ÉCONOMIE Les vins des côtes du Rhône résistent bien malgré le contexte
Pour le vin, on ne peut pas dire que les derniers mois ont été particulièrement porteurs, entre la crise sanitaire et les aléas climatiques, auxquels se sont ajoutés les aléas géopolitiques, avec la taxe Trump. Pour autant, les vins de la vallée du Rhône s’en sortent pas trop mal en 2020.
En guise d'introduction, le président de l'interprofession de la vallée du Rhône et des côtes du Rhône Inter Rhône, Philippe Pellaton, rappelle que dresser un bilan économique sur le secteur reste « pas facile, car si globalement la situation économique n'est pas mauvaise, derrière se cachent des réalités individuelles très différentes ».
Ceci posé, « la situation est correcte compte tenu des contraintes », note-t-il. Aux contraintes sanitaires, qui avec la fermeture des bars et des restaurants impacte le vin, s’ajoutent les aléas climatiques de plus en plus fréquents, dont le dernier en date le gel de début avril. « Un gel historique aux gradients différents », affirme Philippe Pellaton. Certains terroirs ont plus souffert que d’autres du gel, comme le Vaucluse et les terroirs septentrionaux, comme Côte-Rôtie. La partie gardoise des Côtes-du-Rhône moins, avec « 15 à 20 % de pertes », note-t-il. Il faudra toutefois attendre un peu pour quantifier plus finement les pertes. Le Gard avait souffert du gel l’année dernière, et Philippe Pellaton, vigneron à Laudun, avait perdu la moitié de sa récolte 2020.
Si sur le millésime 2020 la vallée du Rhône ne connaîtra pas de souci qualitatif, en revanche sur le quantitatif c'est une autre histoire. Deuxième producteur de vin de France après Bordeaux avec un potentiel de 3 millions d’hectolitres annuels, la vallée du Rhône « décroche depuis 2017 à 2,6 - 2,7 millions d’hectolitres », constate Philippe Pellaton, qui considère déjà, compte tenu du gel, que 2021 sera dans la lignée des années précédentes. « Notre production est systématiquement impactée par les aléas climatiques, qui représentent 10 à 15 % par rapport à notre potentiel de production », avance le Laudunois. Des aléas moins localisés que par le passé « et de plus grande ampleur, c’est une donnée nouvelle face à laquelle il nous faut trouver des solutions », explique Philippe Pellaton.
Parmi les solutions, contre la sécheresse des projets d’irrigation sont en cours notamment dans le Gard, sur la grêle des canons existent déjà, mais contre le gel, « à -5, -7°C, rien ne marche. Alors il faut soit mettre de l’argent de côté, soit s’assurer. C’est pour moi la meilleure solution », note Philippe Pellaton. Un autre levier est de travailler sur les cépages, qui sont désormais en avance de quinze jours par rapport à il y a un demi-siècle. Résultat, lors des derniers gels du printemps, la vigne a déjà fleuri, mettant en péril la récolte. « Il y a de la recherche fondamentale sur le choix des clones et des porte-greffes pour aboutir à une végétation plus tardive », glisse le président d’Inter Rhône.
Malgré le fait que 2021 sera une petite récolte en volume, Philippe Pellaton n’est pas inquiet car les vignerons des côtes du Rhône ont du stock, permis par le ralentissement des ventes pour cause de crise sanitaire. « Le stock a augmenté de 10 %, c’est une force pour nous pour honorer les marchés en perspective de la petite récolte. On ne risque pas de rupture », note-t-il, tout en affirmant que les vignerons « ont tiré un joker ».
L’Europe au rendez-vous, les États-Unis et la Chine en forte baisse
Sur la commercialisation, les vins de la vallée du Rhône limitent la casse en cette année compliquée, avec une baisse de 8 %. « On aurait pu s'effondrer, c’est plutôt une bonne surprise », affirme le Laudunois. La baisse est principalement due au marché intérieur, et surtout à la fermeture des cafés et restaurants. En revanche, certaines appellations plus présentes en grandes surfaces, Ventoux par exemple, tirent leur épingle du jeu. L’export résiste bien, avec une baisse d’1 %. Environ 900 000 hectolitres de vins de la vallée du Rhône partent à l’export chaque année, soit 500 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Sur l’export, « la situation est contrastée », note Philippe Pellaton. En effet : si l’Europe performe, le grand export - comprendre les États-Unis et la Chine - dévisse. Ainsi, la Belgique est désormais le premier marché à l’exportation pour la vallée du Rhône, avec 155 000 hl (+13 %), une place jusqu’ici occupée par les États-Unis, qui sont désormais troisièmes (-16 %) derrière le Royaume-Uni (+6 %). Les pays du nord de l’Europe plébiscitent nos vins, et la Norvège détient la meilleure progression de 2020 avec +55 % en volume. En revanche, la Chine accuse une baisse de 36 % cette année.
Les pays européens sont donc « des valeurs sûres » rappelle Philippe Pellaton. Sur les États-Unis, le président d'Inter Rhône s’attend « à un rebond assez net » après le moratoire sur la fameuse taxe Trump, qui entraînait un surcoût chez l’Oncle Sam. Sur la Chine c’est différent, la décroissance ayant commencé en 2019, avant le covid. « Nous avons perdu la moitié des volumes commercialisés en Chine en deux ans », note Philippe Pellaton, qui compte toutefois « maintenir les efforts commerciaux » dans le pays le plus peuplé du monde.
À part ça, les tendances déjà à l’œuvre de diversification des couleurs pour réduire la part du vin rouge dans la production au profit du rosé et du blanc, suivant ainsi une tendance de consommation, se poursuit, tout comme la dynamique des conversions en bio du vignoble. 13 % de sa surface est désormais en bio.
Thierry ALLARD