Publié il y a 1 an - Mise à jour le 20.09.2023 - Abdel Samari - 8 min  - vu 2486 fois

FAIT DU JOUR Gestion de Nîmes métropole : le rapport mitigé de la Chambre régionale des comptes

Photo AS/ObjectifGard

Exclusif. Le gendarme des finances publiques salue l’action du président Franck Proust pour améliorer les comptes de Nîmes métropole. La Chambre déplore toutefois un recours trop élevé à l’emprunt par rapport aux besoins réels de l’Agglo. Elle pointe aussi les relations déséquilibrées avec le gestionnaire de son aéroport, la société Édeis.

C’est le moment tant redouté des responsables politiques : le passage de la Chambre régionale des comptes, ceux que l’on surnomme les « gendarmes des finances publiques ». La CRC (Chambre régionale des comptes) a passé au crible la gestion de Nîmes métropole de 2019 à 2021. La période couvre la gestion de l’ancien président Centriste Yvan Lachaud jusqu’en 2020, puis le début du mandat du nouveau président, Franck Proust (Les Républicains). 

Le changement de stratégie de Franck Proust

Qu'apprend-t-on ? D'abord que la situation financière de Nîmes métropole s'est améliorée grâce à un changement de stratégie opéré par Franck Proust. On retrouve cette amélioration dans la capacité d'autofinancement de l'Agglo en progression de 8,6 M€ entre 2019 et 2021. La recette de l'élu Les Républicains ? D'abord un recentrage de compétence, comme le pointe la CRC. Quatre axes stratégiques ont été définis : les transports et la mobilité (notamment l’extension de la ligne de Trambus T2), le développement économique (avec l’aménagement de la zone d'activité « Magna Porta »), la sécurité des biens et des personnes (avec le plan pour lutter contre les inondations et la base européenne de protection civile et de la lutte contre les feux de forêts). À noter également la transition écologique avec la mise en service d'une usine de méthanisation ou la mise en place du projet de territoire alimentaire.  

Ce recentrage s'illustre aussi dans la baisse des charges et la hausse de la fiscalité. De quoi infléchir l'augmentation des dépenses entre 2017 et 2018 sous le mandat d'Yvan Lachaud ainsi que la baisse des ressources institutionnelles. Non sans mal, avec parfois le mécontentement du maire de Nîmes, Franck Proust a démarré son mandat en créant la taxe GEMAPI (le produit de cette taxe s'est élevé à 2,76 M€ en 2021) et en augmentant d'un point la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Son équipe a aussi supprimé 36 équivalents temps plein à travers des non-remplacement de départ à la retraite, des non-renouvellement de CCD (contrat à durée déterminée) ou encore des départs opérés dans le cadre d'une rupture conventionnelle.

Autre signature de la "gestion Proust" : la suppression des subventions aux associations sportives (achat de places auprès des clubs ou de contrats de prestations). La CRC va même plus loin en expliquant que celles-ci ne devraient même plus subsister : « La définition de compétence « culture et sport » (...) ne vise que des équipements culturels et sportifs et non le subventionnement des associations », confirment les magistrats. Concernant les fonds de concours, les magistrats ont constaté que leur attribution « a fait l'objet de modifications (…) ces changements ont engendré une diminution du volume financier attribué. » Cependant, la Chambre a bien remarqué qu'en 2022, « le volet des fonds de concours a été attribué en totalité à la ville de Nîmes pour la construction du palais des congrès. La notion d'intérêt qui aurait pu être revue à la faveur de cette création ne l'a pas été. »

Un recours à l'emprunt trop important

Si la gestion de Franck Proust est saluée, la CRC n'en reste pas moins vigilante. Puisqu'il y a toutefois un hic : l'emprunt. « Cette consolidation était rendue nécessaire par l'effort d'investissement consenti. Elle doit toutefois se confirmer sur la durée (...) compte tenu de l'augmentation du poids de la dette. » Certes l'Agglo a de réels besoins financiers au regard de ces gros projets d'investissement, toutefois elle a emprunté bien au-delà de ses besoins sur la période 2019 à 2020. Une remarque formulée d'ailleurs à plusieurs reprises, en conseil communautaire, par l'élue d'opposition communiste Sylvette Fayet. Concrètement, Nîmes métropole a contracté 224 M€ sur la période alors qu'elle n'en avait besoin que de 172 M€ pour la création de la ligne T2, l'aménagement du cadereau d'Uzès, l'aménagement de la zone d'activité économique Magna Porta ou encore l'aménagement de l'avenue de la gare. 

À quoi ont donc servi ces emprunts supplémentaires ? À abonder le fonds de roulement à hauteur de 50 M€ ! Problème : au 31 décembre 2021, la dette de Nîmes métropole est composée de 94 emprunts, pour un capital restant dû de plus de 460 M€ auxquels s'ajoutent les 30 M€ de la dette Gemapi et celle liée à l'aéroport. Résultat : « L'encours de la dette rapporté aux recettes réelles de fonctionnement dépasse les 110 % en 2021, plaçant Nîmes métropole parmi les collectivités les plus endettées de France », alerte la CRC. Et d'ajouter, pour enfoncer le clou : « Après réintégration de la dette Gemapi et de la dette de l'aéroport, elle est de 10,5 années en 2021, avec un risque structurel potentiel puisque le stock de dette rapporté à la seule capacité d'autofinancement du budget principal est de plus de 24 ans. » Du coup, la chambre conseille fortement à Nîmes métropole « de conserver un niveau de dette adapté à ses réels besoins d'investissement. »

La gestion de l'aéroport

L'autre volet de l'analyse des magistrats porte sur l'aéroport de Nîmes. Un équipement repris en main en 2018 par Nîmes métropole alors présidée par Yvan Lachaud. La Chambre reconnaît les difficultés de l’équipement pour tirer son épingle du jeu, pris en tenaille entre l’aéroport de Marseille et de Montpellier. Les magistrats s’interrogent sur « l’importance économique et sociale de l'aéroport de Nîmes sous sa forme actuelle qui n'a, à ce jour, pas été objectivée autrement que par une étude d'impact menée par le délégataire lui-même avec une méthodologie qui n'a pas été explicitée. » Une étude qui, de plus, diverge avec celle de la Région : le gestionnaire de l’aéroport Edeis chiffrant l’impact économique à 190 M€ par an contre 119 M€ pour la région Occitanie.

Les magistrats ne sont pas tendres à l’endroit d’Edéis. Le précédent contrôle avait souligné le caractère « déséquilibré » du contrat de DSP (Délégation de service public) qui atténuait les risques d'exploitation pour la société au moyen de deux mécanismes. D’abord, le versement jusqu’en 2014 d’une « contribution forfaitaire d'exploitation, en compensation des obligations de service public ». Une contribution en plus des recettes issues de la taxe d'aérodrome, pourtant déjà destiné à financer les missions dites régaliennes. Aussi, sur la durée du contrat, 2013-2020, malgré un chiffre d'affaires plus faible que prévu, le résultat d’Edeis s'avère plus élevé : « La DSP qui devait être bénéficiaire de 1,67 M€ l'est in fine de 2,59 M€ en raison notamment d'une diminution des charges engagées par le délégataire. Le seul investissement financé par l'exploitant est la construction d'un dépôt de carburant d'une valeur de 1,52 M€. »

Comme le rappelle la Chambre : « Nîmes métropole avait conscience dès 2018 de ce déséquilibre puisqu'elle avait réalisé un audit interne à ce sujet. Pour autant, l'Agglomération n'a pas remis en cause l'application des modalités de calcul de la redevance et de l'intéressement convenues. » Sur 2020, en raison de la pandémie « Nîmes métropole a versé une contribution en compensation du déficit né de la baisse de recettes prévisionnelles (…) Il s'avère toutefois que le résultat 2021, après versement de cette subvention forfaitaire exceptionnelle (…) a non seulement couvert le déficit, mais a permis au délégant de dégager un résultat positif en 2021. » Et au passage, « la contribution versée par Edeis à sa maison mère qui n'a cessé d'augmenter sur la période, passant de 351 741 € en 2017 à 401 252 € en 2021. »

Toutefois, pour se rapprocher de l'objectif d'équilibre de la délégation sans aides publiques, le délégataire a proposé un plan de développement extrêmement ambitieux multipliant les destinations nouvelles. Ainsi, Edeis affiche les projections suivantes : la réouverture progressive de la liaison vers Paris avec un objectif de plus de 40 000 passagers en 2028. « Dans un contexte de limitation du trafic domestique par les dispositions de la loi Climat et d'existence de lignes TGV performantes, le développement du trafic domestique projeté par le délégataire semble optimiste. » Pour les magistrats, « l'aviation commerciale est déficitaire et les projections de trafic les plus optimistes ne permettent pas d'atteindre un point d'équilibre sans aides publiques (8,1 M€ entre 2022 et 2028). »

Ces aides (octroyées par le délégant au délégataire et celles versées par le délégataire à la compagnie aérienne) sont d’ailleurs dans le collimateur des magistrats : « Elles n’ont pas été notifiées à la Commission européenne, ce qui aurait dû être fait afin de lever tout risque de leur qualification en aides d'État. » Enfin, la CRC note « l'absence de stratégie de coopération avec les aéroports voisins » ce qui « fragilise fortement l'avenir de l'aviation commerciale nîmoise ». Alors, la chambre invite Nîmes métropole à mettre en œuvre une stratégie commune entre les aéroports de Montpellier et de Nîmes. Une stratégie qui, malheureusement, ne dépend pas uniquement d’elle.

Les Réactions 

La réponse d’Yvan Lachaud au rapport de la CRC

À la lecture du rapport définitif de la chambre régionale des comptes, l’ancien président de Nîmes métropole a formulé quelques commentaires  : « Je constate donc que l'endettement de Nîmes Métropole a toujours été parfaitement maîtrisé, proportionné à sa capacité d'autofinancement. En effet, l'épargne brute a très fortement augmenté pendant mon mandat, passant de 19 M€ en 2014 à 44 M€ en 2020, grâce à une refonte complète de l'organisation des principales compétences exercées (transport, eau et assainissement, ordures ménagères,...). De plus, nous avions pris l'initiative de sortir des emprunts toxiques les plus risqués, sans laquelle les conséquences financières seraient aujourd'hui terriblement pénalisantes. »

Et de poursuivre : « Cette bonne santé financière a permis à mon successeur, contrairement à ce qu'il a pu prétendre de façon mensongère, d'engager immédiatement, comme cela était prévu, la réalisation de la deuxième phase de la ligne de transport T2. C'est un investissement d'environ 60 millions d'euros, porté en quasi-totalité par Nîmes métropole. » Yvan Lachaud précise par ailleurs : « Vous soulignez à plusieurs reprises qu'à partir de 2020 Nîmes métropole a souscrit des emprunts non utilisés. Cette politique d'augmentation des impôts et de souscription d'emprunts non utilisés conduit à une très forte augmentation de la trésorerie dès la fin de l’année 2020. Cette trésorerie, comme le prévoit la loi, ne peut pas être rémunérée. Les contribuables ont donc été ponctionnés d'un argent qui dort sur le compte de Nîmes métropole. Nîmes métropole annonce des investissements qu'elle ne réalise pas. C'est une gestion parfaitement aberrante de l'argent public. »

Enfin, concernant l’aéroport : « Nîmes métropole, à l'inverse de ma propre gestion de l'aéroport, a accentué depuis trois ans la politique de soutien de la compagnie aérienne Ryanair, y compris pour des lignes « sortantes », vers des destinations de vacances, ce qui ne contribue en rien à faire venir des touristes sur notre territoire, mais au contraire à subventionner les nîmois qui souhaitent passer des vacances à l'extérieur. En résumé, Nîmes métropole ne subventionne-t-elle pas aujourd'hui illégalement des lignes aériennes sans impact économique pour le territoire et qui existent déià sur les deux aéroports voisins ? »

La réponse de Franck Proust au rapport de la CRC 

Concernant les fonds de concours aux communes : « La dotation annuelle des fonds de concours décidée en 2021 est bien de 6 M€. Il n’y a pas de baisse de cette dotation puisqu'entre 2014 et 2020, la moyenne des fonds de concours votés était de 5,5 M€ par an. » Sur la situation financière : « La situation de l'endettement de Nîmes métropole fin 2020 découle directement des recommandations de la CRC et de la DDFIP visant à reconstituer le fonds de roulement du budget principal. La collectivité poursuit son redressement en visant notamment une capacité de désendettement consolidée maitrisée en deçà des seuils d'alerte. »

Au sujet des emprunts contractés mais non mobilisés : « Un gros travail a été effectué par la collectivité pour améliorer les taux de consommation des crédits d'investissement. Ainsi le taux est passé de 51% en 2021 à 69% en 2022. Ces éléments sont de nature pouvoir mobiliser plus rapidement les emprunts contractés. » Enfin, pour l’aéroport : « Les efforts de suivi afin d'obtenir du délégataire l'ensemble des informations nécessaires au contrôle de la délégation et notamment un rapport annuel satisfaisant aux exigences réglementaires sont en place. Les services de Nîmes métropole sont en cours de renforcement afin de mieux contrôler encore la DSP, avec le recrutement d'une personne supplémentaire qui devrait rejoindre le pôle Aéroport fin 2023. Par ailleurs, un avis externe professionnel sera également présent avec un AMO dédié qui accompagnera Nîmes Métropole dès 2023. »

Abdel Samari

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