FAIT DU JOUR Le secteur de l'hôtellerie de plein air en apnée
Le mois de mai, ponctué de plusieurs jours fériés, et les grandes vacances approchent à grands pas. Les professionnels du secteur de l'hôtellerie de plein air trépignent d'impatience, eux qui depuis un an sont contraints de faire marche arrière à chaque mesure de restriction annoncée par le Gouvernement.
"Nous nous préparons, sans même savoir à quoi nous attendre", lance Myriam Girard, co-gérante avec Hélène Aubry du camping Lou Vincen à Vallabrègues. Fermé, ouvert, fermé puis rouvert... Les annonces faites par le Gouvernement n'ont de cesse de perturber le calendrier de l'établissement familial situé le long du Rhône. "Nous avons accueilli les premiers clients de la saison le 27 mars et le 1er avril de nouvelles restrictions tombaient", se désole Myriam.
Résultat, seulement deux réservations ont été honorées dont une par des vacanciers allemands contraints de rester confinés dans leur caravane au camping Lou Vincen. Les locataires du site - propriété de la mairie - trépignent d'impatience et des questions se bousculent dans leur tête dont la principale : pourront-elles travailler dans de bonnes conditions cette année ?
"Se relever une seconde fois sera très difficile pour nous, tant moralement que financièrement"
Actuellement, le taux de réservations pour la période de haute saison est faible. "Nous sommes à peine à 20%. D'habitude, il est de 30% dans l'hiver, 30% supplémentaire à l'ouverture et 30% encore en dernière minute". Le stress est d'autant plus fort que le bilan de l'année dernière, et ce malgré les aides de l'État, de la mairie (dégrèvement du loyer) et une saison estivale animée, n'a pas été fructueux. La perte est estimée à 60% sur le chiffre d'affaires.
"Nous avons passé des nuits sans dormir. Nous avons réussi à nous en sortir mais se relever une seconde fois sera très difficile pour nous tant moralement que financièrement. Cette année est décisive, d'autant qu'il va falloir que nous remboursions le PGE (prêt garanti par l'État, Ndlr) que nous avons contracté." En attendant le rush de juillet et août, s'il a bien lieu, Hélène a dû trouver une activité complémentaire, dans un petit commerce à Vallabrègues.
Malgré les souvenirs douloureux, les co-gérantes du camping Lou Vincen gardent espoir. L'an dernier, elles ont inauguré leur espace restauration subventionné à hauteur de 50% par la Chambre de commerce et d'industrie du Gard, "au lieu de 25% initialement", précise Myriam. Et de poursuivre : "Ce point restauration a très bien fonctionné l'été dernier. Nous avions organisé plusieurs soirées à thème. La population locale a été au rendez-vous. Ça nous a presque permis de rattraper notre retard sur les emplacements."
Pour l'heure, la cabane en bois n'a toujours rouvert ses portes, mesures sanitaires obligent. La piscine n'est pas accessible non plus. Une absence de services qui a, selon Gilles Rigole, président gardois de la fédération de l'hôtellerie de plein air, a un fort impact sur le taux de désistement. "L'année dernière quand nous avons pu ouvrir au début du mois de juin, nous avions, avec un protocole sanitaire adapté, la possibilité d'ouvrir nos piscines selon des règles strictes qu'on a appliquées tout au long de la saison 2020. Cette année, les piscines ne peuvent pas rouvrir. Pour l'instant, elles ne sont pas ouvrables. C'est une micro décision qui a des conséquences majeures. On est furieux."
"On a l'impression que le tourisme est passé à côté de quelque chose"
Le décret de novembre 2020 autorisant les campings à rouvrir mais sous certaines conditions - dont la fermeture des bassins - n'a toujours pas été modifié. Gilles Rigole espère que cela sera fait d'ici la fin du mois de mai, mais se désespère en attendant de voir son carnet de réservations si peu noirci. "Et pourtant, on pourrait ouvrir en mode dégradé, limiter l'accès aux bassin à un certain nombre de personnes et ainsi honorer les vacances de nos clients et sauver nos établissements", indique Gilles Rigole, directeur du camping cinq étoiles du domaine de Massereau à Sommières.
Et le même d'ajouter : "Tant que le calendrier des services et notamment des piscines ne sera pas débloqué, nous sommes financièrement coincés, sauf peut-être ceux qui sont en bord de plage ou de rivière. Il y a un an, on faisait face. Un an après on est épuisés. Nous sommes nerveusement à bout, nous avons besoin de visibilité, de logique. On voit que ça patauge dans la choucroute avec les vaccins. Sans faire de politique, on a l'impression que le tourisme est passé à côté de quelque chose. Jamais on aurait pu imaginer qu'un an après, notre filière serait encore mise à mal alors qu'on a les outils pour accueillir nos clients dans de bonnes conditions, pour les rassurer. On ressent un sentiment d'abandon et de mépris."
En toute logique, cette mise à l'arrêt des services aura des conséquences sur l'emploi saisonnier si elle se poursuit. Malgré tout, Gilles Rigole veut rester positif. Preuve en est cette touche d'humour pour conclure notre entretien : "Nous n'avons qu'une envie, c'est de retrouver nos clients. Même et surtout nos petits râleurs au comptoir !"
Stéphanie Marin