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Publié il y a 6 mois - Mise à jour le 23.05.2024 - Gil Lorfèvre - 5 min  - vu 484 fois

FAIT DU JOUR La phytoépuration : et si le traitement des eaux usées passait par les plantes !

Clément Guigues devant un bac conçu pour accueillir les roseaux  et les plantes semi-aquatiques.

- Gil Lorfèvre

La société Natur’epure Aquateris à Martignargues développe avec succès depuis six ans ce procédé d’assainissement naturel.

Assainir de façon écologique, sans fosse ni vidange, les eaux usées d’une habitation non raccordée au tout-à-l’égout, voilà ce que propose depuis maintenant six ans la société Natur’epure, sous franchise Aquatiris, installée à Martignargues. Pour cela, elle développe, entre autres, un système de phytoépuration dans lequel les eaux usées sont traitées par filtres plantés de roseaux et de plantes semi aquatiques permettant de restituer les eaux épurées dans le milieu naturel, comme l’explique le responsable de la société, Clément Guigues : « Les racines de ces plantes prélèvent dans les eaux usées les nutriments nécessaires à leur croissance, ce qui a pour effet de filtrer et de nettoyer l’eau… mais attention, cela ne la rend pas pour autant potable. Cet écosystème permet surtout de traiter les nitrates, les phosphores et les métaux qui sont les principaux polluants. »

Sans odeur, ni eaux stagnantes

Ce dispositif agréé, qui nécessite pour chaque habitation la création à proximité d’un bassin - d’environ 15 m² pour 7 pièces - permettant d’accueillir les plantes épuratrices, remplace les systèmes d’assainissement non collectif, bénéficie d’une autonomie totale et ne requiert aucune vidange. Réalisés la plupart du temps à partir de grands bacs enterrés, ces bassins retiennent également les matières solides qui sont directement décomposées en compost sur place. « Il faut compter en moyenne 12 000 € pour une installation d’une maison abritant quatre à six personnes, précise Clément Guigues, paysagiste de formation et ancien Compagnon du devoir qui fut à tout juste 25 ans prévôt – autrement dit responsable – de la Maison des compagnons à Nîmes. Certes, le coût d’installation est légèrement plus élevé que celui d’une fosse septique ordinaire mais, sur le long terme, cet investissement est beaucoup plus rentable que n’importe quel autre système. »

Au-delà de son prix de revient, ce procédé se veut avant tout écologique car il est sans odeur, « c’est un bassin à ciel ouvert où il n’y a aucune fermentation », sans eau stagnante « donc pas de moustiques » et plutôt esthétique selon les aménagements choisis. De quoi attirer notamment une clientèle sensible à l’environnement et aux enjeux de l’eau. « Nous réalisons une soixantaine de chantiers par an. Près de 80 % d’entre eux sont des chantiers clé en main et 20 % sont des auto-constructions pour lesquelles nous vendons seulement le matériel et accompagnons, si nécessaire, la mise en place du système. »

Tourisme et agriculture

Depuis plusieurs mois, l’entreprise intervient sur de nombreux projets de rénovation d’habitats, « ceux-ci concernent le plus souvent des créations de gîtes ayant une fibre écotourisme ». Mais elle réalise également de gros chantiers tels que l’aménagement du parc de loisirs Aquaforest à Bagard. « C’est un système de l'équivalent de 115 habitants qui comprend un bassin de 200 m² dans lequel nous avons utilisé l’eau épurée pour la faire passer dans un système de goutte-à-goutte enterré qui au final arrose plus de 400 mètres linéaires de haies », explique le patron de Natur’epure Aquateris qui précise par ailleurs que l’eau traitée, au lieu de s’infiltrer dans le sol, est de plus en plus souvent revalorisée afin d’irriguer des massifs végétalisés, voire des arbres et des arbustes. Mais qu’en est-il de l’entretien d’un tel système ? « Il est identique à celui d’un jardin classique. Il suffit de procéder à la coupe une fois par an des roseaux et des herbacées. Quant au filtre végétalisé, son nettoyage s’effectue normalement tous les dix ans. »

Outre les particuliers et les professionnels du tourisme, la société gardoise travaille également avec des agriculteurs pour le traitement des effluents agricoles et agroalimentaires. « Nous avons recours à une solution rustique et durable qui consiste à utiliser des plaquettes de bois et des morceaux de lambris qui reproduisent les mécanismes épuratoires des zones humides naturelles. » Si elle est, entre autres, performante pour le traitement du lactosérum - plus connu sous le nom de petit-lait ! -, ce liquide de couleur jaunâtre qui reste après la coagulation du lait durant la fabrication du fromage et qui est très acide, cette solution, en revanche, ne peut être utilisée pour un volume d’effluents supérieur à 500 hectolitres. Une contrainte technique qui ne pénalise pas vraiment l’entreprise martignargoise comme le souligne Clément Guigues : « Il est vrai que pour l’instant notre clientèle est plutôt orientée vers des petites exploitations dirigées souvent par des néoruraux mais ça reste tout de même un secteur d’activité que nous souhaitons développer. »

Avec la fondation Luma à Arles

Actuellement, Natur’epure Aquateris emploie cinq salariés, dont la plupart sont membres des Compagnons du devoir, pour un chiffre d’affaires annuel de 600 000 €. « La période est économiquement un peu compliquée, avoue le jeune chef d’entreprise. Nous avons un début de saison poussif qui est dû en grande partie à la crise du Bâtiment et au ralentissement de la construction. Cependant, nous sommes confiants en l’avenir car nous proposons un produit qui correspond aux attentes environnementales et sociétales. »

Pour preuve, dans quelques semaines la société gardoise va démarrer un projet de réhabilitation de l’ancienne clinique Paoli à Arles devenue propriété de Maja Hoffmann, la présidente de la fondation Luma. Celui-ci a pour objectif de créer soixante-dix logements à destination des étudiants ainsi que des salariés saisonniers travaillant dans les différents établissements d’hôtellerie et de restauration de la fondation. « Nous avons prévu de mettre en place un système dans lequel les eaux ménagères seront traitées en phytoépuration pour repartir ensuite dans les canalisations et servir dans les toilettes et pour les lave-mains », explique Clément Guigues qui, après son implantation dans le Gard et l’Hérault, a bien l’intention d’étendre sa zone d’exploitation jusque dans les Bouches-du-Rhône en ouvrant prochainement une agence à Aix-en-Provence.

Le filtre à roseaux est intégré dans un mur de pierres sèches. • © DR

Réutiliser les eaux usées !

Phytoréut est en passe de devenir l’un des produits phares de l’entreprise. Il s’agit d’un système de valorisation des eaux usées pour le jardin. Celui-ci consiste à réutiliser les eaux usées de la maison (évier, lavabo, machine à laver, douche…), à l’exception des eaux provenant des WC, et de les faire passer à travers des matériaux filtrants que sont, entre autres, le gravier, le charbon de bois et des composants naturels afin de les débarrasser des principaux polluants, tout en conservant les qualités nutritives. « Ces eaux contiennent des nutriments, principalement du phosphore et de l’azote qui constituent une source non négligeable d’éléments nutritifs pour les végétaux. Le recyclage des eaux usées est donc possible pour de nouveaux usages comme l’irrigation des cultures et l’arrosage des espaces verts. » Ces eaux constituent ainsi une ressource intéressante tant écologiquement qu’économiquement surtout quand on sait qu’en France, en moyenne, il est utilisé 100 litres d’eau par jour et par habitant.

Gil Lorfèvre

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