FAIT DU JOUR Le denim à Nîmes et au musée éponyme
Oui, Nîmes est la ville de naissance du vêtement le plus en vogue du XXe siècle : le jean (ne lisez pas Jean, mettez-y l'accent Anglais).
Au travail comme au bureau, adopté par toutes les strates de la société, le pantalon de coton et de serge (mélange de laine et de soie cévenole) de Nîmes a fait son trou. D'ailleurs, maintenant il faut le porter troué pour être à la mode mais à l'époque...
Tissu de première nécessité, qui pouvait être réemployé et qui était bien souvent rapiécé, cette toile de faible rapport sera pour la ville de Nîmes le point de départ du négoce à grande échelle et de l'essor économique qu'elle connaîtra au XVIIIe siècle. Il faut dire que la première toile de Nîmes fut tissée en 1669. Levi Strauss viendra plus tardivement en récupérant des bâches de chariot qu'il revendra aux pionniers du grand ouest américain.
De là toute l'industrie du textile s'activera et la soie s'installera pour plus d'un siècle dans nos Cévennes. Bonneterie, châles, draps... firent la fortune des négociants et fabricants nîmois jusqu'à devenir une ville connue à l'international. Mais pas autant que Gênes, hélas. Le bleu indigo de Gênes, la teinture la moins coûteuse, a un peu détourné la toile de Nîmes. De bleu de Gênes, nous sommes passés à "blue-jean", ne rappelant que peu les origines du Denim. C'est bel et bien Levis Strauss qui a inventé le jean (même s'il existait en partie et en bleu à Nîmes à l'époque). Nîmes a créé la toile qui en est la trame et Gênes y a donné son nom. Un parfait travail d'équipe qui ne bénéficie plus qu'aux descendants du marchand...
Après l'histoire brève de cette fameuse toile, passons à présent à la visite du musée du Vieux Nîmes, lieu où règnent quelques sublimes pièces de collection. " J'admire l'architecture. C'est une pure merveille. Il y a une belle place sur le devant, un magnifique jardin à la française sur l'arrière et une galerie qui donne accès aux ateliers pédagogiques et du patrimoine au-dessus. La transmission et la pédagogie, deux choses primordiales ", détaille l'adjoint à la culture, Daniel-Jean Valade.
" Les châles de Nîmes sont aussi remarquables. Nous en avons une très importante collection qui recèle quelques merveilles d'esthétique, notamment ceux dits des quatre saisons. Les femmes les portaient et les tournaient en fonction de la saisonnalité. J'aime aussi beaucoup ce châle du XIXe à fond rouge d'andrinople ".
Mais quand on va au musée du Vieux Nîmes, on y va essentiellement pour en savoir plus sur le jean et cette toile denim comme disent les Américains. Dans la deuxième salle au parquet grinçant et à l'éclairage diffus, place au bleu de travail pour... monter en chauffe. Partout aux murs sont pendus des exemplaires uniques ou rares des premiers tissages. On y voit quelques pépites et on pourrait même anticiper les prochaines modes vestimentaires tant le foisonnement d'idées est impressionnant.
" C'est passionnant ! Par exemple ce caracot d'enfant, l'un des premiers tissages de Nîmes avec au-dessus un petit rappel "hommage" fait par Levi's et qui donne un écho à cette première création. Mon grand rêve serait de faire une vaste campagne de communication à la Benetton. Toutes les pubs, et depuis des années, reprennent la silhouette du jean. Le jean est mondialement connu et il faut rappeler aux gens qu'il vient de Nîmes. C'est pour cela que nous disons le denim. Ce que font les Ateliers de Nîmes est très bien car ramener le tissage à Nîmes est une excellente chose. Mais les institutions pourraient trouver des fonds et réaliser une grande campagne pour en parler au monde entier. Resituons le jean à Nîmes et les touristes verront le reste quand ils seront sur place ", espère l'adjoint à la culture de la ville de Nîmes.
Mais tant qu'à y être, ne vous contentez pas de rester dans la salle jean... Passez quelques encadrements de portes et traversez les salles les unes après les autres. Au détour d'un couloir, un petit bijou de douceur. " J'admire le plafond du cabinet d'hiver de l'évêque. La décoration est y très belle et la restauration réalisée il y a peu le met vraiment en valeur. Les symboles maçonniques sont exceptionnels. Ce plafond date de novembre 1687. Nous ne sommes pas loin des guerres de religion et de la révocation de l'édit de Nantes ", note Daniel-Jean Valade avec lequel nous avons déjà visité le Musée de la Romanité, celui des Cultures taurines et Carré d'Art.
Avant de sortir, jetez un œil aux armoires languedociennes, passage obligé pour compléter la bonne visite. Du noyer plus ou moins teinté, des sculptures ornementales très expressives, des détails saisissants... Le mobilier n'a guère changé, hormis en mensuration, mais voir les coups du ciseau à bois du maître reste une merveilleuse chose quand on parle d'amour artisanal. En sortant, allez flâner dans le jardin, lieu de quiétude, de discrétion et de repos en plein centre-ville.