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Publié il y a 1 mois - Mise à jour le 15.10.2024 - Sabrina Ranvier - 6 min  - vu 135 fois

LE DOSSIER Le combat de la sécurité : parents/écoles, le ton monte

Le lycée Albert-Camus compte une dizaine de caméras. Elles surveillent les entrées et les circulations extérieures. 

- Sabrina Ranvier

Le 5 juillet, une directrice déclenche son alarme intrusion car une mère d’élève la menace de mort. Véronique Gardeur-Bancel, élue à la ville de Nîmes, se mobilise contre la hausse de l’agressivité des parents.

Véronique Gardeur-Bancel, adjointe en charge de l'Éducation à la ville de Nîmes. • Sabrina Ranvier

Chaque école nîmoise possède une alarme intrusion directement reliée aux forces de l’ordre. La directrice d’une école de l’Écusson nîmois déclenche la sienne à 9h45 le 5 juillet, dernier jour de l’année. Une mère de famille de 34 ans l’insulte et la menace de mort. Les policiers se rendent sur les lieux et placent cette maman en garde à vue. Elle est jugée avec la procédure simplifiée d’ordonnance pénale* et relâchée. « On a changé l’enfant d’école. C’est lui qui est puni car finalement il a perdu ses petits camarades », analyse Véronique Gardeur-Bancel. Adjointe en charge de l’Éducation depuis 2017, elle constate que les menaces et autres comportements agressifs grimpent. « Les gens arrivent en retard et gueulent sur les agents de la ville, observe-t-elle. Je ne veux plus que l’on excuse les familles qui ont un comportement qui n’est pas en phase avec l’école. Ce n’est pas acceptable, ni pour la sphère éducative ni pour les enfants qui ont besoin d’une école apaisée ».

Le phénomène est national. Le rapport des médiateurs de l’Éducation nationale, publié en juin, pointe « une recrudescence des comportements agressifs et des situations d’affrontement, non seulement entre élèves, mais aussi envers les personnels, de la part des élèves ou de leurs familles ». Il précise que l’usage des réseaux sociaux contribue fortement à amplifier ce phénomène.

Les collèges et lycées n’échappent pas à cette impulsivité. « Il y a une hausse de l’agressivité de certains parents. Il y a un climat général beaucoup plus tendu, anxiogène, agressif », confirme Christophe Sanchez, secrétaire départemental du syndicat de chefs d’établissement SNEPDEN-UNSA. Selon lui, les personnes qui adoptent ces comportements peuvent être des personnes qui n’ont pas « les codes », des « personnes en mal-être ». Mais, selon lui, ce phénomène peut aussi s’expliquer par « une société où le collectif n’a plus de sens et où les logiques individuelles l’emportent ».

Que faire ? la ville de Nîmes donnera systématiquement des suites aux comportements pouvant porter atteinte à l'école et à ceux qui la font vivre. Mais elle s’engage aussi à dialoguer avec les parents d'élèves élus pour développer un rapport de confiance. « Il faut que l’on soit très cohérent. Il faut que dès les premiers débordements, il y ait une réponse immédiate et exemplaire mais proportionnée », résume Véronique Gardeur-Bancel. Elle aimerait formaliser cela dans un protocole avec la Direction départementale de l’éducation nationale et le parquet. Tous deux ont déjà signé une convention l’hiver dernier. « Nous sommes évidemment favorables à mettre les agents des écoles dans ce protocole, assure Sophie Béjean. Nous avons une culture du signalement et de l’alerte. Tout fait doit être signalé ».

*procédure simplifiée avec un juge unique et sans audience.

Un nouveau service de défense et de sécurité académique

Le 5 septembre, quelques jours après l’attentat contre la synagogue de la Grande-Motte, la rectrice Sophie Béjean présente un plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Il prévoit notamment de renforcer la vigilance sur la sécurité dans les établissements scolaires, en lien avec les préfets et les forces de l’ordre. « C’est une orientation qui s’inscrit dans la durée », indique la rectrice. Pour gagner en efficacité, un service de défense et de sécurité académique va être lancé. Les premières réunions ont déjà eu lieu. Il fonctionne sous l’autorité du directeur de cabinet de la rectrice. L’académie possède déjà des services dédiés à la sécurité. Elle peut compter sur une équipe mobile académique de sécurité (EMAS) forte d’une vingtaine de personnes. Souvent formée par d’anciens gendarmes ou policiers, cette EMAS fait de la prévention, de la formation et des interventions sur le terrain.

Un conseiller prévention et un conseiller sécurité numérique travaillent directement auprès de la rectrice. Un poste de coordinatrice académique sur la lutte contre le harcèlement a été créé cette année. La mission du nouveau service de défense et de sécurité académique va être de structurer et coordonner les actions des différents services. « Il va s’assurer que la chaîne d’alerte fonctionne bien », note la rectrice. Il aura quatre coordinations : prévention-sûreté, sécurité, dérives sectaires-séparatisme, cybersécurité et numérique.

Sophie Béjean, la rectrice, précise que chaque établissement scolaire a un plan de prévention et de mise en sécurité. Toutes les classes doivent faire chaque année des exercices de confinement et d'évacuation.  • Sabrina Ranvier

Souriez, vous êtes filmés

Le Département va installer un système de vidéoprotection pour filmer les entrées des collèges. Une quinzaine d’établissements se sont déjà équipés. Le recordman possède 56 caméras.

Une dizaine d’établissements équipés dès cette année, la totalité d’ici 4 ou 5 ans. Des caméras de vidéoprotection vont être installées aux entrées des collèges gardois. L’annonce a été faite par Nathalie Nury, vice-présidente du Conseil départemental, peu avant la rentrée. « C’est une demande des établissements qui existe depuis plusieurs années, on a toujours botté en touche », admet l’élue. L’assassinat d’un professeur, dans son lycée d’Arras le 13 octobre 2023, change la donne. Mais ces caméras financées par le Département ne filmeront ni l’espace public devant les établissements, ni l’intérieur des collèges. « Je suis contre les caméras dans les couloirs. C’est à l’Éducation nationale de mettre des surveillants pour les surveiller », tranche-t-elle.

664, c’est le nombre de caméras installées dans les espaces publics de la ville de Nîmes. Lycées Raimu ou Camus, école Semard, collège Rostand… Certaines sont placées à proximité d’établissements scolaires. • Sabrina Ranvier

Une quinzaine de collèges déjà dotés

15 collèges publics gardois sur 27 possèdent déjà un système de vidéoprotection. Quatre établissements ont installé des « vidéo sur portails ». D’autres ont placé une ou deux caméras. Mais trois collèges explosent les compteurs avec au moins 40 caméras. Le recordman grimpe à 56. Les deux autres en ont respectivement 50 et 40. Ces collèges très équipés ont des profils divers : un est en zone urbaine sensible, l’autre dans un centre-ville historique et le dernier dans une commune très résidentielle.

Mais pourquoi certains établissements ont énormément de caméras et d’autres pas ? Du côté du Département, on précise que ce sont parfois, les études de sécurité menées dans le cadre des demandes de permis de construire qui prescrivent l’installation des caméras. Mais, la plupart du temps, c’est le collège lui-même qui choisit de s’équiper de caméras.

Feuchères équipé depuis 2016

Le collège nîmois Feuchères a étrenné les siennes à la rentrée 2016. La proposition avait été faite en conseil d’administration par le principal. « Évidemment cela a beaucoup été discuté », se souvient Martine Muraciole-Aziza. Cette enseignante, aujourd’hui retraitée, était élue au conseil d’administration. Feuchères fait à l’époque face à du vandalisme, à des déclenchements intempestifs d’alarmes incendie, à des dégradations. Elle se souvient par exemple que « des élèves déféquaient dans les couloirs ». Le collège, qui a accueilli jusqu’à plus de 950 élèves, comporte sept bâtiments. Sa cour est en forme de U. « Le collège est très grand, l’éclatement géographique des bâtiments fait que s’il n’y a pas un nombre satisfaisant de surveillants, ce n’est pas gérable », reconnaît Martine Muraciole-Aziza. Après le feu vert du conseil d’administration, une démarche est faite auprès de la préfecture, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.

Les caméras filment les lieux de passage, pas les classes. Cet équipement n’a pas été financé par le Département mais sur les fonds propres de l’établissement. « Les deux premières années, la question des caméras est revenue en conseil d’administration. C’était tendu », se souvient Sébastien Rodier, enseignant et représentant de la CFDT, arrivé au collège en 2017. Il l’admet, quand il y a un souci avec un élève, elles permettent de vérifier ce qui s’est passé, si c’est accidentel. « Les parents de la personne incriminée voient la vidéo dans le bureau du chef d’établissement. On ne peut pas la diffuser mais elle est évoquée en conseil de discipline », complète Martine Muraciole-Aziza. « C’est utile a posteriori mais pas sur le moment, ajoute Sébastien Rodier. Si on avait davantage de surveillants, on pourrait prévenir… Nous avons 13 surveillants, c’est-à-dire en moyenne 7 par jour ».

Quand on l’interroge sur l’usage général des caméras, Sophie Béjean précise que « l’on ne peut pas mettre un surveillant à chaque coin de couloir » et assure vigoureusement que « les caméras ne sont pas du tout installées pour remplacer les surveillants qui ont un rôle éducatif ». Au collège des Oliviers, la question de l’installation des caméras a été débattue en conseil d’administration mais n’a jamais abouti. Pascale Thoirey-Bouyamed, enseignante en collège et représentante du SNUIPP-FSU, ne veut pas en entendre parler : « Cela ne résout pas le problème. Un gamin qui veut faire une bêtise trouvera toujours un angle mort. » Elle préfèrerait que l’on investisse « pour mettre en place des pédagogies innovantes où les élèves auront des rêves et auront comme préoccupation d’atteindre leurs rêves ».

Sabrina Ranvier

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