FAIT DU SOIR L'uniforme adopté par les élèves d'Alzon au Grau-du-Roi est-il la solution ?
Le débat sur le port de l'uniforme obligatoire à l'école est récemment revenu sur le devant de la scène. Comme souvent sur les sujets de société, il y a les pour et les contre. Objectif Gard s'est rendu au Grau-du-Roi où les élèves de primaire de l'institut d'Alzon portent l'uniforme depuis septembre 2022.
Alors qu'une proposition de loi du Rassemblement national (RN) pour le port obligatoire de l'uniforme à l'école pour 12 millions d’élèves français a été rejetée par les députés, Brigitte Macron a relancé le débat, qui revient régulièrement sur la table, juste avant, dans une interview accordée au Parisien.
Suggestion des parents
L’institut d’Alzon du Grau-du-Roi, qui a ouvert ses portes au mois de septembre 2022, a instauré le port de l’uniforme pour les classes primaires, sur le haut du corps, et cela semble convenir parfaitement aux élèves, aux parents et aux professeurs. L’école, qui accueille 474 élèves, collège compris, est idéalement située en bord de mer.
Les enfants, qui peuvent tremper leurs pieds dans l’eau et jouer sur la plage entre midi et deux, accueillent la mesure très positivement. « Cette histoire d’uniforme, ce sont les parents qui nous l’ont demandé. Cela participe de l’ordre de la classe. Il y a moins de différences et de jalousies sur les marques de vêtements. Ils sont tous à égalité, aucune moquerie. Cela soude, forme une équipe, facilite les relations en effaçant les conditions sociales », explique Laurent Vernettes, professeur et directeur de l’école primaire d’Alzon du Grau-du-Roi.
Des enfants de toute la région
Les enfants viennent de toute la région. Du Grau-du-Roi, d’Aigues-Mortes, de la Grande-Motte, de Nîmes et même de Montpellier. Deux classes de primaire, une en CP-CE1-CE2, partagée en deux groupes de 40 élèves, et une classe de CM1-CM2 (29 élèves) dans laquelle Laurent Vernettes enseigne. « Ma maman m’a proposé cette école et je la trouvais bien. L’uniforme, je trouvais ça étrange au début, mais finalement j'aime beaucoup parce que personne ne se moque des autres puisqu’on est tous habillés pareils », indique Stella (CM2) qui vient tous les jours de Villeneuve-lès-Maguelone.
Aux frais des parents, le pack comporte deux tee-shirts, deux polos, un sweat capuche, une marinière aux manches courtes et une aux manches longues, pour un total de 100 €. Moins cher que s’ils devaient acheter des vêtements identiques. D’autres accessoires peuvent être achetés en plus : bonnet, casquette, pull, et bientôt la casquette. Tous arborent le logo de l’école d’Alzon et font montre d'une certaine fierté d'appartenance. Selon les événements, on demande aux élèves de porter une tenue particulière. "Maman m’a conseillé cette école. C’est beaucoup plus simple le matin pour choisir comment s’habiller, on gagne du temps, même pour les garçons. Et j’adore la plage ", lance Armand (CM2) qui habite la Grande-Motte.
Un rempart contre l'islamisme ?
Au-delà des concepts d'unité et de cohérence sociale, les députés RN, lors de leur niche parlementaire, ont apostrophé le Gouvernement en brandissant l'uniforme comme un rempart contre l'islamisme à l'école. Pap Ndiaye, le ministre de l'Éducation, a botté en touche et le débat n’a accouché que de la mise en place d’un groupe de travail. Réunis dans une boucle Telegram intitulée "Tenue d’établissement", 18 parlementaires Renaissance mènent des auditions de recteurs, d’associations de parents d’élèves et de syndicats de professeurs.
Le député RN du Gard, Nicolas Meizonnet, est persuadé que l'uniforme est un rempart contre l'islamisme. "La progression de l’islamisme dans certains établissements scolaires est une réalité qu’il faut combattre, et plus largement les atteintes à la laïcité. Ainsi, l’uniforme permet de régler le problème des tenues comme le qamis ou l’abaya qui, bien que manifestement religieuses, restent encore difficiles à interdire, ce qui laisse parfois les directeurs d’établissement désemparés", lance Nicolas Meizonnet, député RN du Gard.
Selon l'élu, les différences vestimentaires entre élèves sont un important vecteur de moqueries, voire de harcèlement. Le port de l’uniforme permettrait d’atténuer ce problème. À l’école, l’enfant ou l’adolescent devient un élève, sans distinction de classe sociale, d’origine ou de religion. "L’uniforme est un outil symbolique fort qui permettrait de consacrer le principe d’égalité républicaine", ajoute-t-il.
"Ce n’est pas l’urgence du moment"
Pour Nicolas Cadène, ancien rapporteur général de l'Observatoire de la laïcité rattaché au Premier ministre, candidat d'ouverture EELV aux élections législatives de 2022 et membre résidant de l'Académie de Nîmes, il existe déjà un outil juridique - la loi de 2004 - qui interdit d'exhiber ostensiblement (à la vision de tous) et régulièrement, foulard, kippa, grande croix, turban Sikh… Ainsi, une robe couvrante n’est pas du prosélytisme si cela n’est pas quotidien et si le comportement de l’élève ne manifeste aucune appartenance à une religion.
Comme ne pas porter de tenue de sport ou de maillot à la piscine. « Ce n'est pas l’urgence du moment pour les écoles, collèges et lycées. Parlons d’abord du chauffage, des plafonds qui s’écroulent, du manque de professeurs et des salaires. Ensuite, on verra », confie Nicolas Cadène. Selon lui, l’application est très complexe à l’endroit des 12 millions d’élèves en France. Pour lutter contre les différences sociales, il faudrait interdire tous les accessoires, des bijoux aux baskets.
Il faudrait qu’absolument tous les établissements du pays soient uniformisés en fournissant les mêmes offres. « L’uniforme semble une très bonne idée, mais quand on y réfléchit, c’est plus compliqué que cela paraît », rajoute-t-il. En attendant, au Grau-du-Roi, l’école d’Alzon a trouvé un compromis qui ravit professeurs, parents et enfants, un uniforme sur le haut du corps… au bord de la plage.