Publié il y a 1 an - Mise à jour le 15.09.2023 - Propos recueillis par Anthony Maurin - 7 min  - vu 897 fois

L'INTERVIEW Nino Julian : « Arriver au bon endroit au bon moment »

Nino à Saint-Gille (Photo Archives Anthony Maurin).

Le novillero nîmois fera sa présentation dans la catégorie lors de la prochaine feria des Vendanges, ce dimanche 17 au matin. Un moment crucial dans la vie d'un homme et dans celle d'un torero. Interview.

Nino Julian ici à Saint-Gilles le mois dernier (Photo Archives Anthony Maurin).

Objectif Gard : Qu’avez-vous à dire à nos lecteurs ?

Nino Julian : J’aimerais qu’ils soient là, nombreux à Nîmes le 17 septembre pour la novillada piquée du matin car Nîmes, c’est chez moi ! C’est un jour important pour moi et ça me ferait plaisir de voir les arènes bien remplies et les spectateurs auront peut-être l’occasion de découvrir un nouveau novillero nîmois qui se sent bien et qui a envie de montrer ce qu’il peut faire dans l’arène.

Nîmes est une arène qui vous tient particulièrement à cœur…

Oui forcément, c’est chez moi, même si pour l’anecdote j’y ai déjà toréé deux fois en NSP et ça n’a pas été les meilleurs souvenirs de ma carrière. Ce fut dur et j’étais attendu au tournant mais Nîmes, c'est quand même Nîmes, il y a une bonne pression supplémentaire !

Nino Julian avait lutté mais n'avait rien coupé lors du Printemps de l'Africion à Nîmes (Photo Archives Anthony Maurin). • Anthony MAURIN

Vous allez vous présenter de novillero à Nîmes avec Lalo de Maria et Diego Bastos pour une grande course. Connaissez-vous vos compagnons de cartel ?

Je les connais car j’ai eu l’occasion de toréer avec les deux. Lalo, c’était à Istres, quand j’ai commencé en novillada piquée. J’ai de très bonnes relations avec lui, je suis heureux d’être avec lui, je m’entends bien avec lui, il n’y a jamais eu de mauvais côté, on s’est parfois vu à l’extérieur et c’est quelqu’un avec qui je m’entends bien. Pour Diego Bastos, qui se présentera à Nîmes, on a partagé le cartel de Millas, il est très gentil, on a bien parlé donc il n’y aura aucun souci. Il y aura de la competencia mais de la bonne !

Et comment vous entendez-vous avec les autres toreros ou matadors de toros français qui sont encore dans le circuit ?

Je ne suis pas quelqu’un à embrouilles, je m’entends bien avec tout le monde. J’essaie d’avoir le feeling facile avec les gens. Je suis arrivé très jeune dans le circuit, les relations se créent et j’ai pas mal d’affinités avec beaucoup d’entre eux.

Avec le maestro Patrick Varin, Nino regarde la video de sa dernière prestation (Photo Anthony Maurin).

Comment se passe votre relation avec Patrick Varin, matador de toros qui vous conseille au quotidien ?

Ça fait plus de onze ans que je suis avec lui, c’est une relation de professeur à élève mais les liens sont forts. Patrick m’apporte beaucoup, il est très pédagogue, très dur, il impose la dureté de ce milieu tout en essayant de nous faire garder notre personnalité et de nous faire avancer. Je pense être bien entouré, il a toute ma confiance. Patrick a son avis sur tout et son avis est très important. Même quand je choisis un costume, il est important. Même dans ma vie personnelle, il est important. C’est plus qu’un prof parce que ce milieu amène à ressentir d’autres choses. On vit tellement de choses fortes que des liens supplémentaires se créent forcément.

Le Centre français de tauromachie fête cette année ses 40 ans. Vous serez toujours un peu l’élève de Christian Le Sur. Solal prend cette année l’alternative quelques heures après votre présentation à Nîmes... Quel succès !

Cette année à Saint-Gilles, j’ai brindé mon second toro à Christian Le Sur pour lui dire qu’à ce moment-là nous étions presque tous, professeurs, banderilleros ou novilleros, sortis du CFT. Je lui ai dit que je pensais qu’il avait réussi ses objectifs et que je l’en remerciais comme beaucoup de monde ces 40 dernières années. Je serai toujours reconnaissant, dix ans de ma vie au CFT, tous les élèves rencontrés les Rafi, Ubeda, Solal… Il faut ce genre de structure, on n’y arrive pas seul et le CFT est un excellent appui, c’est remarquable.

Nino Julian s'est senti à son aise à Saint-Gilles en août dernier (Photo Archives Anthony Maurin).

Même si elle n’est pas encore terminée, êtes-vous heureux de votre passage en novillada formelle au cours de cette temporada ?

Oui, je suis très content, on avance, c’est ce qu’on cherchait avec Patrick. On ne voulait pas faire n’importe quoi pour une année de transition, j’aurai dix courses dans la saison, c’est ce qu’on voulait. C’est une année tremplin, avec des arènes un peu plus importantes pour ne pas aller trop vite, on cherche à arriver au bon endroit au bon moment. L’année prochaine le but sera d’aller partout, y compris dans les arènes des de première catégorie en espérant que la novillada de Nîmes soit elle aussi un tremplin.

Visiblement... le coffre de sa voiture n'avait jamais été aussi bien rangé ! (Photo Anthony Maurin).

On a l’habitude de vous voir en constante évolution depuis vos débuts. Votre toreo n’est pas figé, pas dogmatique, mais on sent que vous avez quelque chose à nous montrer de plus grand…

Patrick me pousse à garder ma personnalité. Je dois m’inspirer des autres mais pas plus. J’ai une énergie que les gens arrivent à capter, il me pousse à aller vers ça. Je veux garder cette dynamique mais je cherche, personnellement, le toreo où je me régale, où je suis relâche, je reste très droit. Je pense que j’ai quelquefois réussi à le montrer en piste. Je veux transmettre quelque chose, qu’on reconnaisse ma personnalité, ma manière de marcher ou de me tenir. C’est le plus important. Des gens qui toréent ben, j’en ai vu des centaines, mais des gens qui vous marquent… On travaille sur les fondamentaux d’anciens toreros qui transmettaient beaucoup comme Dámaso Gonzalez ou Francisco Espla par exemple. Nous sommes des éponges comme nous le répète Patrick Varin, c’est pour cela qu’il ne torée jamais à l’entraînement avec nous, il a peur qu’on perde notre personnalité à vouloir le copier. On ne doit pas être son reflet !

Vous avez longtemps fait des arts martiaux. On peut faire quelque parallèle avec la tauromachie ?

Je n’y fais pas attention mais en effet beaucoup de choses me ramènent au sport de combat, notamment les relations élève-professeur. La mentalisation, savoir se servir de son corps, la rigueur, savoir souffler, beaucoup de choses me servent.

Avec Thoma Ubeda (Photo Archives Anthony Maurin).

Ces dernières semaines on a pu croiser un Nino batailleur, guerrier mais aussi et surtout doux, sensible et techniquement très évolué. Votre sentiment sur la chose ?

Nous travaillons beaucoup sur la transmission. Je ne peux pas cacher que je suis un guerrier, j’ai envie de réussir. Mais j’évolue, je grandis face au toro. J’essaie de travailler pour être prêt à certaines choses dès cette fin d’année mais aussi pour la temporada prochaine. J’avance et je veux le montrer aux gens. J’ai pris en maturité cette année, je commence à être prêt à certaines choses, certaines échéances. Le passage des toros de deux ans à d’autres de trois ans fait aussi bouger les lignes. Cet hiver m’a beaucoup servi, j’ai travaillé d’autres choses comme la mentalité que je dois avoir car quand on y regarde de plus près on note que les novilladas sont de plus en plus fortes et les novillos se rapprochent des toros. Donc le passage de la NSP à la piquée est peut-être plus complexe que celui de la novillada piquée à la corrida.

Vous êtes très lié à la ganaderia Fernay qui se présente également dans la catégorie à Nîmes.

Oui ! J’ai débuté avec picadors avec eux, je me présente à Nîmes avec eux. Quand j’ai toréé, lors de mes pas dans les arènes, à Fréjus, je sais qu’ils ont gardé mon toro comme semental. C’est une novillada qui peut fonctionner, les toros embistent et peuvent laisser le triomphe à porter de man.

Avec El Rafi (Photo Anthony Maurin).

Quel est votre premier souvenir avec un toro ?

C’était à Garons, dans les arènes. Je me demande si ce n’était pas avec des vaches de Fernay d’ailleurs ! J’avais neuf ans, je venais d’arriver, j’ai les vidéos où j’ai des cheveux longs et la chemise qui sort du pantalon… Je ne savais pas trop où j’allais mais dans ma tête ça devait être clair car quand je suis arrivé en piste je n’ai pas bougé. Ce qui est rigolo, c’est qu’on voit ma tête sur la vidéo quand je sors de piste et je suis tout souriant, rempli de quelque chose qui ne me lâche pas depuis ! On a des coups durs mais pas de quoi nous enlever le gusanillo.

Comment êtes-vous venu aux toros ?

Je connaissais Solalito, enfin sa sœur qui était à l’école avec moi, alors j’ai eu un premier contact comme ça, avec les capeas du CFT. Mais le premier événement déclencheur, c’est ma mère qui m’a amené voir une corrida, celle du lundi soir à la feria de Pentecôte, à Nîmes en 2012. J’allais avoir neuf ans, je suis né en octobre. Nous étions en amphi, les costumes de lumières, l’ambiance, les arènes pleines… Quand on est sortis et alors que nous étions dans les escaliers, ma mère m’a dit que j’avais dit : « C’est ce que je veux faire, comme celui qui est habillé de lumières. » Je n’avais pas conscience de tout mais c’était ça. J’avais adoré la sortie en triomphe ! Et en septembre suivant, je suis arrivé au CFT.

(Photo Archives Anthony Maurin).

Votre CV taurin ?

Je suis arrivé au CFT fin 2012, c’est cette même année où j’ai fait mes premières passes. Après, même si j’avais neuf ou dix ans j’ai toréé quelques capeas concours, des bolsins comme le trophée Jovencito à Miramas dans des arènes portatives, j’en garde d’excellents souvenirs. J’ai tué mon premier toro en privé à l’âge de 14 ans chez Joël Matray, c’était encore avec le CFT. Il avait plus, c’était beaucoup d’émotions en même temps mais j’en garde un bon souvenir. J’ai débuté en NSP à Boujan où j’ai coupé deux oreilles, c’était en 2018. C’est allé très vite mais je ne regrette rien du tout ! La deuxième année a été plus compliquée, mais je garde un excellent souvenir des arènes de Dax, j’adore !

Et civil ?

Né le 18 octobre 2002 à Nîmes, j’ai 20 ans. J’ai fait toute ma scolarité à Nîmes, j’étais à Charles-Martel en maternelle et primaire, puis à Capouchiné au collège. Pour le lycée, j’ai demandé une dérogation pour faire Espagnol et STMG à Albert-Camus. J’ai eu mon bac avec mention assez bien en 2020. C’était le deal avec maman et papa ! J’avais envie de partir plus tôt car j’ai eu des demandes quand j’avais 15-16 ans mais il me fallait avoir le bac. J’ai eu un premier contact avec l’école de Badajoz où j’étais attendu mais nous sommes partis en stage, avec le CFT, à Salamanque. Juan Leal m’a aidé un peu là-bas et Rafi avait quelques contacts aussi. À Badajoz, je ne connaissais encore personne et c’est dur de quitter le concon familial, alors je suis allé à Salamanque pendant la période du confinement… Je suis d’abord parti en bus, 15 ou 16 heures, puis j’ai fait la rencontre de David Sanchez chez qui Rafi avait aussi habité. J’ai loué une chambre chez lui. Puis, je suis revenu pour passer le permis et j’y suis retourné. J’ai un pied là-bas et un pied ici !

Nino à Saint-Gille (Photo Archives Anthony Maurin).

Un dernier mot ?

J’espère qu’on se reverra dans quelques années, avec d’autres objectifs et de belles choses accomplies !

Propos recueillis par Anthony Maurin

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