"On a hésité à l'appeler cantine fraternelle. Mais la fraternité est la chose la plus compliquée de la République." Avec la pointe d'humour qui l'identifie, l'âme de cantine solidaire de Rochebelle, Étienne Kretzschmar a pris la parole devant une salle de restaurant comble pour célébrer les dix ans d'une initiative folle (*), qui vise à permettre aux personnes en précarité de manger à leur faim, selon leurs moyens. Tout en comptant aussi sur la solidarité des plus fortunés pour qu'ils rendent la chose possible, en payant leur repas plus cher que le prix de revient. 

"Dix années, est-ce que cela se fête ou se célèbre ?, lance Étienne Kretzschmar. On pensait que ça ne durerait que trois ou quatre ans", ajoute-t-il, en reconnaissant une certaine fatigue : "Il est temps que l'initiateur se retire un peu." Cette "expérience sociale un peu utopique" aura donc bénéficié "d'un environnement social et culturel duquel cette utopie peut se développer. L'effort que ça nous réclame tous les jours nous permet d'être vigilants et vivants". 

Rendant hommage au quartier qui l'a vu grandir, donc, Étienne Kretzschmar en a parlé comme d'un "village qui respire encore la grande histoire, que nous devons respecter, et dont il nous faut nous souvenir". En espérant qu'un jour, "la cantine dépassera Rochebelle, et même l'agglo". Quelques associations de villages sont déjà venues à Rochebelle pour s'inspirer du modèle. Qui, s'il est remarquable du point de vue de la solidarité est aussi un marqueur de la précarisation d'une part de la population. 

(*) Le premier repas a été servi le 12 février 2014