Publié il y a 7 mois - Mise à jour le 12.04.2024 - Camille Graizzaro - 4 min  - vu 9297 fois

FAIT DU SOIR Connaissez-vous la farine… de gland ?

La farine de gland, produite exclusivement à Aramon, est disponible dans quelques commerces locaux et sur le site internet du producteur.

- C. Graizzaro

On connaissait la farine de châtaignes, la farine de riz voire peut-être même la farine de lupin… Place maintenant à la farine de gland ! Un Aramonais s’est lancé en famille dans cette aventure, dont on vous dévoile (presque) tous les secrets.

« Toutes les années, on jetait des poubelles entières de glands. Alors Sandrine m’a dit : j’en ai marre de les ramasser, et si on en faisait quelque chose ? » Voilà comment Thierry Moureau, sa femme Sandrine et leurs deux fils Maxime et Thibault ont commencé la production de la farine de gland.

« On trouve plein de recettes pour en faire sur Internet, mais en France, nous sommes les seuls à en commercialiser », révèle Thierry. Et pour cause, comme il s’agit d’un aliment destiné à la consommation humaine, il est très réglementé par les normes européennes. Ainsi, seul le gland de la variété de chêne Quercus rotundifolia, ou chêne à gland doux peut légalement être vendu comme denrée alimentaire.

Un aliment plein de nutriments...

« Lorsque l’on croque dans un gland, qui se mange un peu comme une châtaigne, on ressent une certaine amertume qui est causée par le tanin contenu dans le fruit. La plupart des recettes préconisent d’ébouillanter le gland pour la faire disparaître, mais ce faisant on perd toutes ses qualités nutritionnelles… » Et le gland en a beaucoup : il contiendrait, selon des analyses de laboratoire, dix fois plus de calcium que le lait, ainsi que du magnésium, des antioxydants ou des omégas 6.

Thierry et Maxime Moureau, père et fils investis dans la petite entreprise familiale. • C. Graizzaro

Mais il ne contient pas de gluten ! « Bien sûr, lorsqu’on cuisine avec, on n’a pas l’élasticité de la farine de blé, mais au nettoyage, ça ne colle pas à l'éponge ou dans l'évier, c’est bien plus simple ! Quand on imagine que ça a le même effet dans notre corps… ». Ce qui fait de la farine de gland un produit adapté aux cœliaques donc, mais également aux sportifs grâce à son indice glycémique bas, même s’il ne contient que peu de protéines. « On pense souvent que les sangliers mangent les glands parce qu’ils sont riches en protéines, mais non ! Ce qu’ils cherchent, c’est le ver qui peut être à l’intérieur, pas le gland lui-même. »

... que l'on utilise depuis des siècles.

Grâce à ces propriétés nutritionnelles, la farine de gland était consommée principalement du XVIe au XVIIIe siècle. « On a fait des recherches, et il était souvent prescrit par les médecins comme solution à la malnutrition au XVIIIe siècle ! ». Un peu perdue de vue en Europe, on continue pourtant à l’utiliser notamment au Maghreb, pour faire de la semoule, ou en gelée en Corée.

Cookies, gâteaux... les utilisations de la farine de gland sont multiples. Elle s'utilise comme n'importe quelle autre farine sans gluten. • C. Graizzaro

La famille Moureau elle, l’utilise surtout en pâtisserie, mais recherche d’autres façons d’utiliser ce produit. « On aimerait bien se rapprocher de restaurateurs, pour qu’ils expérimentent avec la farine de gland. La Table de Sonia, à Aramon, s’est montrée intéressée, on a hâte de voir ce qu’elle va en faire ». Au dos des paquets de 500g (en commerce, 400g sur Internet), vendus 12 euros, on trouve d’ailleurs une recette de cookies au chocolat, améliorée depuis par Maxime, qui a publié la deuxième version sur leur la page Facebook du produit.

Et le goût alors?

La farine de gland possède un goût assez neutre, avec un arrière-goût légèrement boisé qui rappelle la noisette. Elle est par ailleurs assez fine car produite avec une meule en pierre : elle possède, comme la farine de blé que l’on trouve le plus fréquemment en commerce, une granulométrie T55, « qui convient parfaitement à la cuisine et à la pâtisserie » si on en croit plusieurs sites dédiés.

Convaincu par ce projet, Thierry, ingénieur, a quitté son emploi pour s’y investir complétement. Il conçoit ainsi, de A à Z toute la chaîne de production, de la récolte auprès d’agriculteurs locaux au conditionnement du produit. « J’ai même conçu moi-même les prototypes des machines, pour mécaniser au maximum les 30 étapes de fabrication que nécessitent la farine de gland » explique-t-il. « D’habitude, je travaille pour les projets des autres, ici je travaille pour le nôtre, c’est agréable. »

Un départ difficile

Mais entre une période de production (récolte comprise) qui ne dure que trois ou quatre mois dans l’année, et un volume de matière premières très dépendant des aléas météorologiques et parasitaires, l’entreprise tourne pour l’instant à perte, et Thierry a dû reprendre un emploi d’ingénieur. Loin d’être défaitistes, les Moureau voient au contraire l’avenir de leur petite entreprise familiale (actuellement en auto-financement) avec beaucoup d’espoir.

Faute d'absence de valorisation du gland par les agriculteurs, sa récolte n'est pas encore régulière. Entre aléas météorologiques et parasitaires, il faudra selon Thierry Moureau encore 4 ou 5 ans avant que la production se stabilise. • C. Graizzaro

Ils envisagent de nouveaux modèles économiques, de nouvelles machines, et surtout des solutions pour abaisser le prix de leur produit et l’aligner sur celui d’autres farines inhabituelles déjà présentes sur le marché. « Mais c’est vrai que ce n’est pas forcément évident de trouver une clientèle : on a essayé de se tourner vers des communautés sans gluten ou paléo par exemple ! »

L’objectif étant de garder les secrets de fabrication au sein de la famille, d’autant que les fils du couple n’ont pas été très difficiles à convaincre de se lancer dans l’aventure. Maxime raconte : « On touche à tout, on fait tout nous-même de A à Z… On ne s’ennuie jamais, et même si on a encore beaucoup de travail à faire, on a quand même un produit viable à la fin ! C’est gratifiant. »

Camille Graizzaro

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