pales d’éoliennes. Et il n’y a pas que le plutonium qui est une matière critique, tous les jours on parle de pénurie de lithium, de cuivre, d’argent, donc ces métaux là on doit pouvoir les recycler, et l’ISEC se propose d’apporter des solutions aux industriels, en regardant un peu plus loin. Et pour nous c’est évident, la sobriété fait partie des attentes, quand on conçoit des procédés, il faut qu’ils soient les moins gourmands possibles. C’est tout ça que FEET met en commun, cette démarche avec des organismes publics de recherche, des institutionnels régionaux, voire nationaux, et des citoyens, des étudiants pour échanger. Avec un format très différent : des conférences avec des personnes connues, des tables-rondes, où on peut avoir plus d’échanges —chaque année le public intervient— et le marathon des sciences, une après-midi où les exposés vont s’enchaîner. L’idée est d’avoir le regard le plus large possible, pour prendre du recul.
C’est vraiment un événement grand public, assez didactique et pédagogique pour les non-initiés ?
Oui on peut venir sans être un grand scientifique, d’ailleurs beaucoup des étudiants qui viennent sont issus d’autres filières que scientifique. Le but est que ce soit le plus enrichissant et le plus pédagogique possible au démarrage pour accrocher le maximum de personnes. Et des fois c’est en confrontant des avis de néophytes qui viennent de l’extérieur qu’on peut avoir les idées les plus originales. C’est important de creuser son sillon, mais l’ouvrir à des questions du grand public c’est aussi enrichissant pour tous.
Le Forum FEET, du mardi 28 au jeudi 30 mai à Montpellier Management, espace Richter, rue Vendémiaire à Montpellier. Entrée gratuite sur inscription. Plus d’informations ici.