L'INTERVIEW Le virologue Mircea Popescu : "L’épidémie de Covid en Chine sera une catastrophe"
De passage à Nîmes, Mircea Popescu est virologue. Peu surpris par la crise sanitaire, il annonce que la fin de la politique zéro Covid en Chine sera « une catastrophe » avec des conséquences pour l’Europe.
Objectif Gard : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Mircea Popescu : Je suis retraité depuis six mois. J’ai commencé une carrière prolifique, d’abord en tant que médecin généraliste après l’obtention de mon diplôme à la faculté de médecine de Bucarest en Roumanie, mon pays d'origine. Seulement je n’ai exercé que peu de temps... J’ai décidé de passer un doctorat de virologie à l’institut de virologie Stephan Nicolau de Bucarest, et je suis parti en post-doctorat à la Hadassah médical school Jeruasalem. J'ai ensuite fait des recherches scientifiques à l'université de Hambourg (...) Après cinq ans d’enseignement, on m'a proposé de créer une des premières sociétés de biotechnologie à Princeton aux États-Unis. Pour la petite histoire, nos premiers locaux étaient ceux d’Albert Einstein à l’Institut d’études avancées.
Pourquoi la virologie vous passionne-t-elle ?
Le monde microscopique est passionnant ! Il est des millions de fois plus grand que ce que l’Homme est capable de voir à l’œil nu. Dans un petit morceau de terre (il montre le creux de sa main, NDLR), ce sont plus de 100 000 virus qui peuvent exister. Dans une même quantité d’eau, ce sont plus d'un million de virus ! Les relations entre ces différents mondes m'ont toujours intéressé, fasciné.
En tant que professionnel, l’épidémie mondiale liée à la Covid-19 vous a-t-elle surpris ?
Très honnêtement, non. Je n’ai pas été étonné. Depuis la deuxième moitié du XXème siècle, les virus ont une plus grande capacité de sauter de l’animal à l’homme et provoque de nouvelles maladies infectieuses. C’est ce que l’on appelle les zoonoses. Nous connaissons plusieurs de ces virus comme le Sida transmis du singe à l’Homme ou l’épidémie de MERS-CoV, provenant du chameau. Aujourd’hui, les Hommes envahissent plus facilement des niches écologiques. Et il faut savoir que les chauve-souris, qui peuvent être infectées par le coronavirus, représentent plus de 20% des mammifères terrestres.
La particularité du Covid a été son extrême contagiosité qui a touché toute la planète…
C’est le résultat de l’évolution du virus. Un virus n’a pas pour but de détruire son hôte mais bien de se multiplier dans l’organisme où il évolue. Effectivement, une personne infectée par le SARS-CoV-2 est capable de contaminer trois personnes et déclencher une épidémie, alors qu'avec certaines autres maladies endémiques la contamination est limitée à une personne ou moins. C'est le cas de la malaria. L’effort sanitaire actuel de vaccination, masque, distance, et autres mesures de contrôles a pour objectif de transformer le COVID-19 en une maladie endémique.
Les États-Unis sont actuellement touchés par le variant XBB.1.5. Faut-il s’inquiéter ?
Nous ne connaissons pas encore la létalité de ce variant. Il est susceptible d’être comme Omicron : moins mortel et plus contagieux. Le problème en Amérique, c'est une triple épidémie : covid, grippe et bronchite. Une situation qui surcharge le système de santé. Chaque jour, aux États-Unis, 350 personnes meurent du Covid et 150 de la grippe.
La Chine connaît un regain de l’épidémie. Faut-il s’inquiéter ?
Oui. Ce qui va arriver en Chine va être catastrophique. Face à la révolte de la population, le pays vient de mettre un terme à sa politique du zéro Covid, mettant les gens face à leurs responsabilités. Aucun confinement, aucune interdiction de déplacement... Aujourd'hui, les habitants n’ont pas d’immunité collective, ils n’ont pas été exposés au virus. Le 22 janvier, ce sera le nouvel an chinois. Les gens des villes vont rentrer dans leurs villages retrouver leur famille, ils amèneront leurs enfants chez les grands-parents… Je vous le dis : ça va évoluer en catastrophe.
Quelles seront les conséquences selon vous ?
Des millions de personnes vont mourir en Chine. Ce ne devrait pas être le cas en Europe, puisque les variants chinois sont des variants que nous connaissons. De plus, nous avons une plus grande immunité. Mais cette épidémie aura des conséquences économiques chez nous avec une pénurie de médicaments, puisqu’ils sont fabriqués en Chine et que, comme les masques, les Chinois en auront besoin.