Publié il y a 8 mois - Mise à jour le 06.03.2024 - François Desmeures - 5 min  - vu 1459 fois

FAIT DU SOIR Alti Aigoual : les élus débattent du dépôt de bilan, le gestionnaire dément l'avoir déposé

Le manteau neigeux se dépose de plus en plus rarement sur les pistes d'Alti Aigoual

- Archive Sacha Virga

À l'ordre du jour du conseil communautaire de ce mercredi, sur le territoire de Causse-Aigoual-Cévennes, un point de situation sur la délégation de service public de la station de Prat-Peyrot, sur le massif de l'Aigoual. Après un comité de suivi la semaine dernière, l'intercommunalité s'attendait à un dépôt de bilan, ce mardi, auprès du tribunal de commerce. Si les gérants s'y sont bien rendus, ils confient à Objectif Gard ne pas avoir déposé le bilan. Et espèrent des compensations qui pourraient sauver la situation, quand la communauté de communes évoque plutôt une réduction de la voilure indispensable, pour une société qui cumule environ 795 000 € de dettes, et souhaite la fin de l'investissement dans le ski. Récit. 

Le conseil communautaire a eu lieu, ce mercredi, au foyer Louis Barre, à Valleraugue • François Desmeures

En début de saison, Laurent Monge-Cadet avait annoncé la couleur - qu'il aurait souhaité blanche comme neige - à Objectif Gard : il fallait un manteau blanc sur la saison hivernale pour sauver les finances de la station Alti Aigoual  (relire ici). Depuis le début de l'année, seuls deux épisodes ont permis à la station d'ouvrir sa partie ski. Mais le premier a confirmé le dérèglement climatique, avec des températures passées de -7° à + 10° en un jour... Ce mercredi, à Prat-Peyrot, les remontées mécaniques de la station Alti Aigoual étaient en marche, tandis que la communauté de communes débattait de leur sombre avenir. 

"On ne peut pas avoir une activité hivernale avec quatre à six jours de neige par an"

Gilles Berthézène, président de la communauté de communes Causse - Aigoual - Cévennes

"Nous avons eu un comité de suivi la semaine dernière, entame le président de la communauté de communes, Gilles Berthézène. Les référents sont venus présenter leurs comptes. Ils connaissent d'importantes difficultés financières." Jouant de malchance en début de parcours, notamment du fait du Covid, les gestionnaires n'ont pas connu de saison 2020 ni 2021. Sans parler de l'absence de neige en 2019, ou de celle, précaire en 2023. Une situation qui ne risque pas de s'améliorer alors que le réchauffement climatique paraît s'accélérer. "On ne peut pas avoir une activité hivernale avec quatre à six jours de neige par an", tranche Gilles Berthézène. 

"Les représentants de la délégation de service public (DSP) ont annoncé le dépôt de bilan, qu'ils doivent faire aujourd'hui auprès du tribunal de commerce, poursuit Gilles Berthézène. Ce sera soit le redressement judiciaire sur un certain nombre de mois, soit la liquidation selon ce que le mandataire va décider. Ce qui fut important dans la discussion, c'est qu'ils ont envisagé d'engager la réflexion sur une modification de l'activité hivernale, une réflexion qu'on avait demandé dès le départ. L'activité hivernale actuelle génère des charges fixes très importantes. Ils sont en train de voir quelles économies ils pourraient faire pour maintenir l'activité hivernale. Mais la situation est préoccupante parce que leur délégation inclut aussi la gestion du restaurant de l'Aigoual, sur lequel ils font des bénéfices." 

"On a déposé les papiers, mais on n'a encore rien signé"

Denis Boissière, porte-parole de la station Alti Aigoual

Sauf que le dépôt de bilan n'a pas encore eu lieu, affirme le porte-parole de la station, Denis Boissière, qui confirme être allé au tribunal de commerce. "Effectivement, on leur a dit qu'on allait déposer le bilan. Mais, depuis, il y a eu quelques avancées. On a déposé les papiers, mais on n'a encore rien signé". Il espère dans une compensation de la communauté de communes, puisque les travaux de de mise aux normes du bâti que devait mener l'institution, avant mai 2024, n'ont absolument pas commencé.

Denis Boissière, porte-parole de la station Alti Aigoual, ici en 2022 • François Desmeures

"Les travaux n'ont pas été faits et on leur a demandé de compenser. A priori, ils vont le faire. S'ils le font, le dépôt de bilan sera moins automatique, espère Denis Boissière. Pas un clou n'a été planté, on se ruine en gazole pour chauffer, on n'a pas pu exploiter tous les bâtiments, on n'a pas pu mettre en place les activités qu'on voulait, ceux qui devaient collaborer avec nous ne sont pas venus parce que les bâtiments sont pourris... Dans ces conditions, on a demandé une compensation à partir du 1er mai. Pour contrat non respecté. On est en train de faire une belle journée, si c'est aussi le cas ce week-end, on peut éviter le dépôt de bilan", affime Denis Boissière, alors qu'il participe à faire tourner la station, ce mercredi. 

Dans l'assemblée de Causse-Aigoual-Cévennes, alors que le dépôt de bilan est considéré comme fait, le débat porte déjà sur l'après et sur le sort des gestionnaires. "Il est important de dire qu'on souhaite avoir un accompagnement de la situation, insiste la maire de Dourbies, Irène Lebeau. Il ne faut pas chercher à les enfoncer. Il y a eu un accompagnement de la communauté de communes depuis le début, il faut que la fin se passe le mieux possible." "On leur a rappelé notre démarche d'accompagnement, répond le premier vice-président et maire de Lanuéjols, Alexandre Vigne. On leur a laissé 40 000 € HT pour le démarrage de l'activité vélos électriques ; chaque année, on les dispense de loyer et on paie pour eux le loyer ONF ; on a négocié les factures électriques au tarif de la SMEG... Mais, évidemment, il est inentendable que le gestionnaire doive vendre sa maison pour rembourser les dettes". 

"Nous avons contacté notre conseil juridique pour, éventuellement, séparer Prat-Peyrot du reste et leur laisser les gîtes et le restaurant en gestion, afin qu'il paient leur dette, poursuit Alexandre Vigne. Mais ce n'est pas possible, parce qu'il faudrait un nouveau marché avec appel d'offres." Un élu s'interroge, aussi, sur les raisons qui feraient qu'on offre au gestionnaire que ce qui est bénéficiaire. Le maire de Lanuéjols ébauche alors une solution : conserver l'existant, "mais qu'il ne reste qu'une petite activité de neige, pour le cas où ça tombe. Mais sans nouvel investissement." Sorti du conseil communautaire, Alexandre Vigne précise sa pensée : "On va fermer des remonte-pentes, il ne faut en garder que deux ou trois. Le projet était axé sur la conservation du ski alpin, on a convenu qu'il faut arrêter ça." 

"Ce n'est pas notre vocation de mettre de l'argent dans une entreprise privée"

Alexandre Vigne, 1er vice-président de Causse - Aigoual - Cévennes

"Si le bilan n'est pas déposé, il faut maintenir ce qui doit être maintenu, poursuit Alexandre Vigne, alors que la DSP court jusqu'en 2029. Mais s'ils demandent 500 000 € d'argent public, on ira au tribunal administratif. Effectivement, on ne va pas tenir les délais. Mais on a recruté un architecte, on en était à l'étape de la consultation des entreprises, etc." Sauf qu'entre les devis de 2021, qui chiffraient les travaux à 1,050 millions d'euros, et aujourd'hui, le devis a presque doublé, avec 900 000 € supplémentaires. "On ne peut pas mettre un million de notre poche." En séance, le premier vice-président a aussi rappelé un principe, "ce n'est pas notre vocation de mettre de l'argent dans une entreprise privée. C'est à eux de mieux gérer." D'autant, avance le maire de Soudorgues, Bertrand Van Peteghem, "qu'on est dans le cadre d'une DSP. Or, le seul service public, ici, c'est la remontée mécanique". 

Les délégataires s'apprêtent-ils à formuler un recours pour dénoncer la part du contrat qui n'aurait pas été respectée ? "On n'en est pas là encore, tranche Denis Boissière. S'ils font la compensation, il n'y aura pas de recours du tout. La demande qu'on a posée, c'est une indemnité journalière, à partir du 1er mai, pour compenser le contrat qui n'a pas été fait. Nous, on a plein d'indemnités prévues si on ne respecte pas notre contrat. Celle-ci n'a pas été prévue." Hors séance, un élu lâche, un peu amer : "Plutôt que de mettre de l'énergie à créer une association anti-parc national des Cévennes, qui leur fait perdre du temps et de l'argent, ils feraient mieux de réfléchir à diversifier."

La rénovation des bâtiments de Prat-Peyrot repart à zéro

Dans la foulée, le conseil communautaire a résilié le marché à maîtrise d'oeuvre pour la réhabilitation des bâtiments de Prat-Peyrot. Un projet dont les montants ont presque doublé (lire ci-dessus). "Il est nécessaire de revoir totalement le projet, a plaidé Gilles Berthézène, pour en imaginer un qui mette en avant les activités quatre saisons." Pour la suite, l'exécutif s'est "rapproché du cabinet d'architectes du Département du Gard, pour qu'ils travaillent à la réhabilitation et à la mise en place d'activités à Prat-Peyrot." C'est donc le CAUE (conseil d'architecture et de l'environnement) qui doit ébaucher un nouveau projet.

François Desmeures

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio