FAIT DU JOUR Avec l'ADMD, mourir dans la dignité est le but d'une vie
La mort est l'aboutissement de la vie. C'est le cas pour chacun d'entre nous, mais le sujet est encore bien tabou. Avec l'association Droit de mourir dans la dignité, la parole se libère.
Même s’il peut se passer des mois sans aucun rendez-vous sur la thématique, pour une fois, deux soirées spéciales se télescopaient sur un même sujet : celui de la fin de vie. Au CHU de Nîmes en quasi interne et à l’auditorium de Pablo Neruda en public devant une trentaine de personnes.
"C’est dommage que nous n’ayons pas été mis au courant que le CHU faisait aussi une conférence… Surtout qu’ils seront en visio avec le Leonetti de la loi Claeys-Leonetti qui encadre aujourd’hui la fin de vie. On aurait pu le confronter droit dans les yeux !", entame Catherine, la déléguée locale de l’association pour le Droit de mourir dans la dignité.
Et celle qui a en charge les adhérents du Gard et du bassin avignonnais pose la première question : "Qui est à l’ADMD ? Qui ne l’est pas ? Il y a deux voix !" On voit ainsi qui est déjà sensibilisé fortement par la question et qui est venu en curieux pour tenter d’y comprendre quelque chose.
La cessation d'un traitement correspond au fait, pour un médecin ou pour une équipe médicale, d’arrêter de chercher à guérir un malade en raison de son état. Cette étape est généralement suivie d’une seconde qui consiste en des soins palliatifs c’est-à-dire en un transfert de soins actifs cherchant à soulager la souffrance et à accompagner la personne en fin de vie. L’euthanasie passive s’entend d’une pratique médicale qui consiste à ne plus soigner sans, pour autant, relayer par des soins palliatifs. L’euthanasie active consiste à mettre volontairement et immédiatement fin aux jours du patient par un moyen quelconque.
Enfin, la sédation correspond à des soins qui visent à placer temporairement le malade dans un état inconscient pour l’aider à moins souffrir.
Du retard, du retard, du retard
Depuis 1980, l’association pour le Droit de mourir dans la dignité milite pour que chaque Français puisse choisir les conditions de sa propre fin de vie. Conformément à ses conceptions personnelles de dignité et de liberté. Avec 76 000 adhérents, l’ADMD vise une loi de liberté.
Dans cette perspective, l’ADMD entend obtenir qu’une loi visant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté et à assurer un accès universel aux soins palliatifs soit votée par le Parlement, comme le réclament 94 % des Français interrogés par l’institut de sondage Ifop en février 2022. Avec le vote de cette loi, les Français bénéficieraient de leur ultime liberté, comme les Néerlandais, les Belges, les Luxembourgeois et les Suisses en disposent dans leur propre pays.
La France est un pays aux racines chrétiennes, catholiques. Le président de la République de ce pays laïc qui est le nôtre est aussi chanoine d’honneur du Vatican. "Même les étoiles du drapeau européen sont un signe religieux", lance Michel, libre penseur du Gard. Dur de s’y retrouver : "De plus, on se rend compte que la tête de l’État n’est pas toujours prête à se mouiller pour ôter les tabous comme les représentants des religions n’expriment pas forcément la pensée des pratiquants ou encore comme les membres de l’Ordre des médecins qui sont détachés des réalités quotidiennes du terrain."
Une convention citoyenne
Catherine et Jean, son médecin de mari qui est délégué national à l’ADMD, sillonnent les routes pour débloquer la parole sur cette question : qu’allez-vous demander pour vos derniers instants ?
"Notre association existe en France depuis 1980 et depuis la mi-décembre une convention citoyenne a été mise en place sur la fin de vie, la CESE. Nous suivons cela de très près mais nous avons ras-le-bol des mensonges qui font peur !" Qu'est-ce que la fin de vie ? C’est le questionnement qui occupe la convention composée de 185 citoyens tirés au sort, qui, pendant neuf week-ends apprendront, partageront et débattront afin d’esquisser des perspectives nouvelles et des consensus sur le sujet de la fin de vie.
Il y a toutefois une nuance quand on parle d’une aide médicale à mourir et de soins palliatifs poussés. Catherine poursuit : "Nous voulions un vrai débat ! Nous revendiquons trois choses. Le droit à l’euthanasie, le suicide assisté et le développement des soins palliatifs. Nous avons mis les pieds dans la fourmilière, on sait qu’ils sont en train de préparer une loi mais nous ne savons comment ça va tourner."
Les Belges, qui ont la même association (créée là-bas en 1982) ont obtenu de leur Gouvernement ce qu’ils voulaient. En effet, en 2002 et selon les critères que l’association avait elle-même mise en place, l’État a acté une fin de vie programmée, acceptée par le patient. Comme en Suisse, avec un dossier médical complet.
Quelque chose de simple...
"Aujourd’hui en France, nous pratiquons la sédation profonde et continue jusqu’au décès. C’est une loi hypocrite, celle de Leonetti et elle implique qu’on ne peut s’en saisir que quand notre pronostic vital est engagé à très court termes, entre trois heures et trois jours."
Rappelons que le suicide assisté nécessite un geste ultime de la personne concernée. L’euthanasie, elle, est pratiquée par le médecin. Dans les deux cas, il est toujours demandé au patient s’il est toujours en accord avec la décision radicale qu’il a prise. S’il ne l’est plus, on annule ou on reporte. C’est simple.
"Je préfère dire aider à mourir plutôt que donner la mort", lance un pasteur à la retraite qui, il y a une dizaine d’année, a écrit le livre L'euthanasie, comment respecte-t-on le mieux la vie ?
Jean prend la parole : "Le manque de loi sur la question relève du manque de courage évident des politiques. Un projet de loi en date de 2021 portant sur ce problème avait été déposé par 300 députés. Seuls quatre députés LR l’ont fait capoter…"
6 000 personnes abandonnées chaque année
De l’actuelle convention citoyenne devrait sortir une loi, mais laquelle ? "Il y a le retour du religieux et du lobby médical… On ne connaît même pas le nombre de sédations profondes pratiquées alors que c’est un geste important. Aucun chiffre n’est rendu public, c’est fou quand on y pense ! On vous ment. Si une loi voit le jour, ça libèrera la parole."
Un problème de taille est à mettre à jour. Les soins palliatifs ne sont pas toujours ce qu’on imagine d’eux. "On respecte ceux qui y travaillent mais on ne parle pas de la même chose. Nous parlons, par exemple, des 2,5 % des Français qui demandent la mort quand ils sont en soins palliatifs et qu’on laisse de côté, qu’on abandonne. Cela représente quand même 6 000 personnes chaque année."
Pour l’ADMD, demander un nouveau droit, celui de mourir dignement quand et comme on l’entend ne doit pas être une obligation, évidemment, mais une possibilité. C’est le patient qui doit revenir au centre du processus médical de prise de décision car c’est le premier concerné.
"Hélas, on n’entend pas les médecins dans cette bataille. En 2007, 2 000 d’entre eux avaient signé un manifeste mais beaucoup ont eu des problèmes avec l’Ordre. Les citoyens s’engagent de plus en plus et ça fait du bien. Il ne faut pas en arriver à ce qui est pratiqué dans l’Oregon où les médecins se sont totalement défaussés. Quand j’ai vu ça, j’ai eu peur."
Dans l’Oregon, un patient, s’il a un dossier médical suffisant, peut obtenir un comprimé létal de son médecin qui n’est là que pour cocher des cases et non pour parler santé. Si les cases sont cochées, le patient repart avec son comprimé mais on n’en sait pas plus !
Ne pas avoir la trouille
"Je pense qu’ici comme ailleurs c’est au patient de déterminer le terme de sa vie, personne d’autre. Il existe une inexistence du devoir de vie. 4 000 euthanasies clandestines sont pratiquées chaque année en France mais là encore, ce n’est pas une solution car la voix de la famille n’est pas celle du patient." Oui, la fin de vie fiche la trouille, et alors ? Faut-il pour autant se cacher les yeux jusqu’au dernier moment ? Faut-il noircir le ciel des crânes aidants pour qu’ils prennent une décision à votre place ? "En 1999, la loi a éliminé les médecins traitants de la fin de vie en leur ôtant les produits létaux. Dans l’esprit de la loi, c’était prévu comme ça et tout a été complexifié. Avant qu’il ne soit trop tard et avant que les difficultés n’arrivent, appelez-nous !"
Faites le nécessaire
Avec l’ADMD, on y voit plus clair mais il faut s’y prendre à temps. "Vous ne pouvez pas être seul face au corps médical. Pensez à faire vos directives anticipées, adhérez à l’ADMD mais déjà, parmi nos adhérents, seuls 60 % s’en sont occupées, c’est dire si nous partons de loin !" Une loi visant à aider les Français en fin de vie ne serait pas un luxe mais pour y arriver il faut en parler, librement, sereinement pour essayer le moment venu de se sentir libre, serein. Allez, au boulot, c’est la loi qui compte !
ADMD : adhésion sur 12 mois à 26 euros (47 euros pour un couple) et cinq euros pour les moins de 36 ans ! ADMD dans le Gard par mail à admd30@admd.net