FAIT DU JOUR Saint-Jean-du-Gard : la Légion étrangère en passe d'acheter neuf hectares au pied du col Saint-Pierre
Deux candidats au rachat d'une propriété de Banières Bas, au pied de la corniche des Cévennes, se sont présentés le 15 décembre devant la commission d'attribution de la Safer : un agriculteur et la Légion étrangère. C'est cette dernière qui a emporté la mise, pour 550 000 €.
C'est pourtant bien vers l'agriculteur Pascal Mira que s'étaient portés les votes de la commission Safer, le 15 décembre, mais à une condition : présenter un projet dans les neuf jours, avant le 24 décembre. Un délai beaucoup trop court pour établir un programme sérieux sur les quatre hectares de terres cultivables liées à la maison en vente de Banières Bas. La ferme abritait jusqu'ici un élevage de brebis et un gîte.
De ces quatre hectares agricoles, la Légion n'a pas grand chose à faire. Tout juste envisageait-elle, dans sa plaquette de présentation remise à la commission d'attribution de la Safer, de "proposer des activités liées à l'exploitation agricole du site" afin de "reconstruire les blessés physiques et psychologiques" de ses rangs. La Safer, elle, n'a pas omis sa vocation agricole. D'où l'exigence, formulée lors de la commission d'attribution, d'établir un bail dédié, une convention afin de garder en culture les quatre hectares de terres arables. La Légion promettait ainsi le maintien de l'activité ovine, de la chasse - en lien avec les associations agréées- et le développement de l'apiculture et de la production d'huiles d'olive par les militaires eux-mêmes, ainsi que la mise en place d'un potager pédagogique.
Cinq hectares de forêts pour des "marches en parcours naturels"
En plus de la maison - qui serait notamment destinée à réunir les familles de légionnaires -, l'armée lorgne sur les cinq hectares de forêt de la propriété afin d'y effectuer des "marches en parcours naturels" ou des "combats à pied en zone boisée", toujours selon la plaquette présentée par l'institution militaire. "Cela permettra aussi à la Légion d'avoir un pied dans cette zone dans laquelle elle est souvent engagée lors des épisodes cévenols", argumente le capitaine Oziemblowski, conseiller en communication de l'armée de terre dans le Gard (*).
Le projet en a fait réagir certains dans la vallée, qui craignent une trop grande proximité entre soldats à l'entraînement et touristes arpentant la fin du chemin de Stevenson, au pied de la corniche des Cévennes, à deux pas d'une départementale très fréquentée lors des vacances scolaires. Si le voisin direct de la ferme était absent ce mercredi, Richard Lunardon, qui produit la bière L'Arcandier en contrebas du hameau de Banières, retient qu'il "n'a rien contre la Légion".
Pour lui, ce qu'il faut préserver, ce sont bien les terres agricoles. "Si elles sont confiées à un agriculteur, ce serait un bon consensus, valide le brasseur. Parce que le monde a absolument besoin d'un retour vers le rural et il ne faut surtout pas gâcher des terres plates comme celles-ci, avec un accès à l'eau." Sur une commune qui ne connaît pas vraiment d'excédent en la matière.
"La mairie ne voit l'achat ni d'un bon, ni d'un mauvais oeil"
Côté municipalité, Michel Ruas attend la signature de l'acte de vente. "La mairie ne voit l'achat ni d'un bon, ni d'un mauvais oeil, avance le maire. On en parlait aujourd'hui (mardi, NDLR) en préparation de conseil municipal et l'opposition tenait le même discours. Pour l'instant, je ne vois pas où l'activité aurait un impact. On ne pense pas que ce soit une catastrophe."
Quand elle a eu vent de la volonté de la Légion, la municipalité a tenté d'orienter son choix vers La Borie. "Mais on a pris acte de leur volonté fin novembre et il était trop tard. Les responsables nous ont dit que l'État leur avait donné une queue de crédit à dépenser." Crédit que la Légion n'était pas certaine de retrouver en 2022. "On leur a quand même fait visiter", poursuit Michel Ruas, qui se félicite tout de même d'avoir "des touches avec des acheteurs potentiels". Plus isolée, la propriété convenait mieux à ceux qui contestent aujourd'hui l'installation au pied de la montée du col Saint-Pierre.
Ce samedi à 16 heures, une réunion publique organisée par des citoyens se tiendra à l'espace Paulhan afin d'informer sur ce qui est connu du projet. La mairie signale bien qu'elle n'est pas à l'initiative de la rencontre. Le même jour, à Banières Haut, le syndicat des forestiers privés organisera un grand jeu dans le cadre la Journée internationale des forêts.
33 prétendants au rachat en trois ans
Les vendeurs, qui ne souhaitent plus intervenir dans le débat, précisent tout de même plusieurs choses par voie de mail. Si la somme de 550 000 € est celle payée par la Légion, elle comprend des frais que n'encaissent pas les anciens propriétaires à l'occasion de la vente. Enfin, la date de commission d'attribution pouvait laisser supposer que la vente s'est inscrite dans une urgence. Or, il n'en est rien précisent le couple vendeur : "Cette propriété est en vente depuis trois ans par le biais de la Safer et de Relance, antenne de la Chambre d'agriculture du Gard, et donc à disposition de quiconque souhaitait l'acquérir. Trois ans pendant lesquels nous avons œuvré à une transmission, accueilli 33 prétendants à l'installation, qui, pour des raisons qui leur appartiennent, ne sont pas parvenus à faire le pas qu'il y a 35 ans nous avons osé. Tenir des bâtiments et des terres en état est exigeant, rappellent les éleveurs de brebis désormais à la retraite, défi que la Légion étrangère a décidé de relever en occupant les lieux et en partageant avec des paysans. Nous souhaitons à présent, et pensons y avoir droit, prendre un repos amplement nécessaire après toute une vie paysanne."
François Desmeures
francois.desmeures@objectifgard.com
* L'ensemble du 2e Régiment étranger d'infanterie était injoignable ce mercredi, pour cause d'entraînement en extérieur.