FAIT DU JOUR Vincent Bouget ouvre la voie de 2026 : « Moi, j’ai toujours parlé avec tout le monde »
Mercredi dernier, autour d’un café, Vincent Bouget, vice-président au conseil départemental du Gard, élu d’opposition à la Ville et à l’Agglomération de Nîmes, a accepté de se confier sans retenue pendant près d’une heure sur l’actualité nationale et locale. L’occasion aussi de dévoiler les premières lignes d’un programme municipal en 2026.
La banalisation de l’extrême-Droite
« Ils ont micro ouvert dans les médias, dans la rue quelques fois où ils suscitent de la curiosité, voire de l’approbation. Je trouve dangereux que dans le débat public, les sujets autour du rejet, de la division du peuple, de l’affrontement de civilisation, trouvent un écho. Dans certains pays, pas partout heureusement, l’extrême-Droite progresse. Une à une des barrières sautent. Certains polissent leur image, mais le fond, c’est la même chose. L’extrême-Droite ce n’est pas qu’une histoire, c’est aussi un présent. Dans les manifestations, dans les rues, les ratonades organisées. Je suis stupéfait que certains médias continuent à inviter des gens condamnés pour incitation à la haine raciale, condamnés par la justice. Comme si de rien n’était.
La société est de plus en plus fracturée. Ce qui explique la montée de l’extrême-Droite aujourd’hui en France. Il y a aussi la crainte, le désespoir, le sentiment de déclassement. Il faut chercher un bouc émissaire et c’est l’immigré, l’étranger. Alors, une partie des électeurs pense qu’il faudrait une personnalité forte pour mettre de l’ordre. Mais quand on réfléchit, les blocages de la société française ne sont pas de la faute des immigrés. Au contraire, ils participent à la richesse de ce pays. D’ailleurs, au Rassemblement national ou à Reconquête, on ne pointe pas tous les immigrés. Ceux qui viennent d’Europe du Nord ou d’outre-Atlantique ne sont jamais stigmatisés. Par contre, ceux qui n’ont pas la même couleur de peau, les plus pauvres ou ceux qui sont les plus en difficultés sont pointés du doigt. »
La responsabilité de la Gauche
« En France, on ne se projette pas suffisamment sur un avenir de bonheur. Et la Gauche peine à trouver ce récit collectif. L’avenir doit être le progrès en commun. Il faut construire de façon positive pour tout le monde. Probablement que l’échec de la Gauche de 2012 à 2017 pèse encore sur les consciences. Renforcé par les stratégies politiques à Gauche notamment chez certains, de chercher le clivage, d’utiliser le populisme avec toujours une volonté d’affrontement. J’ai clairement des désaccords avec Jean-Luc Mélenchon. Mais il n’est pas le danger en France. C’est davantage Zemmour et Le Pen. On sait ce que donne l’extrême-Droite, partout dans le monde. On voit qu’elle n’apporte aucun progrès, divise et fracture. La Gauche doit donc recréer un récit d’émancipation apaisé. Ensemble et sans clivage inutile. On a besoin de sortir de cette atmosphère. Qu’est-ce que la Gauche peut faire ? En matière de solidarité, de partage de pouvoir, de démocratie, de transition écologique, beaucoup de choses. Et déjà dans la société, déconnectés de la politique, certains groupes de personnes donnent l’exemple. Dans les villes, dans les campagnes, des expériences de partage, de vie en commun, d’initiatives nouvelles de solidarité, sans domination économique émergent, montrent leur qualité et fonctionnent dans le temps. »
L’action de Jean-Paul Fournier et de sa majorité
« La mairie de Droite à Nîmes, qui mène une politique de Droite depuis trop longtemps, cherche à dépolitiser les enjeux. Or, ici à Nîmes, la majorité municipale ne valorise pas le bien commun, oppose quelques fois les gens, n’a pas de considération pour les plus fragiles et privatise beaucoup de choses. Nous, dans l’opposition, on rencontre beaucoup de gens. On a beaucoup de sujets sur lesquels on peut penser, réfléchir et proposer. Et en même temps, il y a beaucoup de frustration quand on a en face de nous une gestion d’une autre époque. Sectaire, disons-le, et qui arrive en fin de cycle. On a du mal à voir où sont prises les décisions, dans une majorité divisée. Le débat démocratique n’est donc pas très riche y compris avec la population. Pour l’équipe municipale, pas tout le temps, mais souvent, la population c’est plus un adversaire, une perte de temps plus qu’une richesse avec qui on veut coconstruire l’avenir.
Aujourd’hui, on a quelqu’un qui décide, quelquefois, on ne sait pas vraiment qui ? Et puis, ils finissent par prendre la décision, même si cela ne s’applique pas vraiment bien aux habitants.
Comme cette équipe est là depuis très longtemps, on a le sentiment que les Nîmois pensent que c’est comme cela que l’on gère une ville moyenne, que c’est la normalité. Il faut montrer que l’on peut faire autrement. Qu’il y a plein d’autres villes en France où l’on fait autrement et que cela ne se passe pas plus mal. C’est même mieux ! »
La perspective du pouvoir en 2026…
« S’emparer d’un pouvoir local, pourquoi pas ? Mais il ne faudra jamais le déconnecter de l’enjeu global. Car des freins, des barrières existent et sans l’échelle nationale, européenne ou internationale, tout n’est pas possible.
Un des axes de travail à creuser pour nous à Gauche, c’est la gestion plus partagée du pouvoir. Sans craindre le débat, la démocratie, les avis différents et en intégrant les habitants. Pas comme aujourd’hui, où l’on considère les citoyens de cette ville en fonction de leur porte-monnaie, du "mundillo". Ce n’est pas acceptable. Globalement, notre constat de 2020 était assez juste : on fait la ville sans se préoccuper de la majeure partie des habitants. C’est secondaire dans les décisions. On le voit sur la question des transports, de l’ANRU, des médecins à Pissevin. Pas sûr qu’ils (les élus de la majorité, NDLR) prennent le bus, qu’ils montent souvent à Pissevin. »
La peur de l’arrivée des communistes à la tête de la ville de Nîmes en 2026 ?
« Ça relève du fantasme et du cliché. Moi, j’ai toujours parlé avec tout le monde. Je voudrais rappeler que des communistes dirigent déjà des villes en France. Montreuil par exemple, une ville populaire, comme Nîmes. Rassurez-vous, le développement économique et urbain existe. Mais pas sans oublier la responsabilité environnementale qui va de pair. »
Les premières pages d’un programme municipal ?
Transport gratuit comme à Montpellier ?
« Quand on dit que la gratuité des transports coûte toujours à quelqu’un, bien sûr. Tous les services publics coûtent aux habitants. L’école est gratuite, l’éclairage public est gratuit aussi. Là-dessus, on a des perspectives opposées à la Droite nîmoise. Même si la gratuité ne fait pas tout, si l’on veut transformer la ville en faisant sortir les voitures du centre-ville, il faut des transports gratuits et bien desservis. »
La valorisation de l’inscription Unesco de la Maison Carrée ?
« Je reproche à la majorité municipale de très peu penser à la ville qu’il faut construire dès maintenant pour demain. On est sur des vieux modèles d’attractivité, de tourisme. L’Unesco par exemple, ce n’est pas pour les touristes mais pour protéger les biens. Il faut donc profiter de cette belle disinction pour créer du lien avec la population locale, avec la jeunesse. Il est important d’insuffler un sentiment d’appartenance à une communauté locale. Et travailler la recherche. On devrait aussi sortir la Maison Carrée de la délégation de service public des monuments romains. Nous, on est contre la globalité de cette DSP mais a minima elle devrait être sous responsabilité publique. Et on pourrait avoir à côté de la Maison Carrée, un espace dédié à l’Unesco qui travaille en direction des écoles, de la jeunesse. »
L’économie à Nîmes demain ?
« On a un besoin d’une économie productive et pas seulement tournée vers le tourisme. Parce que l’on sait que c’est fragile, le covid l’a montré. Sachant qu’il faudra avoir une réflexion sur un tourisme maîtrisé mais pas un tourisme de masse dans les prochaines années.[...] Franchement, s’il y avait eu un développement économique exceptionnel de la ville depuis 20 ans, on le saurait ! Ce n’est pas un communiste à la tête de l’Agglo aujourd’hui, non ? Et pourtant, je n’ai pas l’impression que l’on attire beaucoup d’entreprises sur Magna Porta… Ce n’est pas une question d’étiquette ou de couleur politique. Moi, j’aime l’économie, c’est la vie, le travail. Une part extrêmement importante dans la vie de chacun.
Je trouve que dans cette ville nous avons beaucoup d’atouts, de compétences, de savoirs, mais on passe à côté par un manque de soutien. La question de l’enseignement supérieur est essentielle. Ce n’est pas au niveau aujourd’hui. On n’a pas une ville qui est faite pour les jeunes. On devrait investir beaucoup dans la jeunesse étudiante et celle qui travaille. On a besoin de faire travailler les gens qui vivent dans cette ville.
Les entreprises viendront et se développeront si elles ont le sentiment que l’on vit bien dans cette ville. On parle de foncier économique. C’est vrai. Mais il n’empêche que les entreprises ne viendront pas s’il n’y a pas un bon réseau de transport en commun, s’il n’y a pas un système éducatif public performant, d'installations sportives, un conservatoire dynamique. »
La gestion du futur palais des congrès ?
« Le modèle économique des palais des congrès est compliqué. Il y en a très peu qui sont rentables. J’espère que cela ne viendra pas peser sur les finances de la Ville demain. Aujourd’hui, en matière de gestion, on ne comprend plus rien. La SPL Culture et Patrimoine gère déjà le Musée de la romanité. Dans le même temps, on apprend que c’est l’office de tourisme, donc Agate, qui va gérer les réservations des salles du palais des congrès et du Musée de la romanité. C’est quoi le lien entre les deux ? C’est une DSP qui gère les monuments romains et une autre SPL qui gère le musée. On est dans une gestion incompréhensible. Un équipement qui vaut 60 millions qui engage donc l’avenir. On aimerait que ce soit plus clair. »
L’avenir du sport à Nîmes ?
« Le sport, comme la culture, participe au lien social, à la bonne santé physique et mentale de la population. À son développement économique aussi. On a un manque d’infrastructures à Nîmes car cela n’a pas été considéré depuis 20 ans. Il y a ici et là des terrains faits ou des gymnases rénovés mais ce n’est pas au niveau. La piscine Fenouillet est fermée depuis un an. On a toute une partie de la jeunesse nîmoise qui va peiner à savoir nager. C’est un vrai problème.
Quand on fait le palais des congrès, c’est un choix politique. Mais derrière, on ne peut pas rénover le stade des Costières, construire une nouvelle piscine, des plateaux sportifs, des gymnases, etc. Et même des équipements de proximité, des salles municipales où il peut y avoir des activités de comités de quartier. Ici un cours de théâtre, là un soutien scolaire. Il y a des quartiers où il n’y a aucun équipement. Et cela manque dans le quotidien des gens.
Si le handball est plus pratiqué ici à Nîmes plus qu’ailleurs, c’est que l’USAM Nîmes Gard est un club d’élite. Une locomotive pour entraîner la population à pratiquer du sport. Je regrette donc que la rénovation du Parnasse soit passée à la trappe. C’est une priorité pour les prochaines années. »
Conclusions politiques…
« On a besoin de penser une politique sportive. Comme dans d’autres domaines. Cette équipe municipale fait du coup par coup. Et on a besoin de penser la ville de demain. Aujourd’hui on est encore sur le modèle de Jean Bousquet dans les années 1980. Il est à bout de souffle ; y compris sur le logement ou l’aménagement du territoire. Il faut un nouveau modèle de ville, où tout le monde doit trouver sa place : les partenaires économiques comme les habitants qui ont plus de fragilité. »