NÎMES Où étaient le théâtre antique et le cirque ?
Quatre articles pour rendre compte d’une conférence de presse organisée au Musée de la romanité avec Marc Célié et Richard Pellé, deux archéologues spécialistes de l’amphithéâtre de Nîmes. (4/4)
Avant de parler du cirque et de son potentiel emplacement, les archéologues ont évoqué le tracé urbain de la Via Domitia. Légèrement modifié grâce aux dernières études, son parcours ne change pas fondamentalement mais se précise largement. On entrait en ville via la porte d’Auguste et on en sortait en empruntant celle dite d’Espagne. Bref, celle du Cadereau qui a été fouillée en 1993. Les plans et les fondations des deux portes étaient identiques mais pour leur élévation respective il est difficile de se prononcer.
"Entre ces deux portes la Via Domitia traversait la ville et nous avons proposé un nouveau tracé qui passe au Nord du forum, le tracé que l’on avait identifié longtemps, via la rue Nationale. Avec le travail de restitution de Golvin, on a confronté nos idées. Il y a beaucoup de rues que l’on peut proposer grâce aux données fiables, bout après bout, mais tout est fragile, voire audacieux comme on a pu se hasarder à le faire. Nous ne sommes pas certains de la fiabilité du document proposé, il faudra sans doute le faire évoluer mais la ville romaine de l’époque que l’on restitue est très bien !"
Et le théâtre alors ? Une ville telle que Nîmes ne pouvait pas ne pas avoir de théâtre ! "C’est une grande ville dotée d’une enceinte immense et d’un amphithéâtre… Il a été placé ici grâce aux indices archéologiques retrouvés, mais il va être difficile à retrouver." Et pour cause, il serait sous l’emplacement de l’actuelle cathédrale !
Pour le cirque et selon Richard Pellé : "J’ai publié un article dans la revue Archéologique de Narbonnaise et je pense qu’il y en avait un. Pas là où on a l’habitude de le voir, mais au Sud de l’amphithéâtre, derrière le rempart."
Aujourd’hui, disons qu’il filerait du Parvis des arènes en passant par un bout de l’Esplanade et jusqu’à la rue Cité Foulc via la rue Brissonnet. En 1904, un gros mur a été découvert. Il traverse cette dernière rue derrière le monument aux morts. "Il fait deux mètres de large, il est construit en grand appareil et maçonnerie !" Si vous connaissez le cirque d’Arles, c’est logique ! Il y a un autre indice… Le mur tardo-antique qui est actuellement sous le tribunal, celui du Castrum des arènes.
"Il n’est composé que de blocs antiques, du remploi. À sa base, il fait 6,5 mètres et 5,5 en élévation et on suppose qu’il y avait au moins 13 assises ! Ça fait 13 000 blocs, un cirque rentre tranquillement dans ce calcul !" Mais, quoi qu’il arrive pour Richard Pellé, le cirque serait bien postérieur à l’amphithéâtre. Les raisons de cette intuition ? La pierre alors utilisée pour le bâtir. "Les matériaux diffèrent largement. On est sur du calcaire coquillé de type Beaucaire, un calcaire plus fin utilisé dans la seconde moitié du second siècle de notre ère. Cela se fait nettement moins, voire jamais, sous Auguste ou au premier siècle. Si on avait eu du calcaire coquillé de Vers, je ne dis pas mais pas là. 90 % des murs que j’ai vus sous le palais de justice sont faits à partir de ce calcaire coquillé de Beaucaire ! Ces blocs, très nombreux, viennent d’un monument aujourd’hui disparu c’est pour cela que le cirque me plaît bien !"
Pour en revenir au sous-sol du tribunal et au sous-sol des bâtiments environnants, les doutes se précisent. Marc Célié est clair : "On distingue deux parties. Pour ce que l’on connaît, la fondation est principalement composée d’éléments de récupération, de remploi fait de stèles, d’inscriptions funéraires. Ce sont les éléments que l’on voit dans les sous-sols du palais de justice."
La partie en élévation, visible dans la petite impasse privée qui est au début de la rue de l’Aspic, elle, offre d’autres possibilités pour le cirque nîmois. Car elle est posée sur les fondations visibles sous le Palais. Pour Richard Pellé : "On ne voit qu’un tout petit bout de cette élévation. Je suis monté au deuxième étage de l’hôtel de Valfons, pour voir tout ça. Les pierres sont différentes ! L’essentiel des blocs qui sont sous le palais de justice, stèles et colonnes, sont sur une ou deux assises de fondation qui sont visibles. Le reste de l’élévation, les cinq ou six autres assises qui sont visibles dessus sont du mélange essentiellement en calcaire de Beaucaire."
Et Marc Célié de préciser : "C’est forcément du remploi, de la récupération mais pas du tout le même type de pierres qui sont utilisées pour la fondation. Richard annonce que cela pourrait venir d’un cirque mais cela pose d’autres questions… L’hypothèse est loin d’être farfelue, mais elle est encore fragile." Richard Pellé sort alors un ultime argument pour convaincre l’assemblée qui n’avait plus trop besoin de l’être : "J’aimerais bien aller voir sous la Banque de France ou sous La Poste ! Il n’y a jamais eu de réelles opérations de fouilles… Si, pardon, il y en a eu une qui s’est révélée très intéressante."
Là où l’archéologue situe le cirque, du côté de la rue Cité Foulc, un diagnostic avait été réalisé. "À l’époque, personne n’imaginait cette possibilité mais dans deux tranchées, de l’une à l’autre et sur 25 centimètres d’épaisseur était tassé du sable jaune-or, complètement stérile ! 25 cm c’est à peu près ce que l’on a sur la piste des arènes actuellement…" Dans la région nous n’avons pas de sable de cette tonalité, il a donc été importé. "Ça pourrait très bien être la piste d’un cirque..." Et Marc Célié de rire : "Richard vous fait un cirque avec rien !"