LE 7H50 de Philippe Gras : « Je ne frappe pas les maires avec une baguette ! »
À 54 ans, le maire de Codognan est président du SCoT (Schéma de cohérence territoriale). Après six ans de travail, il a réussi à rallier les élus des 80 communes du Sud Gard autour d'un plan de développement pour les 10 ans à venir. Entretien.
Objectif Gard : Le SCoT a été voté lundi soir. Tout d’abord, de quoi s'agit-il concrètement ?
Philippe Gras : C’est un document d’aménagement du territoire dont le périmètre est relativement important dans le Sud Gard. D’après le dernier recensement, il concerne 391 000 habitants. Ce niveau est pertinent pour la réflexion concernant, par exemple, les modes de transports. À l'échelle de la Région, les SCoT sont plus étroits.
Les communes doivent-elles obligatoirement se conformer au SCoT ?
Le SCoT a une valeur normative : il contraint les plans locaux d’urbanisme des mairies dans la création des zones d’aménagement ou des zones d’exploitation commerciales pour créer des grandes surfaces. Alors oui, les établissements publics, communautés de communes et mairies doivent respecter les objectifs du SCoT mais elles demeurent libres du choix des moyens pour les atteindre.
Les élus ne peuvent donc pas faire ce qu’ils veulent...
Je ne suis pas un professeur qui frappe les maires avec une baguette ! Il ne faut pas percevoir le SCoT comme une contrainte qui tomberait d’en haut. Au contraire, ce document a été conçu dans la concertation, avec plus de 80 réunions entre élus, pour trouver un large consensus. La tâche n’est pas facile. Réfléchir à l’horizon 2030, ce n’est pas simple. Évidemment, quand vous réunissez 80 communes, les intérêts divergents et peuvent être contradictoires. Nous avons dû hiérarchiser les priorités.
Justement, à quoi ressemble ce SCoT 2018-2030 ?
Il s’illustre déjà par des objectifs de croissance démographique : 52 000 habitants d'ici 2030. Il nous faut produire des logements pour les accueillir, soit 38 000 avec 20% de logements locatifs aidés. Si notre territoire attire par sa qualité de vie, il souffre du chômage (14,2% dans la zone nîmoise). Il nous faut mettre l’accent sur le développement économique, tout en articulant nos efforts en réduisant de 35% notre consommation de foncier naturel et agricole.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Le SCoT précédent a été réalisé rapidement (loi SRU 2000). Il était gentillet, pas très contraignant... Depuis, les élus locaux sont contraints par plusieurs textes, comme la loi Grenelle et la préfecture est de plus en plus regardante. Pendant la révision, beaucoup d’élus sont arrivés en demandant que le document soit le moins contraignant possible pour que, si Toyota veut implanter une usine avec 1 000 ouvriers, la société le puisse. Évidemment, ce n’est pas possible.
Quels projets ont-ils été abandonnés ?
Le bois de Minteau à Calvisson, sur lequel était projeté un parc photovoltaïque, a été mis en suspend. Nous n’avons pas sous la main l’opérateur susceptible de réaliser ce projet. Sous Damien Alary, la Région a dit qu’elle allait reprendre ce projet. Mais visiblement la nouvelle présidente Carole Delga est moins active... Du coup, nous n’avons pas pris en compte ce projet dans la consommation du foncier (130 hectares de terres artificialisées chaque année, NDLR).
Quelle sera la place des énergies renouvelables ? Le vice-président de Nîmes métropole, Vincent Allier, qui s’est abstenu sur le SCoT, vous fait le reproche que leur part est moindre.
Aujourd’hui, à partir de nos zones artificialisées, nous sommes capables de produire de l’énergie photovoltaïque permettant de desservir 87 000 foyers. Donc n'allons pas consommer des terres naturelles ou agricoles alors que nous avons ce potentiel disponible.
D’un point de vue personnel, comment avez-vous vécu cette révision du SCoT qui a duré six années ?
Je suis arrivé en 2014. Présider le SCoT est un beau challenge. Réfléchir sur le développement de notre territoire à l’horizon 2030 m’intéresse, tout comme le dialogue avec les communes. On rencontre des gens très différents, c’est passionnant. Je suis content du résultat.
Puisque c’est passionnant, allez-vous vous représenter en 2020 à Codognan ?
Écoutez, on va terminer notre mandat et on verra… La tâche est lourde. À côté, j’ai mon métier d’avocat en droit public (inscrit au barreau de Paris, Philippe Gras travaille dans la capitale et à Montpellier, NDLR) et je fais des compétitions d’attelage hippomobile. Je me laisse encore quelques semaines de réflexion.
Propos recueillis par Coralie Mollaret