NÎMES Mado la Niçoise fête ses 20 ans de tournée : "J'ai toujours été un ovni dans le milieu"
Jusqu'au début des années 2000, Noëlle Perna était peut-être plus habituée à offrir des tournées aux plus fidèles clients de son commerce niçois, Le Bar des Oiseaux. Mais depuis 20 ans, elle embrasse une autre carrière, celle d'humoriste, traversant l'Hexagone, perruque rousse fixée sur la tête, dans la peau et la robe à sequins rose de Mado la Niçoise. Interview.
ObjectifGard : 20 ans de tournée à travers toute la France avec votre personnage fétiche, Mado la Niçoise. Que de chemin parcouru depuis. Qu’en retenez-vous ?
Noëlle Perna : Oh là là, qué fatigue ! C'est une expérience tout à fait inattendue parce que ça ne faisait pas partie de mes objectifs. Mais passionnante parce qu'il n'y a qu'une sorte de public, quelles que soient la religion, les spécificités culturelles, etc. Ce n'est qu'un seul genre, le genre humain, il n'y a aucune différence entre les différentes régions. Je retiens aussi les rencontres avec le milieu du showbiz, les gens plus célèbres que moi. C'était intéressant parce que c'était un monde qui n'était pas du tout le mien et qui ne l'a jamais été d'ailleurs. J'ai toujours été un ovni dans le milieu.
Volontairement ? C'était une façon de vous protéger ?
Ça ne me ressemblait pas, ce n'était pas moi. Ce sont d'autres repères, d'autres valeurs qui ne sont pas du tout les miennes. Quand j'étais à Paris, je n'avais qu'une hâte : revenir dans mon ancrage régional. Nice est mon port d'attache, ça l'a toujours été, ça l'est toujours.
"Aujourd'hui, il faut que ça aille vite, que ça frappe fort, pour peut-être disparaître aussi rapidement. Moi, je suis dans un parcours au-delà des modes."
Noëlle Perna
Être humoriste, connue au niveau national, n'était donc pas un plan de carrière. Comment avez-vous vécu ce passage du zinc à la scène ?
Ça a été progressif, donc je ne l'ai pas vécu comme un choc. Ça faisait quand même dix ans que je tournais en région. J'ai commencé par les petits cafés-théâtres, puis des salles de 200 personnes, puis 300, puis 2 000... La progression a été très sage. Donc quand j'ai fait des plus grosses salles en France, j'étais bien préparée... Ce n'est pas comme aujourd'hui où les gens sont parachutés très vite dans les Zéniths, très suivis sur les réseaux sociaux, etc. Il y a 10, 20 ans, il fallait gagner sont public de salle en salle, de ville en ville. Il fallait être endurant. Aujourd'hui, il faut que ça aille vite, que ça frappe fort, pour peut-être disparaître aussi rapidement. Moi, je suis dans un parcours au-delà des modes.
Quelle est votre recette pour faire perdurer ce personnage atypique, haut en couleur ?
Mado est très ancrée dans les sujets d'actualité. C'est un personnage qui a une allure décalée mais qui a les deux pieds dans la vie d'aujourd'hui. Elle est toujours réactualisée cette Mado, elle n'a pas de limites, pas de contours complètement définis. Et puis le travail au niveau artistique consiste à aller toujours chercher des émotions nouvelles, que cette Mado puisse surprendre encore avec ses facéties. Il y a 20 ans, par exemple j'ai proposé le grand écart, ça a marqué tout le monde. Aujourd'hui, on est ailleurs, si je le faisais encore, ce serait du réchauffé.
Mais à l'aube de vos 70 ans, êtes-vous encore capable de le faire ?
(Rires) Et oui ! Je le fais dans mon nouveau spectacle - différent de celui présenté à Nîmes, ce samedi 1er décembre, NDLR - qui s'appelle Mado fait son cabaret que je joue avec des artistes de ma région, du cru, kilomètre zéro. Nous jouons ce spectacle tous les mois à Nice, il a été spécifiquement fabriqué pour que je puisse retrouver mon public qui ne m'a pas vu depuis 20 ans. C'est ce public qui m'a faite, alors c'est un peu un acte de reconnaissance que je lui adresse. Mais j'espère qu'un jour que je pourrais venir le jouer dans votre coin.
On aura très certainement l'occasion de s'en reparler. Mais dites-nous en un peu plus sur Certifié Mado V.2, que vous présenterez à Nîmes ce vendredi.
C'est un spectacle qui a commencé à tourner avant le covid, il était alors en rodage. Après deux ans d'arrêt, il a repris et ça n'arrête pas. J'y fais entre autres bien souvent une revue de presse et avec tout ce qui se passe, il y a de quoi faire. Mais le but de Mado, c'est de fédérer. Le but, c'est de rebooster son public. Mado est une bombe d'énergie avec beaucoup d'optimisme. Et par les temps qui courent, c'est une denrée rare. Mado, c'est un remède.
"Ce n'est pas ma vocation de faire le clown sur les plateaux du style Vendredi tout est permis ou les jeux de Reichmann."
Noëlle Perna
À travers Mado, c'est vous Noëlle Perna. Où puisez-vous toute cette énergie ?
D'abord je suis un entraînement physique, ensuite je fais très attention à mon alimentation et enfin, je suis pratiquante bouddhiste, je fais des mantras tous les jours. C'est ce qui me recharge. Voilà, vous connaissez tous les secrets de Mado !
Depuis l’arrêt des émissions de Patrick Sébastien, dans lesquelles vous apparaissiez régulièrement, il n’y a plus de programmes similaires, et donc moins de place pour les artistes populaires, de cabaret. C’était pourtant un tremplin pour eux. Un arrêt à regret ?
Bien sûr, Patrick proposait quelque chose d'inédit. Il faisait découvrir des artistes populaires, grand public et mettait le cadre qu'il fallait pour nous présenter, nous mettre en valeur. C'est lui qui m'a fait découvrir à toute la France. Des émissions dédiées aux humoristes, il n'y en a pas eu beaucoup. De mon côté, j'ai refusé pas mal d'émissions parce que je ne veux pas faire animatrice de plateau. Ce n'est pas ma vocation de faire le clown sur les plateaux du style Vendredi tout est permis ou les jeux de Reichmann (Jean-Luc, NDLR), etc. Quand on me propose de faire des sketches, là oui, j'y vais, quand on me propose de faire mon métier, en fait.
"Je savais ce que je voulais : avoir une vie normale et un travail que j'aime sans être bouffée par le système et prendre le risque de me perdre."
Noëlle Perna
Et un film avec Mado en tête d'affiche ?
Alors ça, je n'y crois pas du tout. Mado est un personnage pour la scène, je ne la vois pas dans ce contexte. D'ailleurs, il n'y a jamais eu de propositions. Et je ne pense pas que ce serait bien. Shirley et Dino l'ont fait, ce n'était pas terrible...
Vous avez des choix artistiques quand même très arrêtés, quitte à parfois rater l'occasion de vous mettre en avant.
Je me suis sabordée de nombreuses fois, mon producteur me le dit même s'il a toujours respecté mes choix, mes désirs. Mais je n'ai pas la velléité d'être la "number one" de l'humour. J'ai commencé ma carrière très tard par rapport à d'autres, donc j'avais beaucoup de maturité quand j'ai été connue. Je savais ce que je voulais : avoir une vie normale et un travail que j'aime sans être bouffée par le système et prendre le risque de me perdre.