FAIT DU JOUR Béatrice Kaboré, une résistance à toute épreuve
Privée de père enfant, Béatrice a vécu un temps en fauteuil roulant avant de devenir footballeuse professionnelle. Aujourd’hui, joueuse à Nîmes métropole Gard, elle revient sur ce parcours semé d’embûches et sur sa participation à l'émission Koh-Lanta, pour son frère Jean-Pierre, amputé.
C’est loin de la vie des stars que Béatrice a grandi à Saint-Tropez (Var). Très tôt orpheline de père, sa maman l’élève seule avec ses deux frères et sa sœur aînés. Une enfance originale découpée entre six mois sur la Côte d’Azur pendant que sa maman fait les saisons et l’hiver au Burkina Faso, d’où sont originaires ses deux parents. Du côté paternel, elle est cousine avec Charles Kaboré, footballeur professionnel passé par l’Olympique de Marseille. Le foot est dans les gènes chez les Kaboré mais adolescente, l’intéressée était loin de s’imaginer taper un jour dans un ballon.
« Au Burkina, j’ai reçu un mauvais traitement et j’ai eu des problèmes d’articulations. J’étais condamnée à rester en fauteuil roulant », explique-t-elle. Mais un jour, elle sent qu’un muscle répond et va tout miser dessus. « Ça a pris beaucoup de temps mais, au fur et à mesure, j’ai retrouvé mes capacités. Le sport m’a sauvée. » La jeune fille ne veut pas laisser passer cette chance et devient une sportive invétérée et s’essaye à toutes les disciplines. Athlétisme, volley-ball, tennis… Béatrice taquine la balle jaune mais choisit de se tourner à 16 ans vers la balle ronde et intègre le club de Ramatuelle.
Un test chez les féminines du PSG
« Au début, j’ai dit à l’entraîneur que je ne voulais pas faire les matches pour ne pas les faire perdre. Au bout de trois mois, il m’a dit : tu vas faire les matches », explique Béatrice. Rapide et adroite, la jeune femme est douée et marque une trentaine de buts pour sa première saison. Mais la fragilité de son physique la rattrape à nouveau et elle est opérée à trois reprises des ligaments croisés en trois ans. À 20 ans, la Varoise est repérée et fait un essai chez les féminines du Paris-Saint-Germain.
Déterminée à tenter sa chance jusqu’au bout, Béatrice rejoint Juvisy (Essonne), un des principaux clubs français, mais c’est la saison suivante à Muret, en Haute-Garonne (2013/2014) qu’elle découvre la D1, l’échelon le plus élevé du foot féminin français. Une expérience compliquée malgré la chance de découvrir le haut niveau. « C’était compliqué financièrement », confie-t-elle. Cependant, la joueuse veut poursuivre sa carrière. Elle le fait en D2. Après un passage à Orvault (Loire-Atlantique), elle s’épanouit durant quatre saisons à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). En dehors du terrain, elle travaille comme styliste.
Son frère Jean-Pierre, amputé : « Petite sœur, tu vas m’aider à réaliser mes rêves »
La mode, sa deuxième passion. Elle n’hésite pas à poser devant l’objectif sur son compte Instagram où elle est suivie par 19 000 abonnés. « À Saint-Malo, il y avait de l’intérêt pour le club féminin, tout était carré », se souvient-elle. Malgré les douleurs après ses différentes opérations, elle enchaîne neuf saisons en D2. « Je me suis contentée de ce que j’avais. Je n’étais pas forcément à la recherche de la D1. J’étais déjà très reconnaissante d’être à ce niveau. »
Fin 2018, en parallèle de sa carrière, elle participe au jeu télévisé Koh-Lanta : la guerre des chefs. L’aventurière s’est inscrite pour représenter son frère, fan du jeu, amputé d’une jambe après un accident de moto. « Dès le lendemain, il m’a dit : "J’ai failli mourir, petite sœur tu vas m’aider à réaliser mes rêves." » Pour Jean-Pierre, elle s’inscrit et est retenue pour partir dans les îles Fidji. Cheffe de la tribu jaune, Béatrice sera éliminée après 22 jours mais remporte plusieurs épreuves dont toute la première, celle des poteaux. « J’étais connectée avec mon frère, quand je gagnais, j’avais l’impression que l’on était deux. »
« Avoir plus de considération, on mérite mieux »
Après un passage à Vendenheim (Bas-Rhin), l’attaquante débarque à Nîmes métropole Gard à l’été 2021 sur les conseils de Mathilde Bourgoin, une ancienne coéquipière. Mais elle joue peu. Son passage sur TF1 lui ouvre les portes de Canal + où elle officie comme consultante pour commenter les matches de D1 féminine et même de l’Euro 2022. Une activité qui lui plaît et qu’elle souhaite continuer aujourd’hui notamment localement tout en continuant à jouer. Avec le démarrage d’une nouvelle ère pour le FFNMG, marquée par l’arrivée du nouveau repreneur Nicolas Stevanovic, à 32 ans Béatrice veut s’investir encore dans le club gardois.
L’année dernière, elle avait posté des vidéos pour dénoncer le piteux état du terrain à l’annexe des Costières et avait rencontré l’adjoint aux Sports, Nicolas Rainville. « Je suis consciente des efforts de la Mairie. Mais on pourrait avoir plus de considération, on mérite mieux », assure-t-elle. Après un passage aux Costières, les filles s’entraînent désormais sur le terrain des Cheminots, « où on a reçu un très bon accueil » et jouent de nouveau à l’annexe. « On arrive en octobre, la pelouse commence à être catastrophique. » Malgré les coups durs de la vie, Béatrice garde le sourire et reste positive.
« Le mental c’est ma force ! Je tiens ce caractère de battante de ma mère. Même dans les moments compliqués, on peut toujours s’en sortir. Et je pense que cette double culture m’a beaucoup aidée. » La proximité avec le Var, lui permet d’être régulièrement en contact avec son frère. Après Koh-Lanta, la liste de rêves à accomplir est encore longue. Si permettre à Jean-Pierre de participer aux Jeux Paralympiques de Paris semble compromis, le prochain souhait semble plus réalisable. « Quand il aura sa prothèse, il veut faire la course contre Mbappé », sourit-elle.