FAIT DU JOUR Les agriculteurs gardois, bienfaiteurs du territoire
Magali Saumade, présidente de la Chambre d’agriculture du Gard, s’est rendue hier matin chez le céralier Cédric Santucci, puis chez l'arboriculteur Alexi Bois pour faire un point sur ces filières.
Au coeur de l'exploitation saint-gilloise de Cédric Santucci, Magali Saumade lance la discussion. En début d’été, les agriculteurs gardois sont en plein travail et quelques filières font parler d’elles. « Je voulais faire un point sur la situation car nous connaissons les difficultés rencontrées par ces filières mais les enjeux sont forts pour les maintenir sur le territoire. Pour la filière des grandes cultures céréalières on peut envisager de créer une filière farine car nous nous sommes rendu compte, pendant la Covid, qu’il fallait approvisionner les Gardois. »
Cédric Santucci, vice-président de la Chambre d’agriculture du Gard, exploite 150 hectares du côté de Saint-Gilles. « Jusqu’en 2020 je ne faisais que du riz mais nous avons été obligé de nous diversifier à cause du retrait imposé pour certaines molécules. Je suis sur le territoire camarguais pur et dur, une terre basse, vite salée et hydromorphe en hiver. »
Changements en vue
Avec un rendement de 4,5 tonnes par hectares, cette année ses plantations de blé dur ne seront même pas rentables. « C’est l’effet ciseaux ! Les prix ont baissé alors que nous avons fertilisé à l’azote dont le coût était très élevé. Il y a aussi le GNR (essence) que nous avons parfois payé 2 euros le litre et quand on sait qu’un tracteur fait du 200 litres par jour… »
Comme Magali Saumade l’espère, passer du fioul au GNR est une bonne chose, beaucoup d’agriculteurs l’ont fait. Seulement, il y a toujours un mais. « Il va bientôt falloir basculer sur autre chose car en 2030 le GNR sera détaxé… On nous donne des objectifs mais pas les moyens. Il faut accompagner tous ces changements sinon les installations seront toutes fragilisées. »
Pour revenir au blé dur, si on comptait 21 500 hectares en 2000, nous sommes passés aux 8 000 hectares l’année dernières. Les jachères, elles, ne cessent d’augmenter. Et le colza ? Pour Cédric Santucci qui espère une récolte de 2,9 tonnes par hectare malgré la grêle, les chiffres ne sont guère meilleurs. « J’ai planté 66 hectares de colza car il est compliqué de passer du riz à une autre culture directement. Là, j’essaie une nouvelle méthode en semant le colza par drone quand nous asséchons les rizières. C’est pas mal et on voit que cette année on a passé la barre des 1 000 hectares de colza en Camargue. »
En réalité, c’est un changement radical qui se profile en Camargue, terre de riz. En cinq ans, les rizières ont vu leur emprise sur le territoire baisser de 50 % en France. « On est passés de 20 000 à 10 000 hectares cultivés alors que nous pourrions facilement couvrir 40 % de la consommation des Français. Ce n’est pas l’Europe qui a voulu ça… C’est la France qui lave plus blanc que blanc alors on s’adapte. Je vais remettre 40 hectares en rotation longue car le consommateur veut de plus en plus de riz IGP de Camargue mais nous ne pouvons pas le fournir. »
Relancer la filière farine
Pour Thierry Pianetti : « Le blé dur est une culture traditionnelle dans la région mais la saison sera moyenne. Il fut un temps où nous produisions 80 000 tonnes de blé dur, nous serons à moins de 30 000 cette année. » Comme si cela ne suffisait pas, les agriculteurs doivent aussi se confronter à l’augmentation de 7 % de leur taxe sur le foncier non bâti. « Une hausse qui ne rentre même pas dans les comptes des Chambres d’agriculture », regrette la présidente Saumade. Pourtant, le Gard est façonné par l’agriculture, comme la France de manière générale.
La filière farine pourrait aider le secteur sinistré. Encore faut-il que les collectivités, par exemple, jouent le jeu. « Le blé dur sert à faire de la semoule pour le taboulé ou les pâtes. Le blé tendre, lui, sert à la farine, à la biscuiterie et à l’animalerie. On sait faire du blé et le projet de souveraineté alimentaire est intéressant mais nous n’avons pas de moulin dans le Gard… Il y a plus de 68 000 hectares de terres arables dans le département, on peut produire plus, surtout quand on sait qu’une baguette locale avec une farine locale plairait aux consommateurs ! » Cela permettrait aussi de limiter de 8 à 10 % les friches. Mais l’autre problème c’est le prix d’une telle baguette.
« Actuellement, le prix de la céréale représente environ 7 % du prix d’une baguette. On a la volonté de créer cette filière mais il faut qu’elle soit rémunératrice pour les agriculteurs et que les consommateurs ne doivent pas dépenser beaucoup plus d’argent. Quelques centimes oui, mais pas plus en tout cas », avoue David Sève, président de la FDSEA.
Si cette filière voit le jour c’est par le biais du pole métropolitain Alès/Nîmes. C’est ambitieux, une étude doit bientôt être finalisée et les résultats devraient donc bientôt tomber. La filière des légumineuses peut elle aussi, même si plus spécifique, sauver quelques meubles.
Pêches, nectarines, abricots ou kiwi ?
Passons à l’arboriculture chez Alexi Bois, gérant du Fruit d’Henri. Henri, c’était son grand-père, le propriétaire du vaste (plus de 1 000 hectares) domaine d’Estagel. Alexi produit sur 100 hectares. Quatre de kiwis, intéressants pour lui mais une infime quantité pour l’instant. Le reste de la propriété est occupé par, grosso modo, 48 % de pêches et nectarines et de 48 % d’abricots. Après un bac éco et un BTS commerce international, le jeune part voir le monde et revient pour s’installer.
« J’ai repris l’exploitation en 2011 quand mon grand-père a cessé son activité. J’ai commencé avec mon père qui vendait alors ma production mais il va partir à la retraite alors un ami d’enfance va le remplacer. »
La production actuelle est d’environ 2 500 tonnes car Alexi Bois plante beaucoup. Forcément, un arbre met du temps à grandir et à donner ses premiers fruits mais dans l’idée, le but pour l’arboriculteur sera de passer à 70 % de pêches et nectarines pour 30 % d’abricots. Les abricots, actuellement, n’ont plus le vent en poupe.
« Là, encore trois jours de vente comme ça et on jette tout… Il y a une baisse de la consommation d’abricot car la qualité n’est pas au rendez-vous. Les émeutes ont fait du mal à Rungis et aux commerçants qui ne commandaient plus parce qu’ils fermaient leur magasin. La nectarine est un fruit moins planté car plus technique à cultiver. C’est un peu plus risqué mais ces goûts sont appréciés », confirme Alexi.
Pour lui, la situation d’un agriculteur est surtout l’image que l’on renvoie de lui. « J’ai besoin d’un salarié par hectare durant le pic de la saison. J’emploie donc 105 personnes. À l’année ça doit faire 30 équivalents temps plein. De plus, sur 100 hectares je capte énormément de carbone grâce à nos arbres. Imaginez un peu, je plante entre 15 et 30 hectares par an et sur un hectare je mets 600 arbres ! »
Comment faire une agriculture plus vertueuse ? Franchement ça va être difficile. Et nous ne parlons même pas de l’entretien de dizaines d’hectares qui, sans ce genre de personne, partiraient en fumée chaque année. Cependant, le coût de revient est d’1,9 euro le kilo pour les abricots du Fruit d’Henri. Actuellement, c’est chaud. Le kiwi, lui, coûte quatre fois plus cher à planter que les pêches ou nectarines mais sa culture demande, dans notre région, un abri, une serre. « Avant de cueillir un fruit, j’ai investi environ 7 000 euros par hectares et les arbres produisent au bout de trois, quatre ou cinq ans », conclut le jeune chef d’entreprise de 34 ans. Nous pouvons et devons nous enorgueillir de nos agriculteurs gardois !
Mardi 11 juillet aura lieu une conférence sur « Quelle viticulture demain dans le Gard ? » à 15h30 à Rodilhan (lycée agricole). Quels viticulteurs ? Quels vins ? Quel vignoble ? Comment s’adapter aux aléas climatiques, au contexte économique, aux nouvelles attentes sociétales ? Grâce à l’intervention de spécialistes viticoles et à des temps d’échanges, nous débattrons et nous tenterons de proposer des solutions pour maintenir des exploitations viables et durables.