L'INTERVIEW SPORT Jean-Philippe Siniscalco, président de l'US Monoblétoise : "C'était notre destin !"
Après une saison en apothéose marquée par la montée historique en Régional 3 et le titre en Coupe André-Granier, Jean-Philippe Siniscalco entame son cinquième exercice à la présidence de l'US Monoblétoise, club de 200 licenciés qui fait la fierté d'un village de 700 âmes enraciné en Piémont cévenol. Du recrutement audacieux de l'expérimenté Stéphan Ghalem aux contraintes financières, en passant par l'identité monoblétoise et l'engouement des locaux pour le club, l'US Monoblet dans les yeux de son président. Interview.
Objectif Gard : Quel est le secret de la saison historique qui vient de s'écouler ?
Jean-Philippe Siniscalco : Le recrutement de Stéphan Ghalem au poste d'entraîneur y est pour beaucoup. On était en difficulté après le Covid. La première année de la pandémie, on fait une très belle saison avec Thierry Gathuessi comme entraîneur. On finit quatrième quand la saison s'arrête au mois de mars. L'année d'après, Thierry est parti. On s'est retrouvé avec beaucoup de joueurs du cru. Le début de saison a été très compliqué avec quatre défaites en quatre matchs et cette fois-ci, le Covid nous a sauvé la saison. C'est à partir de là qu'on a eu une réflexion pour recruter quelqu'un qui pouvait apporter une autre mentalité car ça faisait 10 ans qu'on jouait le maintien en PHA (D1, Ndlr). C'était difficile de sortir de ce carcan.
"On ne pensait pas monter cette année-là"
On a fait un paquet d'entraîneurs avant d'arriver à faire venir Steph' Ghalem à Monoblet, petit village cévenol paumé. Quand j'ai vu son parcours, j'ai vu qu'il avait fait six montées en neuf saisons. Je me suis dit "ce gars-là il a la recette !" On s'est vu plusieurs fois, au début il n'était pas très chaud de venir jusqu'à Monoblet. Je lui ai expliqué qu'on avait une école de foot complète, une équipe féminine. On a réussi à le convaincre ! Il fédère tout le monde et surtout il a un portefeuille de joueurs énormissime ! Il y a un certain nombre de joueurs qui sont venus uniquement pour le suivre. Après, on avait déjà une belle base avec de bons petits jeunes du club. En y ajoutant les recrues, la mayonnaise a bien pris. Pour être franc, on ne pensait pas monter cette année-là. Pour moi c'était plutôt une année de transition. C'était notre destin, c'était l'heure !
Pour autant, la montée en R3 n'est pas l'unique motif de satisfaction de la saison dernière...
C'est vrai qu'au-delà de la montée en R3 qui est historique pour nous, notre équipe féminine a gagné le championnat de foot à 8 en perdant en finale de la Coupe Gard-Lozère. Nos U13 ont fini premiers du championnat départemental. Et en plus de ça, j'allais presque l'oublier, la victoire en Coupe Granier des seniors !
Ça a dû occasionner une belle fête au mois de juin dernier...
Oh oui, ça a été fêté dignement (rires) ! Mais après, le lendemain ce n'est pas facile. Il faut savoir rebondir. On est en Ligue maintenant. Même si on rencontre régulièrement des équipes de R1, R2 ou R3 en Coupe, on ne savait pas trop à quoi s'attendre sur un championnat complet. Le plus important pour moi, c'était de garder tout le monde. C'est chose faite puisqu'il n'y a qu'un seul joueur qui a arrêté sa carrière. Après, on voulait un recrutement intelligent avec un nouveau joueur par ligne pour ne pas tout chambouler. On peut dire que cette saison on a un effectif pléthorique en quantité comme en qualité.
Pour un village de 700 âmes comme Monoblet habitué aux joutes sportives au niveau District, est-il difficile de répondre aux exigences financières du niveau Ligue ?
C'est de plus en plus compliqué. On est un peu à l'image de la société, tout augmente ! On a la chance d'organiser notre propre fête votive. À l'inverse de beaucoup de comités qui en organisent une sans obligation financière, nous on l'organise dans l'optique de générer un maximum de bénéfices parce qu'on sait que ça va rentrer dans le budget du club. Avant mon arrivée, on avait 25 000 euros de budget pour le club dans son intégralité, sauf qu'il n'y avait que l'équipe seniors à faire tourner. Aujourd'hui, il y a douze catégories de jeunes, trois équipes féminines engagées, deux équipes seniors masculines et une équipe vétéran. 25 000 euros de budget, ce n'était plus possible. Donc on se démène en organisant des soirées, des lotos. On a des petits sponsors mais on n'a pas de gros mécène. On a juste doublé le budget pour équilibrer les comptes. C'est très très loin de la moyenne de la division. Je connais beaucoup de clubs de District qui ont un budget plus conséquent que le nôtre. Pour être honnête, le volet financier est une vraie barrière. Même si on avait une équipe compétitive pour jouer la montée en R2 ou en R1, on ne pourrait pas se le permettre.
Dans le foot amateur, de plus en plus de clubs, y compris plus bas en D1 et en D2, payent désormais l'entraîneur et parfois les joueurs. C'est aussi le cas à Monoblet ?
Pour les entraîneurs, c'est automatique. Je ne connais aucun entraîneur qui vient gratuitement maintenant. On a la chance de ne pas avoir à payer les joueurs, mais on a mis en place une petite prime de match. Notre chance, c'est que les joueurs sont du cru et sont fidèles à Monoblet. Les autres ont suivi Stéphan Ghalem et ont fait primer le côté affectif. Cette saison, quand les gens vont voir notre équipe, certains vont se dire "ici ça doit lâcher de l'argent". Mais non, ce n'est pas vrai, on ne peut pas se le permettre. On n'a pas les reins solides. En l'état, on n'est pas loin d'etre au maximum du budget que l'on peut atteindre. On ne veut pas faire n'importe quoi, on avance doucement.
"On a joué petit bras"
Quels sont les objectifs affichés pour les différentes équipes du club à l'heure où vient de s'ouvrir une nouvelle saison ?
On arrive maintenant à un tournant. C'est maintenant que le plus dur commence. L'idée, c'est vraiment le maintien pour la R3. On sort quand même de 15 ans en PHA... Il faut d'abord stabiliser cette équipe, après on verra. On aimerait aussi faire monter la réserve en D2, mais ça sera très compliqué de sortir de D3. On parle souvent des joueurs titulaires. Mais bien souvent une saison est réussie grâce aux remplaçants ou aux réservistes qui sont de bonne qualité. Pour en trouver, il faut que la réserve ne soit pas trop basse. Les mecs viennent tenter leur chance en R3. S'ils n'y arrivent pas, se retrouver en D3 c'est compliqué pour eux, en D2 ça passe mieux.
Cette première journée de championnat face à Marguerittes avec ce match nul (0-0) à domicile vous a-t-elle rassuré sur votre capacité à être au niveau de la division ?
Oui et non. Je savais qu'on était dans le vrai suite à nos matchs de prépa' contre des équipes de R1, R2 et R3. On est tombé sur une très belle équipe de Marguerittes qui est taillée pour jouer le haut de tableau et est qualifiée pour le quatrième tour de Coupe de France. Malgré tout, je trouve qu'on a joué petit bras. On ne savait pas trop à quoi s'attendre pour ce premier match qu'on aurait pu gagner puisqu'on a failli avoir un pénalty en fin de match. On a fait jeu égal donc je suis assez content !
"On est Monoblet, le petit village d'irréductibles gardois"
Jean-Philippe Siniscalco, président de l'US Monoblétoise
Historiquement, même chez les jeunes, Monoblet a la réputation d'être une équipe difficile à jouer à l'extérieur. Un déplacement à Monoblet instille souvent de la crainte chez les adversaires, comme s'ils avaient affaire à une citadelle imprenable. Comment expliquez-vous ce trait identitaire ?
C'est identitaire en effet (rires) ! Ça date d'il y a plus de 40 ans. C'était très compliqué de venir jouer à Monoblet. On nous appelait les bouchers ! Mais ce n'est plus vrai depuis une dizaine d'années. On a de vrais joueurs de ballon, techniquement et tactiquement on a rattrapé le retard. On domine plus souvent les matchs qu'on ne les subit, donc on est forcément moins virulents sur le terrain (rires). Même si on a toujours cette grinta ! Quand on rentre sur un terrain, on a sûrement plus de niaque que les autres. Je l'ai toujours dit, on est Monoblet, le petit village d'irréductibles gardois. On mouille le maillot pour le clocher. Je peux vous garantir que même les joueurs qui viennent de l'extérieur finissent par adopter cette mentalité tellement c'est ancré chez nous.
La saison historique qui vient de s'écouler a-t-elle généré un fort engouement autour de l'équipe première ?
Oui, même si ça a toujours été une particularité à Monoblet. Je ne connais pas beaucoup de villages ou de villes qui ont un tel ratio habitant/licencié. On est 700 pour 200 licenciés. Sur les 700 habitants, il y en a peut-être 350 qui ont au moins joué une fois ou ont été bénévoles au club, donc forcément le dimanche ça fait du monde au stade. On est d'ailleurs peut-être le seul club de la division qui fait payer l'entrée au stade (3,50€, Ndlr) et malgré ça les tribunes (450 places, Ndlr) sont tout le temps pleines ! Quand j'ai fait signer Stephan Ghalem, je l'avais prévenu de l'engouement autour du club. Après le premier match il était venu me voir en me disant qu'il était impressionné ! La bonne nouvelle, c'est que ce n'est pas valable que pour l'équipe première. Il y a quelques jours nos féminines ont joué l'OAC en Coupe et les tribunes étaient pleines. C'est très agréable !