L'INTERVIEW Alexandra Lamy au sujet des violences faites aux femmes : "Libérer la parole c'est important, mais il faut pouvoir être entendu"
Ouvrir le débat, libérer la parole et sensibiliser dès le plus jeune âge. Alexandra Lamy reste mobilisée dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Après un passage au festival de l'Alpes d'Huez pour soutenir sa fille, Chloé Jouannet, et sa sœur, Audrey Lamy, la comédienne et réalisatrice gardoise se rendra à Alès et à Nîmes - entre autres - ces lundi et mardi. Elle y rencontrera son public dont des jeunes, lors de la projection de son film Touchées. Interview.
ObjectifGard : Alexandra, au moment où nous nous parlons (vendredi 19 janvier, NDLR), vous êtes à l'Alpes d'Huez où se déroule la 27e édition du Festival du film de comédie. Votre fille, Chloé Jouannet y a notamment présenté son premier court-métrage, Allez ma fille. On imagine la fierté de la maman, la rélève est assurée...
Alexandra Lamy : Évidemment, la maman est extrêmement fière. Son court-métrage a reçu une salve d'applaudissements, c'était génial. Et puis, toute la famille était là. On avait vraiment l'impression d'être un clan puisque c'est un film qu'elle a tourné avec son papa, Thomas Jouannet, ses deux sœurs, sa belle-mère aussi Armelle (Deutsch, NDLR). Donc on était toute une rangée, ma sœur, mon beau-frère... Et le soir-même Audrey présentait son film Heureux gagnants, avec Fabrice Éboué. Donc j'y suis allée en total "supporting" !
L'application App-Elles, toutes les femmes doivent la télécharger parce qu'on ne sait jamais.
Alexandra Lamy
De votre côté, vous participerez à partir de ce lundi à Alès et à Nîmes (*), à une tournée un peu spéciale avec la projection sur grand écran de Touchées, téléfilm que vous avez réalisé et qui avait été diffusé sur TF1 le 22 septembre 2022. Pourquoi cette tournée maintenant ?
Ce n'est pas la première tournée. On en fait beaucoup, toujours en partenariat avec des associations, parce qu'on se rend compte que c'est un film qui permet d'avoir un échange. C'est toujours difficile d'arriver dans les lycées et de parler des violences conjugales de façon abrupte. Avec un film, on peut parler de ce sujet, parfois de manière détournée, en se référant à un personnage, c'est plus facile. C'était important pour moi, quand j'ai fait ce film, que les associations (l'association Boucan, du Planning familial et du Centre d'information sur les droits des femmes et des familles du Gard, en ce qui concerne Alès et Nîmes, NDLR), les personnes touchées, puissent s'en emparer. Je travaille avec la Maison des femmes, et aussi avec l'association Résonantes, sa co-fondatrice Diariata N’Diaye, est très investie auprès des jeunes. Cette association a créé une application qui s'appelle App-Elles, pour lutter contre les violences faites aux femmes. Il y a un bouton SOS qui vous met en lien avec les cinq personnes de confiance que vous avez inscrites au préalable et peuvent ainsi vous localiser, mais aussi avec l'antenne de police la plus proche. Toutes les femmes doivent la télécharger parce qu'on ne sait jamais.
Dans cette lutte, l'une des armes les plus efficaces, et c'est ce que vous montrez dans votre film, c'est la parole...
Oui, et on montre aussi à quel point c'est difficile de parler. Aujourd'hui, grâce à MeToo entre autres, les femmes arrivent un peu plus à parler. Mais il faut quand même savoir que 97% des plaintes sont classées sans suite, donc ce n'est pas extraordinaire non plus, il y a encore un énorme travail à faire. Aujourd'hui, c'est vrai que la police et la gendarmerie sont un peu plus formées, ce qui n'était pas le cas avant. Libérer la parole c'est important, mais il faut pouvoir être entendu. Souvent la victime est la plus auditionnée, c'est celle sur qui le doute est porté, et - c'est horrible de dire ça - d'autant plus si elles ne sont pas marquées. Il y a encore des freins alors qu'en cas de violences, quelles qu'elles soient, il faut agir vite. C'est aussi pour ça que j'ai voulu faire un film sur la reconstruction de ces femmes et donner un coup de projecteur aussi sur le travail des associations. C'est un moyen de dire aussi, à toutes ces femmes : "autour de vous, partout, il y a des associations, des gens qui peuvent vous aider." C'est aussi pour cela que je pense qu'il est nécessaire de faire de la prévention rapidement, au sein des écoles.
Personne, Depardieu ou pas, n'est au-dessus des lois.
Alexandra Lamy
Vous avez signé une contre-tribune pour dénoncer le soutien à Gérard Depardieu et soutenir les victimes présumées. Quelle a été votre réaction en lisant la première tribune, sachant que depuis plusieurs personnalités se sont rétractées ?
J'ai surtout trouvé la deuxième tribune très intelligente, parce qu'il faut pouvoir dire que personne, Depardieu ou pas, n'est au-dessus des lois. Ça aurait été n'importe quelle autre personne lambda, il n'y aurait pas eu de tribune. La justice doit faire son travail, nous ne sommes pas en train d'accuser qui que ce soit, parce qu'on n'en sait rien, ce n'est pas à nous de faire le procès. Mais faire une tribune pour dire qu'on soutient quelqu'un alors qu'on ne sait pas ce qui s'est passé, ça veut dire qu'on n'écoute pas les victimes. Artiste ou pas, personne ne passe au-dessus des lois.
C'est toujours très difficile, vous savez, personne ne parle, on ne sait pas vraiment, tout ça est très caché en règle générale.
Alexandra Lamy
Prêtez-vous une attention particulière au casting des films qu'on vous propose, au cas où un comédien à la réputation sulfureuse y figure ?
C'est toujours très difficile, vous savez, personne ne parle, on ne sait pas vraiment, tout ça est très caché en règle générale. Après, si effectivement, c'est quelqu'un dont je sais que c'est un prédateur, je n'irai pas et si je pouvais le dénoncer je le ferai. Mais encore me faudrait-il des preuves sinon on me reprocherait de dénoncer sur des "on-dit", ce n'est pas possible. On ne peut pas faire n'importe quoi, déjà qu'on n'écoute pas les victimes... Comme disait Emmanuelle Devos : "il faut libérer la parole des témoins." Ça c'est intéressant ! Tout comme de rappeler les chiffres : toutes les 6 ou 7 minutes une femme se fait violer en France, un enfant toutes les 4 minutes en France. Deux enfants meurent sous les coups de leurs parents par semaine, deux femmes tuées en France par semaine, etc. Ces chiffres-là font mal et nous font prendre conscience qu'il y a encore beaucoup de travail à faire.
Audrey Lamy au casting de "Lol, qui rit, sort" saison 4
Le casting de la quatrième saison de "Lol, qui rit, sort" a été révélé. La soeur d'Alexandra Lamy, Audrey y figure aux côtés de Jérôme Commandeur, Redouane Bougheraba, Marina Foïs, Alban Ivanov etc. "Je pense que ma soeur est très forte, je lui ai dit : tu gagnes, p***** tu gagnes. Mais je ne me fais pas trop de soucis pour elle, même si attention, je ne connais l'issue", a commenté rieuse la gagnante de la première saison. Le programme toujours présenté par Philippe Lacheau sera diffusé à compter du 16 février sur Prime Vidéo. Le petit plus cette fois-ci au sujet d'Alexandra Lamy : la comédienne sera le 11 février au Cinéplanet d'Alès pour présenter le film "La Promesse verte" d'Édouard Bergeon.
* Lundi 22 janvier à 14h15 au Cinéplanet, Alès — Séance scolaire. Au cinéma CGR de Nîmes à 19h 30 - Séance tout pubic. Le lendemain, mardi 23 janvier, toujours au CGR de Nîmes, séance scolaire à 9h30.