LE DOSSIER Immobilier : que sont devenus les biens mis en vente par le Département ?
Suite et fin de notre dossier sur l'immobilier. Ce dernier volet aborde les biens mis en vente par le Département.
Retour en arrière. 2016, Denis Bouad, président du Conseil départemental du Gard fait passer au scanner le patrimoine et les finances du Département. Le résultat des audits est édifiant. Le Département possède cinquante bâtiments à Nîmes. Mais il loue aussi 20 bâtiments. Il paie plus de 3 M€ de loyer par an charges comprises. Or un autre audit effectué par le cabinet Ressources consultants finances, démontre qu’il est urgent de faire la chasse au gaspillage. L'annuité de la dette du Département progresse depuis 2011. Les dotations de l'État diminuent alors que les dépenses de solidarité sont en progression sensible.
Action-réaction. Le Département fait le ménage dans ses propriétés. En 2019, l’immeuble Chantignoles, situé derrière le tribunal administratif, estimé à 1,8 M€ par les domaines, est vendu 1,6 M€ à l’État. L’ancien collège Bigot, fermé suite à la construction du collège de Bellegarde, sera vendu à STS pour 2,3 M€. Un immeuble de bureaux qui abritait notamment l’aide sociale à l’enfance rue Villeperdrix est cédé 2,9 M€ aux promoteurs Tissot et GGL. L’hôtel Carénou est vendu à un particulier.
Le Département ne cède pas seulement des bâtiments. En 2018, un promoteur immobilier nîmois, Clément Guez, qui gère la société immobilière SFPI, signe un compromis d’achat pour le parc Meynier de Salinelles, paradis des écureuils dans le quartier Gambetta. Le prix d’achat est de 2,5 M€. Mais il y a une condition suspensive : il n'achètera ce parc de 7 500 m2 uniquement s'il obtient un permis de construire. Son projet : édifier trente et un logements répartis sur trois immeubles de deux niveaux. Le parc n'est pas classé, mais il est dans le périmètre protégé de la tour Magne. L’architecte des bâtiments de France juge le projet trop dense. En septembre 2020, le tribunal administratif, saisi notamment par le comité de quartier Gambetta, estime que l’on ne peut pas construire dans le parc. Aujourd’hui, le Département dirigé par Françoise Laurent-Perrigot n’envisage plus du tout de le vendre. Au contraire, il mène des travaux d’aménagement pour pouvoir l’ouvrir au public cet été.
Focus
Un amoureux du patrimoine à l’hôtel Carénou
Il a horreur des cubes. Oui, Serge Lantin déteste les cubes de béton qui poussent à la place des immeubles anciens. C’est pour cela que ce conducteur de bus a racheté l’hôtel Carénou au Département en 2020. « On a réussi à empêcher la démolition des archives départementales qui ont été transformées en appartements, se souvient ce Nîmois. On n'avait qu’une peur sur Carénou, c’est que quelqu’un colle un cube de béton dans le jardin ». Serge Lantin est intarissable dès que l’on prononce le mot patrimoine. Ce syndicaliste peut parler pendant des heures de ses batailles pour sauver les trésors nîmois. Il évoque bien sûr la victoire obtenue aux archives rue des Chassaintes en 2015, mais aussi le combat perdu pour préserver la maison art déco du boulevard Jean-Jaurès en 2021. Quand il revient sur la destruction de l’hôtel Colomb de Daunant, sa voix contient difficilement son amertume. Il s’était bagarré des années pour que l’hôtel soit protégé. Il a été inscrit mais pas classé Monument historique. De toute façon, le permis de démolition avait déjà été délivré. L’hôtel particulier est démoli en 2013 et remplacé par une construction très contemporaine.
Bains romains
L’hôtel Carénou n’est pas classé. Il a été construit en 1891, entre les rues Bernard-Aton et Briçonnet, tout près du conseil général. Pendant des années, il abrite des services du Département ainsi que l'appartement de fonction du président. Denis Bouad, qui ne l’utilise pas, choisit de mettre l’immeuble en vente. En février 2019, le Conseil départemental vote la vente de cet hôtel particulier à un trio formé par le communicant Olivier Jalaguier, l’architecte Nathalie d'Artigues et l’expert immobilier Jacques Gaudibert. Ils l’achètent 1,8 M€ dans le but de le transformer en hôtel de luxe. Les 15 chambres, les 5 suites et les bains romains ne verront pas le jour. Le Département remet le bien en vente. Lors de l’été 2020, Serge Lantin l’acquiert pour 1,7 M€. « Les planètes étaient alignées. J’ai pu l’acheter en vendant la maison de ma mère et une autre maison », explique-t-il.
Il n’y emménagera pas de bains romains. « On n’a rien fait d’original. On l’a divisé en lots. C’est un lieu resté quasi-identique à ce qu’il était. Ce n’est pas un palace », reconnaît le nouveau propriétaire. Il a réhabilité ce qui méritait de l’être comme les trois appartements du second étage. Il loge avec sa famille au premier dans l’ancien appartement de fonction. Cet étage comporte aussi un bureau. Le rez-de-chaussée est scindé en deux bureaux : un de 55 m2 et un autre de 135 m2. Cet immense espace a été loué pendant 15 mois à un fin connaisseur des lieux. « On a signé la vente juste avant que Denis Bouad ne se présente aux sénatoriales, explique Serge Lantin. Quand il a été élu, il a d’abord installé sa permanence dans celle qu’occupait Simon Sutour, mais elle était en mauvais état et il m’a demandé si je n’avais pas un bureau à lui louer ».
L’État veut diminuer d’un quart les surfaces occupées par l’administration
Quel est le point commun entre l’espace de loisir des terres de Rouvière et l’observatoire météo de l’Aigoual ? Ces deux propriétés ont été vendues par l’État.
L’État va-t-il mettre de nombreux biens immobiliers en vente ? C’est ce que laissent supposer Bruno le Maire et Thomas Cazenave. Le ministre de l’Économie, et le ministre délégué aux Comptes publics ont déclaré à La Tribune Dimanche, le 19 novembre, qu’ils souhaitaient "réduire de 25 % les surfaces occupées par l’administration". Thomas Cazenave considère que « c’est un vrai levier de sobriété, notamment compte tenu des nouvelles formes de travail ». Il explique que « le ratio des surfaces par agent public est aujourd'hui de 24 mètres carrés », un chiffre qui serait « très supérieur à celui du privé ». Il souhaiterait « le ramener à 16 mètres carrés ».
Cette rationalisation de l’espace de bureaux va bientôt être amorcée dans le Gard. Des locaux d’environ 400 m2 de l’ancienne paierie départementale situés boulevard Talabot à Nîmes devraient prochainement être mis en vente. Les agents qui y travaillaient ont été transférés sur le site des finances publiques de Saintenac.
Une quarantaine de cessions en 5 ans
L’État vend régulièrement le patrimoine dont il n’a plus l’usage. « Il y a eu une quarantaine de cessions depuis 2018 », décompte Christine Maheux, qui encadre le service des domaines à la Direction départementale des finances publiques (DDFIP) et la politique immobilière de l’État dans le Gard. Une fois que les biens sont évalués par les domaines, l’État les propose d’abord en priorité aux communes. Saint-Gilles a ainsi racheté un certain nombre de parcelles que l’État avait acquises pour un projet de contournement qui ne s’est pas fait. Les parcelles restantes ont été vendues à une quinzaine d’agriculteurs. Si à Beaucaire, c’est la commune qui est devenue propriétaire du commissariat de police, la gendarmerie de Saint-Hippolyte-du-fort appartient désormais à un privé. La ville de Nîmes a racheté quant à elle pour 1 M€ les terres de Rouvière. Ce site militaire a été dépollué avant d’être transformé en espace de loisirs. La Communauté de communes Causses-Aigoual-Cévennes a acquis pour 200 000 € l’ancien observatoire météorologique du Mont-Aigoual. Baptisé le Climatographe, il a été transformé en centre d’interprétation et de sensibilisation au changement climatique.