FAIT DU JOUR Cédric Vareilhes, directeur général de Sésame autisme : "L'idée est de maintenir une activité de l'Esat à Saumane"
Fraîchement débarqué à la direction générale de Sésame Autisme Occitanie est, Cédric Vareilhes a rencontré, lundi 11 juillet, salariés et parents de l'établissement ainsi que le service d'aide par le travail (Esat) de La Pradelle, à Saumane, où se situe encore le siège social de l'association. Celle-ci gère environ 400 enfants et adultes atteints de troubles du spectre autistique, ainsi que 350 salariés (relire ici). Il a tenté d'apaiser les craintes sans pouvoir, pour l'instant, offrir de perspectives sécurisantes. Entretien avec Cédric Vareilhes, qui justifie de 25 ans d'expérience dans le secteur médico-social et qui a conscience de prendre la direction d'une association quelque peu malade.
Objectif Gard : Dans quel état vous attendiez-vous à trouver Sésame autisme en prenant la direction le 1er juillet ?
Cédric Vareilhes : C'est trop court pour faire un état des lieux. J'en savais, de l'extérieur, ce que l'on sait a minima, c'est-à-dire une situation de turbulence, sous administration provisoire, etc. En étant dans le secteur, on en sait même un peu plus. Mais ce qui m'a fait venir, ce sont les forces vives auxquelles je crois vraiment. C'est pourquoi je pense qu'il y a un beau projet à construire, justement parce qu'il y a ces forces vives sur place.
Qu'appelez-vous "forces vives" dans le cas de Sésame autisme ?
Les professionnels qui, pour la plupart, sont très engagés. Les membres du conseil d'administration, donc les adhérents, qui sont très engagés eux aussi. Sésame a dix-neuf établissements et services, de petite enfance jusqu'à adultes vieillissants, donc ça permet de travailler le parcours de vie. C'est royal. Quand on a ce panel là, on a tout ce qu'il faut.
Qu'elles étaient les turbulences dont vous avez eu vent en étant à l'extérieur ? Craignez-vous d'avoir besoin d'intervenir plutôt sur les finances ou plutôt sur les ressources humaines ?
S'il y a administration provisoire, généralement, c'est qu'il y a des turbulences (sourire). Les structures que j'ai dirigées précédemment ont toujours traversé des turbulences, avec un climat social dégradé, une situation financière aussi. Généralement tout est lié. D'expérience, c'est souvent un formidable terreau pour reconstruire quelque chose avec les personnes qui sont là, qui ont tenu. Je n'ai pas d'appréhension : comme je ne découvre pas une situation, qu'on ne m'a pas vendu du rêve, il n'y a pas de surprise. Maintenant, il faut faire un état des lieux assez rapide, et puis engager le travail. La priorité était sur Saumane la semaine dernière, parce que je savais que ces tensions existent. Mais, encore une fois, avec le peu de recul que j'ai, je pense qu'il y a un vrai défaut d'information. Ou une maladresse dans les informations données. Je voulais rencontrer les professionnels, rencontrer les familles et remettre à niveau l'état des informations. Puis, on se reverra dans un mois et demi, puis dans encore un mois et demi, etc.
"On va maintenir une activité sur Saumane. La question, c'est de voir quelle forme ça prendra."
Justement, que leur avez-vous dit à propos de l'avenir de l'auberge, des ateliers de La Pradelle et de l'avenir du site ?
La fermeture de l'auberge a été décidée avant que j'arrive. Probablement pour de bonnes raisons. Mais l'idée est vraiment de maintenir une activité de l'Esat (établissement et service d'aide par le travail) à Saumane. Ce n'est pas un projet fumeux : on va maintenir une activité. La question est de voir quelle forme ça prendra. On parle de diversification de l'offre de services, mais on doit voir plusieurs choses : les besoins des travailleurs sont-ils toujours les mêmes ? Ce que l'on propose est-il toujours adapté aux besoins ? Exemple très simple : les ateliers doivent correspondre à leurs besoins et à leurs aspirations. Les besoins évoluent, ces personnes sont vieillissantes comme tout le monde. Les aspirations peuvent changer aussi, au bout de cinq ou six ans dans la même activité. Il faut donc évaluer tout ça. Et on devrait se poser la question régulièrement, de savoir si les gens sont bien à leur place. Si des ateliers doivent fermer, pour des motifs de sécurité pour les professionnels, ils seront fermés. Mais on expliquera pourquoi. Soit on ferme pour remettre aux normes, soit pour passer à autre chose. On ne laissera pas les gens sans rien, comme ce qui est arrivé par le passé... Le point d'entrée numéro un, donc, ce sont les besoins et les aspirations des usagers. Et voir si on modifie l'offre de services, voir avec les professionnels s'ils ont envie de construire un nouveau projet, ou rester sur la même activité - auquel cas il faudra peut-être se déplacer à l'Esat de Vauvert. Tout cela va se construire dans les mois qui viennent.
Des travailleurs pourraient donc être déplacés de Saumane...
Il y a un plan stratégique mis en place par l'administrateur provisoire. Quand le plan stratégique dit, par exemple, pour grossir les traits, "déplacement de tant de travailleurs de Saumane vers Vauvert", c'est une entrée à la serpe. La question, c'est de dire : dans les travailleurs actuellement à Saumane, lesquels sont bien à leur place en fonction des besoins, quelles sont leurs aspirations ? Est-ce que les ateliers sont viables ?
"Je ne suis pas opposé à ce qu'on ait un atelier déficitaire"
Quand vous dites "viables", vous voulez dire rentables ?
Un Esat a une activité commerciale. Comme toute entreprise, il faut être à l'équilibre. Ce que j'expliquais aux salariés et parents, c'est que je ne suis pas opposé à ce qu'on ait un atelier déficitaire. Si cet atelier a un poids dans le territoire, on peut le maintenir. Mais on ne peut pas se permettre d'avoir un budget déficitaire, sinon dans deux ans on met la clé sous la porte. En revanche, dans une réflexion partagée sur l'offre de services, pourquoi ne pas maintenir tel atelier, etc. Si l'ensemble est à l'équilibre. La seule chose arrêtée, c'est qu'il n'y aura pas de fermeture et pas de délocalisation de l'ensemble.
Vous entendez certains parents qui craignent de voir leur enfant changer de lieu de travail ?
C'est délicat. Est-ce la volonté des parents ou celle des travailleurs ? Si on veut traduire ce droit de l'usager et de la personne à accompagner, il faut leur donner la possibilité de s'exprimer. Il y a une vingtaine d'années, on choisissait sans mettre les personnes dans la boucle. Ici on vient croiser les envies avec ce qu'on a identifié comme besoins et on voit ce qui est réalisable.
Quand pensez-vous pouvoir délivrer une nouvelle articulation entre Saumane, Vauvert et les autres établissements, notamment sur une nouvelle répartition des ateliers ?
J'ai prévu une nouvelle réunion dans la première quinzaine de septembre, avec les professionnels et les parents. Je leur ai demandé de faire, eux aussi, des propositions. Si c'est seulement "on ne veut rien entendre, on ne veut pas de changement", on n'ira pas loin. Grossièrement, il faudrait qu'en janvier on soit au clair sur la répartition. Si des points se révèlent plus délicats que d'autres, on prendra le temps.
"L'auberge, sous une forme ou sous une autre, va rouvrir"
Des parents ont parlé d'une transformation en lieu de vie pour l'Esat de Saumane, que cache cette expression ?
C'est beaucoup trop tôt pour évoquer ce point. L'objectif, c'est maintenir l'activité sur Saumane, donc, l'auberge, sous une forme ou une autre, va rouvrir. Profiter du cadre, qui est exceptionnel, pour l'utiliser dans les meilleurs fins possibles. Ce qui a été évoqué, c'est notamment d'en faire un lieu de répit, parce que c'est un cadre qui s'y prête. Mais le panel de possibilités est très large. Ça peut être une famille qui vient se mettre au vert, mais sans parler de répit. Le répit, c'est avant que la crise ne soit présente.
Parmi les travailleurs, les formes d'autisme sont-elles très différentes ?
Oui, c'est pour cette raison que l'on doit étudier les besoins et les compétences des personnes.
Le siège social restera-t-il à Saumane, alors que le siège administratif est désormais à Narbonne ?
Le siège historique et social est à Saumane. On a des établissements et services sur toute l'ancienne région Languedoc-Roussillon.
Sauf dans l'Aude justement...
Sauf dans l'Aude et dans la Lozère, effectivement, mais sur l'étendue Pyrénées-Orientales, Hérault, Gard. L'idée était de viser à peu près à équidistance des plus éloignés. Probablement qu'on rattachera siège social et administratif dans quelques temps, à Narbonne ou sans doute plus près de Béziers. Parce qu'avec deux sites géographiques différents, vous avez des ratés au niveau des courriers, par exemple.
Le but n'est pas de ramener le personnel administratif à Saumane...
De manière très claire, non. Et effectivement on n'a rien dans l'Aude. Enfin, pour l'instant. Une des raisons pour lesquelles j'ai rejoint Sésame, c'est l'objectif de redonner à l'association ce qu'elle avait il y a quelques années. Il faut donc qu'on soit figure de proue pour l'autisme. Au niveau de l'Aude, il y a des besoins. Donc, forcément...
Avez-vous déjà rencontré les financeurs que sont les Agences régionales de santé ou les Départements ?
Les rendez-vous sont pris. Ce sont des acteurs que je connais déjà, de par mes expériences précédentes.
Avez-vous pris connaissance des dossiers portés devant les Prud'hommes par le syndicat FO et une avocate en droit du travail ?
Je suis ça. Mais de manière très claire, la plainte est en cours, donc les faits qui doivent être jugés sont passés. Mon association est concernée, alors je m'y intéresse. Mais il n'y a pas moyen de faire marche arrière. Il s'agit juste de voir quel chemin prend la chose.
François Desmeures
francois.desmeures@objectifgard.com