FAIT DU SOIR Après "une première victoire", le combat pour la réouverture "totale" des urgences de Bonnefon se poursuit
Au lendemain d'un communiqué de presse de l'Agence régionale de santé (ARS) Occitanie qui a retenti comme une "première victoire", un rassemblement était organisé ce mardi 9 mai devant l'entrée principale de la clinique Bonnefon afin de réclamer la réouverture totale du service des urgences à l'heure où ce dernier est menacé de disparaître.
Le retentissement de l'annonce le 20 avril dernier de la fermeture du service des urgences de Bonnefon le 20 juin prochain a été tel que la direction du groupe Elsan, propriétaire de l'établissement alésien, a été contrainte de changer son fusil d'épaule. Et pour cause ! Le président d'Alès Agglomération, Christophe Rivenq, s'est d'abord chargé de débusquer les plannings, lesquels réfutaient l'argument avancé par la direction de la clinique qui mettait la fermeture sur le dos de "l'accentuation des difficultés liées au recrutement médical et soignant dans le territoire des Cévennes".
Et puis, en ce jour férié du lundi 8 mai, comme pour mieux illustrer l'urgence de la situation, l'Agence régionale de santé (ARS) Occitanie s'est fendue d'un communiqué pour le moins explicite, au sein duquel elle demande à la clinique Bonnefon de "tout faire pour que son service d’accueil des urgences continue à fonctionner 24/24 à l’approche de la période estivale, et notamment les week-ends".
"À défaut de pouvoir répondre à cette obligation, la clinique Bonnefon est autorisée à faire fonctionner son service d’accueil des urgences en journée uniquement, de manière dérogatoire dans le cadre du prolongement des mesures Braun jusqu’au 31 août 2023", écrivait par ailleurs l'ARS, ne manquant pas de préciser que cette dérogation réclamée par la direction de la clinique en fin de semaine dernière doit rester une "exception" compte tenu de "l’activité soutenue pendant tout l’été des services des urgences du Gard".
C'est au lendemain de cette intervention qualifiée de "première victoire" par Bruno Rivier, secrétaire général de la CGT dans le Gard, qu'un rassemblement initié par ce même syndicat majoritaire à la clinique Bonnefon depuis les élections professionnelles 2022 s'est tenu ce mardi matin, devant l'entrée principale de l'établissement. 160 personnes y ont participé d'après la police.
"Il y a urgence pour les urgences", revendiquait une grande banderole brandie par des agents CGT de Bonnefon au cours des nombreuses prises de parole. Instigatrice d'un mouvement de grève de plus d'un mois l'an dernier agrégé autour de diverses doléances (relire ici), la déléguée syndicale CGT Hella Kherief a ouvert le bal. "Si on n'avait rien fait, les urgences auraient fermé le 20 juin", avertissait en aparté l'aide-soignante. Et d'ajouter : "Ils ont eu peur de ce rassemblement !"
En présence de plusieurs représentants de la communauté médicale, dont des radiologues et des chirurgiens, Hella Kherief dénonçait les "mensonges" de la direction de Bonnefon qui tente de "duper l'opinion publique" en faisant porter la responsabilité de la fermeture potentielle à la pénurie de médecins. "Les professionnels sont là ! On a la chance d'avoir des urgentistes motivés à Alès. Je vous assure qu'ils sont prêts à reprendre le travail de nuit", a lancé celle qui réclame la réouverture totale, "sept jours sur sept et 24h sur 24", du service des urgences de Bonnefon, lequel n'est ouvert qu'en journée depuis le début de l'année.
Se faisant discret dans l'assistance, l’urgentiste Adnan Zreika, qui a débrayé ce mardi matin pour participer au rassemblement avant de regagner le service des urgences pour assurer un service minimum, autrement dit prendre en charge "les urgences vitales", a confirmé les propos de la déléguée syndicale. "On a fait les plannings jusqu'au jour de l'An. Il n'y a pas de problème de manque de personnel ! On peut établir n'importe quel planning si on le souhaite", a fait savoir celui qui travaille "depuis 9 ans ici".
Au point de s'être attaché "à l'établissement et à la ville" qu'il n'a pas souhaité quitter malgré plusieurs propositions alléchantes dans d'autres établissements du sud de la France, à Marseille notamment. "Je m'en fous de l'argent ! Je suis là pour sauver des gens !", revendique le Dr Zreika, qui se souvient d'une folle journée à "plus de 60 passages aux urgences de Bonnefon" juste avant la pandémie.
Le service des urgences de Bonnefon entraînerait dans sa chute celui de l'hôpital
Secrétaire général de la CGT des hospitaliers, Romain Sabran a également porté assistance à son homologue de la clinique ce mardi matin, pour rappeler que "la santé est un bien précieux qui ne devrait pas être traité comme une simple marchandise à vendre au plus offrant". Ce dernier craint par ailleurs que la fermeture des urgences ait un impact direct insupportable sur le centre hospitalier dont le service des urgences, "conçu pour accueillir 25 000 patients, en accueille déjà 47 000 par an".
Romain Pialat, secrétaire adjoint du syndicat Force ouvrière à l'hôpital d'Alès, livrait un couplet similaire en indiquant qu'un "report d’activité" sur l'hôpital déjà sujet à "un manque de personnels et de médecins" serait un petit séisme, à l'heure où la fermeture des urgences de nuit à l’hôpital d’Aubenas (Ardèche) n'a rien arrangé. Puisqu'il s'agissait de faire cause commune pour défendre "la santé qui n'a pas de prix", le Dr Jean-Marc Leyssenne, président du comité de défense de l'hôpital d'Alès, y allait aussi de son intervention, annonçant notamment que ces "exigences légitimes" seront portées lors des États Généraux de la santé organisés par Alès Agglomération du 18 au 28 juin.
Dans l'assistance, l'élue communautaire Martine Magne, qui représentait Christophe Rivenq, opinait du chef. L'heure était venue pour l'attaché parlementaire Armand Crépin de lire en partie le communiqué rédigé par la député Nupes de la 5e circonscription du Gard, Michel Sala. Celui-ci juge "irresponsable de laisser le secteur privé se concentrer uniquement sur des secteurs rentables". Un reproche que l'attaché parlementaire ne manquait pas d'illustrer en se tournant vers le chantier du centre ophtalmologique en voie d'achèvement à côté de la clinique.
"C'est particulièrement irresponsable"
Bien présent dans les rangs des manifestants muni de son écharpe tricolore, le député Rassemblement national de la 4e circonscription du Gard, Pierre Meurin, n'a lui, pas été convié à la tribune. Les membres de l'Union locale CGT et ceux du parti communiste français (PCF) avaient même prévu de lui tourner le dos s'il se saisissait du micro. En marge du rassemblement, le député RN a tout de même tenu à exprimer les raisons de sa venue : "Je ne veux pas que ces urgences ferment pour des logiques comptables. D'autant que le groupe Elsan traîne un certain nombre de casseroles. Il a organisé des banqueroutes pour pouvoir justifier des fermetures de cliniques."
Et Pierre Meurin d'étayer : "Fermer des urgences à l'heure où on va rentrer dans la période estivale qui équivaut à une explosion démographique dans la région en raison du tourisme, c'est particulièrement irresponsable." Au cours de cette opération "coup de poing" dont Hella Kherief a rappelé le caractère reconductible en fonction des suites données par la direction, plusieurs propositions en vue de redonner à l'ancien "meilleur système de santé du monde" ses lettres de noblesse ont été évoquées.
"Ça fait chaud au cœur"
"Si la solution est de donner à l’hôpital les moyens à hauteur des besoins pour se soigner dignement, c’est aussi une réorganisation de l’offre de soin qu’il faut mettre en œuvre rapidement en regroupant les divers acteurs de santé au sein d’un pôle public, détaché de toute logique comptable et marchande. Ce pôle de santé mettrait en synergie l’hôpital public, la clinique Bonnefon et aussi des centres pluridisciplinaires de médecine de proximité avec notamment la création de centres municipaux de santé pour lesquels militent activement les communistes alésiens depuis des mois", a notamment fait apprécier Giovanni Di Francesco, secrétaire de la section alésienne du PCF.
Plus tôt avant lui, la déléguée syndicale avait énuméré les diverses suggestions émises par la CGT de Bonnefon à l'attention de la direction afin "d'améliorer et soutenir le service de surgences" aujourd'hui menacé, à commencer par "la création de postes d'agents d'accueil afin de raccourcir le temps d'attente" et "le recrutement d'un second médecin urgentiste à la journée", tout en se montrant favorable à un transfert du personnel vers le centre hospitalier "en cas d'absence occasionnelle de médecin urgentiste à la clinique". En fin de mobilisation, c'est à une aide-soignante de l'établissement que revenait la conclusion : "Ça fait chaud au cœur de voir que c’est important pour vous comme ça l’est pour nous !"